Analyse de l'oeuvre
Alors qu'actuellement, une grande partie des fans attendent avec fébrilité le remake de Blanche-Neige et les sept nains, on a beaucoup de mal à imaginer ô combien l'annonce d'une production d'une suite animée avait provoqué un tollé international deux décennies plus tôt. À tel point que Disney avait renoncé manu militari à la produire. Bambi, lui, n'a pas du tout eu cette chance, se voyant octroyer une suite que personne ne souhaitait et faisant d'elle la suite Disney ayant été produite avec la plus longue période de temps écoulée entre les deux : 64 ans. Une période extrêmement longue qui a des conséquences très fâcheuses sur les personnages qui perdent, irrémédiablement, leurs personnalités d'antan. DisneyToon Studios n'a absolument pas du tout la même approche narrative qu'avait eu Walt Disney autrefois. En modernisant l'intrigue et le caractère de ses héros, Bambi 2 va complètement les désacraliser jusqu'à un point où ils en sont devenus définitivement ridicules. On a un mal fou à reconnaître les personnages attendrissants de l'oeuvre de 1942. Certes, chacun d'eux avait un côté très puéril, ils étaient très touchants, mais jamais ils étaient une seule fois stupides. Désormais, ils sont transformés en personnages stéréotypés dignes de mauvais cartoons. Ce qui est d'ailleurs accentué par un détail particulièrement improbable : Bambi 2 est sans nul doute possible l'oeuvre en 2D visuellement la plus aboutie produite par DisneyToon Studios. Ce qui, aussi paradoxal que cela puisse être, accentue d'autant plus le contraste avec le nouveau caractère des personnages.
C'est d'autant plus regrettable que Bambi 2 est une oeuvre techniquement aboutie pour une production DisneyToon Studios, c'est vraiment indéniable. Les environnements visuels sont très riches, bénéficient d'une belle palette de couleurs et d'un soin du détail très poussé. Le studio va même jusqu'à reproduire, certes avec l'outil informatique, le principe de la caméra multiplan qu'avait utilisé Bambi à l'époque. De fait, la forêt, et même la prairie, fourmillent de nombreux petits détails d'avant et arrière plans du plus bel effet. Même l'animation des personnages est particulièrement remarquable et soignée. On est vraiment très loin au-dessus de tout ce que DisneyToon Studios avait pu produire jusqu'à lui. Ce qui explique, sans nul doute, pourquoi Disney n'a pas eu froid aux yeux en proposant directement le film en salle à l'international, bien que Bambi 2 n'ai pas eu cet honneur sur son propre territoire. Le long métrage laisse une très bonne impression générale dès que l'on retient exclusivement son aspect graphique. C'est beau, c'est fluide, c'est chatoyant, bref, l'univers semble très crédible et ne trahissant pas le film de 1942. Mais les choses se gâtent très vite dès qu'il s'agit de s'intéresser au caractère des personnages. DisneyToon Studios fait tout ce qu'il a toujours fait, un film exclusivement pour les enfants, là où tous les films produits par Walt Disney se voulaient universels dans leurs approches narratives. Il en résulte le plus gros drame de Bambi 2, l'escamotage du caractère originel des personnages.
Bambi était autrefois un jeune faon un petit peu niais qui découvrait peu à peu le sens de la vie. Il lui arrivait alors de faire quelques gaffes, comme il est normal qu'un jeune enfant expérimente le nouveau monde qu'il découvre. Dans ce nouvel opus, DisneyToon Studios le transforme en Dingo de la forêt, toujours prêt à faire stupidité sur stupidité et doté d'un tel karma que chacune de ses actions va forcément se retourner contre lui. Bambi est devenu un gaffeur invétéré qui n'apprend jamais de ses erreurs. En gros, il est devenu Dewey de la série contemporaine Malcom. Autour de lui, DisneyToon Studios ne trouve rien de mieux que de peupler la forêt d'une multitude de personnages en empruntant leurs caractères à Harry Potter. Pan Pan est ainsi devenu le farfelu Ron Wesley, Féline joue l'intello à la Hermione Granger tandis que le nouveau venu et insupportable Ronno, censé être l'anecdotique cerf affrontant Bambi dans le premier film, est une belle parodie de Drago Malefoy. Étonnamment, le seul personnage du film qui tire son épingle du jeu est le Grand Prince. Très effacé dans le premier film, le père de Bambi tient ici une place de la plus haute importance puisqu'il doit assurer l'avenir de son fils après le décès de sa mère. Curieusement, là où tous les autres personnages sonnent absolument tous faux, il est le seul dont le développement reste le plus intéressant du film. N'ayant jamais eu à s'occuper de sa progéniture, le Grand Prince cherche où est sa place et reconsidère sa position face à Bambi. Et, peu à peu, se laisse attendrir par lui. C'est ce qui sauve un peu Bambi 2 à mes yeux, même s'il reste très regrettable que l'intrigue soit particulièrement convenue, prévisible et maintes fois vue dans la fiction américaine pour enfants.
S'inscrivant au milieu du premier film, même s'il reste assez peu cohérent, Bambi 2 bénéficie d'un très beau emballage visuel. C'est comme un cadeau qu'on nous offre joliment enrubanné. Mais la désillusion et la déception s'emparent de nous une fois qu'on l'a déballé. On se retrouve alors avec un cadeau bien encombrant dont on ne sait pas vraiment quoi en faire mais dont on esquisse un sourire poli, quoique très hypocrite, et qu'on laisse ensuite prendre la poussière parce qu'on ne peut pas vraiment faire autrement. Et plus le temps passe, plus son souvenir s'efface. Ce qui, finalement, nous arrange car Bambi 2 est certes une bien jolie parenthèse visuelle mais, surtout, une oeuvre qui saccage inexorablement tout ce que le premier film avait apporté. À moins d'être très conciliant devant le caractère immature et stupide de ses personnages, ou ses chansons anecdotiques, Bambi 2 n'est sauvé que par son emballage visuel et par le Grand Prince, le seul vrai protagoniste de ce long métrage.
Olivier J.H. Kosinski - 16 juillet 2022
