Merlin l'enchanteur sort en salle le 16 décembre 1964 en France, sa parution au Québec est inconnue. Il n'existe qu'un unique doublage français pour ce film. Si l'on excepte les divers remixages Dolby ou DTS pour ses parutions modernes successives, il n'a à ce jour jamais été altéré au niveau de son contenu (contrairement à Les 101 dalmatiens qui a subi une petite retouche au milieu des années 1990). Ce qui en fait le plus ancien doublage français non altéré de film d'animation Disney encore exploité de nos jours.
Depuis longtemps, l'Angleterre est plongée dans une guerre sans fin. Au centre de Londres, une épée magique, scellée dans l'enclume, attend qu'un être d'exception vienne la retirer. Celui qui réussira cet exploit deviendra Roi. A quelques lieues de là, un orphelin surnommé Moustique, travaille dans les cuisines de Sire Hector. Au cours d'une partie de chasse avec Kay, le fils de son maître, il échoue dans la cabane de Merlin. Avec son compagnon Archimède le hibou, l'enchanteur, qui attendait sa venue, décide d'entreprendre son éducation...
Frappons fort dès la toute première ligne de cette analyse et mettons-nous à dos toute la communauté : Merlin l'enchanteur, c'est vachement mauvais, hein ? Allez, soyez sincères, comparez-moi ce long métrage extrêmement mineur du catalogue Disney avec la richesse de nombres de ses prédécesseurs. Vous allez quand même pas me dire qu'il tient la comparaison, si ? Un scénario risible, des personnages ridicules, des sortilèges farfelus et tout un tas d'animaux aux moeurs plus que douteuses. Quoi, vous me dites qu'il y a quelque chose d'autre dans ce film ? Hum, maintenant que vous le dites, effectivement, il y a bien quelque chose. Quelque chose que même le titre français a eu l'excellente idée de mettre en avant. Oui, vous avez raison : qu'est-ce qu'on peut bien l'aimer ce vieil ahuri de Merlin ! Un personnage haut en couleurs, tellement instruit et, pourtant, ... complètement siphonné ! La toute première fois que Moustique le rencontre, on en a même la certitude, il est carrément cinglé cet enchanteur. En même temps, vivre en reclus au beau milieu de la forêt avec pour seule compagnie un piaf narcissique dont on se demande par quel miracle il a reçu le don de parler, ça doit pas être tout à fait sain pour le bonhomme. De fait, il est indéniable que le vieil homme nous apporte constamment le sourire aux lèvres. Et cela fait évidemment toute la différence !
Plus encore que le personnage en lui-même, Merlin l'enchanteur bénéficie également d'un second énorme atout : sa bande originale. Le long métrage regorge de morceaux musicaux et de chansons entêtantes. On reconnaît inévitablement la touche très personnelle des frères Sherman dont c'est, vous me corrigerez si je me trompe, leur toute première composition pour un long métrage animé du studio Disney. Ces deux-là sont capables de produire des hymnes tellement simples mais si forts à la fois, qu'on les retient immédiatement dès la première écoute. C'est à eux que l'on doit l'impitoyable "It's a Small World", dont je suis certain que rien qu'à la lecture du titre, vous avez désormais affreusement le titre qui résonne inexorablement dans votre tête. C'est la même chose dans Merlin l'enchanteur, on retient absolument tout des multiples airs entraînants que fredonne Merlin, tout comme sa nemesis Madame Mim plus tard dans le film. Qui n'aurait pas envie de ranger ses valises comme dans "Higitus Figitus" ? Ou nager comme un poisson sur le rythme de "C'est c'qui fait qu'tout tourne rond" ? Qui n'aimerait pas d'un lave vaisselle endiablé qui n'a même pas besoin d'être chargé ? Et qui aurait aimé donner son premier baiser à un écureuil ? Euh, non, là, c'est quand même vachement douteux. Je trouve même que cette scène est quand même assez cruelle quand elle se termine. Je n'ai jamais vraiment compris qu'elle était la leçon que Merlin voulait que Moustique retienne à ce moment du film, pour briser ainsi le coeur d'un écureuil qui n'avait rien demandé. D'autant plus que le bougre se moque ouvertement de la situation jusqu'à ce que la situation se retourne contre lui.
Après le gouffre financier qu'avait représenté La belle au bois dormant, beaucoup trop ambitieux pour son temps et qui n'a pas trouvé son public, le studio Disney entame ce que j'appelle la période économe qui couvre la décennie des années 1960 jusqu'à peu après la mort de Walt Disney. A compter de Les 101 dalmatiens, le style graphique du studio change assez radicalement. Il passe par une phase que j'appelle celle des crayonnés. Une approche graphique plus proche du dessin brut à la main relativement proche de la bande dessinée. Plus encore que Les 101 dalmatiens, Merlin l'enchanteur semble à de très nombreuses reprises proposer des dessins dont la mise au net a été volontairement négligée. Normalement, entre le dessin et la mise en couleur, il y a une étape intermédiaire qu'on appelle l'encrage. Il ne reste alors généralement que le contour noir et net de tous les éléments composant une image. Sur Merlin l'enchanteur, l'approche est différente. Si l'encrage est bien toujours présent, il n'efface pas tous les effets du travail au crayon. Il en résulte une sorte d'image un peu plus brouillonne, plus proche d'un dessin sur papier, même à l'écran, mais qui a un certain charme dans le long métrage. Une spécificité que le studio va conserver jusqu'aux trois aventures de Winnie l'ourson, plus tard réunies dans un long métrage. Une particularité qui a causé récemment des problèmes aux technologies de restauration DNR franchement abusives sur ce style graphique et qui ont fait subir à Merlin l'enchanteur sans nul doute la pire conversion HD jamais parue en Blu-ray (Voir un comparatif édifiant ici).
Malgré sa bonne humeur générale et ses chansons entraînantes, admettons-le, Merlin l'enchanteur reste quand même un long métrage assez creux dans son contenu. Hormis pour relier artificiellement les scènes les plus populaires entre elles, le scénario n'a franchement pas le moindre sens. On est d'ailleurs ici extrêmement éloigné de la saga littéraire arthurienne que seul le final, finalement très bricolé pour être cohérent avec le titre anglophone du film, permet de relier un tant soit peu. Toute l'aventure exotique que vit le pauvre Moustique se révèle franchement anecdotique. On a même énormément de mal à savoir ce que Merlin souhaite réellement enseigner au futur célèbre Roi Arthur. Parce qu'en vérité, sa magie si bénéfique ne lui attire en vérité que des ennuis. Et, malgré tous les stratagèmes que Merlin met sur son chemin pour essayer de l'instruire, Moustique s'obstine à vouloir devenir écuyer. Et c'est par cette unique abnégation qu'il réussit, par pur hasard en plus, à retirer la célèbre épée de l'enclume. Merlin n'aura donc servi absolument à rien dans son destin ! Bien au contraire, il s'est échiné à entraver la destinée de Moustique qui subit diverses punitions, l'éloignant à chaque fois un peu plus de Londres, à cause de lui. Merlin est peut-être un brillant enchanteur qui voit l'avenir mais, visiblement, en oubliant de nettoyer ses lunettes à vision du futur. Il lui bourre même la tête d'inventions totalement anachroniques qui ne serviront à priori jamais au Roi en devenir.
Merlin l'enchanteur, il faut donc surtout le voir comme un film farfelu, plus proche dans l'esprit d'un cartoon, que d'un vrai long métrage à l'image de ses plus illustres prédécesseurs. Qu'on ne s'y trompe pas, même s'il regorge de problèmes, le long métrage reste quand même résolument très appréciable dans son ensemble. On s'amuse vraiment devant les bouffonneries auxquelles se livre, malgré lui, Merlin. Résolument, Merlin est très loin d'être un personnage Disney comme les autres. Sans aller jusqu'à dire qu'il est mal embouché, il coche toutes les cases relatives aux clichés du vieux garçon, aimant que tout tourne autour de lui, n'appréciant pas qu'on remette ses paroles en question, légèrement excentrique sur les bords, qui a ses petits rituels immuables et, surtout, faisant fi de tout ce qu'on peut bien lui dire puisqu'il n'écoutera de toute façon pas. Bref, le vieux crouton excentrique avec qui on aime bien rigoler de temps en temps, mais qu'on apprécie de voir le moins souvent possible. Merlin l'enchanteur, dans son ensemble, c'est d'ailleurs un peu ça. On apprécie vraiment l'instant passé avec lui, quitte à y revenir ou ne pas passer son chemin quand il est rediffusé, mais dont on passe relativement vite à autre chose une fois le film terminé.
Olivier J.H. Kosinski - 11 mars 2022
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Doublage (France - 1964)
Merlin : Alfred Pasquali
Arthur "Moustique" : Dominique Collignon-Maurin
Madame Mim : Lita Recio
Archimède : René Hiéronimus
Sir Hector : Claude Bertrand
Sir Kay : Jacques Balutin
Sir Pellinore : Jacques Ciron
Le Chevalier Noir : Armand Mestral
La cuisinière : Henriette Marion
Un chevalier : Serge Nadaud
Le narrateur : Jean-Pierre Duclos
Chanteur soliste : Jean Cussac
Sources :
Dans l'ombre des studios