Astérix le gaulois est le premier long métrage animé tiré de la bande dessinée écrite par René Goscinny et dessinée par Albert Uderzo parue dès 1959. Il sort en salle en France le 20 décembre 1967. Sa sortie initiale au Québec est actuellement inconnue.
En 50 avant Jésus-Christ, les armées de Jules César occupent toute la Gaule... Toute ? Non ! Car quelque part en Armorique, un petit village entouré de camps retranchés romains résiste victorieusement au puissant envahisseur. Au camp de légionnaires Petitbonum, le chef Caïus Bonus est furieux de voir ses patrouilles perpétuellement vaincues à la suite de rencontres avec ces gaulois. Un volontaire est alors désigné afin d'espionner les habitants du village dans l'espoir de découvrir leur fameux secret...
Laissons-nous envahir par une seule vérité : Astérix le gaulois, c'est nul, n'est-ce pas ? Si, si, allez, avouez, c'est le genre de plaisir cinématographique coupable que vous adorez vous infliger à chacune de ses rediffusions, même si vous le connaissez par coeur, alors que vous savez pertinemment que ce long métrage franchouillard et un peu bête sur les bords a tout du succulent nanar ! Ne tentez pas de vous mentir à vous-même, vous adorez littéralement ce long métrage qui élève le niveau de crétinisme à un niveau inconnu, ce portrait désolant du français moyen transposé dans un ère historique bien lointaine, dont vous ne pouvez absolument pas vous passer à cause de sa saveur résolument risible ! En même temps, comment pourrait-on ne pas résister devant ce marchand de boeuf vraiment très malheureux ? Ou encore face à ce bourreau ignoble qui utilise sa plume d'oie diabolique ? Sans oublier cette coutume romaine intéressante qui nécessite d'avoir recours à une chaise de moins que le nombre de participants afin de désigner un volontaire ? Argh... mais oui, c'est effectivement toujours aussi cruellement délicieux de s'affliger Astérix le gaulois à s'en tirer les moustaches !
En 1954, Raymond Leblanc, fondateur des éditions Le Lombart et éditeur du Journal de Tintin, crée le studio Belvision un an après l'arrivée de la télévision sur le territoire Belge. Il détecte rapidement le potentiel de ce tout nouveau média qui est amené à s'installer dans tous les foyers. Avec Belvision, il souhaite apporter des programmes à destination des jeunes spectateurs. Il commence d'ailleurs modestement en produisant des adaptations de Bob et Bobette, à partir de la bande dessinée scénarisée et dessinée par l'auteur belge Willy Vandersteen, avant de voir plus grand et tenter l'expérience avec Tintin dès 1957 et durant plusieurs années. Pourtant, c'est Astérix qui va ravir la houpette de Tintin en étant le premier des deux héros à faire ses premiers pas dans un long métrage animé spécialement réalisé pour le grand écran. Georges Dargaud, l'éditeur de la bande dessinée, et Raymond Leblanc, décident en effet d'adapter le gaulois sans même prendre le temps d'en informer ni René Goscinny, ni Albert Uderzo !
Ils n'y vont d'ailleurs pas avec le dos de la cuillère, puisqu'ils réalisent quasi-simultanément l'adaptation de Astérix le gaulois, celle de La serpe d'or ainsi que celle de Le combat des chefs. René Goscinny et Albert Uderzo ne découvrent le pot aux roses qu'au cours d'une projection privée où le premier film, entièrement achevé, leur est présenté pour la première fois ! Outré par un tel stratagème de la part des deux éditeurs, les deux auteurs concèdent à laisser sortir le film en salle, même s'ils ne l'approuvent pas, à deux conditions cependant : D'abord, que tout le matériel autour de La serpe d'or, pourtant quasiment achevé (dont ne subsiste aujourd'hui que quelques cellulos présentés dans une exposition Astérix en 2005 à Bruxelles et qui prouvent son existence), et de Le combat des chefs soient entièrement détruits ; ensuite ils se chargeront eux-même de la réalisation d'un second long métrage qui fera date, Astérix et Cléopâtre !
En mettant de côté le peu de considération des deux éditeurs du film pour leurs auteurs, Astérix le gaulois est incontestablement un oeuvre très, voire même trop, fidèle à l'album du même nom prépublié la première fois de 1959 à 1960, puis en album l'année suivante. Le découpage des scènes, du scénario et même des dialogues, suit une logique de mimétisme pratiquement chirurgicale (y compris dans l'absence totale du moindre personnage féminin !). En gros, hormis quelque ajouts assez minimes, le long métrage transpose simplement l'album en version animée et sonore, ce qui sauve, en grande partie, le film dans son ensemble. Avec le recul, aussi attaché que l'on puisse être pour Astérix le gaulois, version album j'entends, il s'agit sans nul doute de l'album le plus faible de la première époque du personnage. Non pas que l'intrigue soit mauvaise, bien au contraire, mais il s'agit surtout d'un galon d'essai pour René Goscinny et Albert Uderzo qui doivent à la fois créer un univers, présenter des personnages et construire une histoire crédible tout autour. Dès le second album, les deux auteurs se sont affranchis de cet obligatoire exercice d'introduction pour emmener Astérix vers des intrigues de plus en plus délicieuses. Astérix le gaulois, version film cette fois, subit de plein fouet exactement le même reproche, mais avec en plus une animation tout aussi hésitante, voire même très brouillonne.
Les productions Belvision ont cela de commun d'avoir une esthétique relativement reconnaissable et pratiquement unique dans le monde de l'animation. De gros contours noirs entourent souvent leurs personnages, comme une sorte de cel-shadding des années avant l'heure, héritées en grande partie du style Tintin. On retrouve donc cette marque de fabrique dans Astérix le gaulois, avec tout un tas de personnages à l'animation maladroite, même s'il y a souvent quelques bonnes idées qui se glissent ici et là. Ainsi, le déplacement et les mouvements des personnages ne peuvent normalement pas exister dans un album. Tout au plus devinons-nous l'intention d'Uderzo dans la façon dont il dessine et qui imprime un début de mouvement à un personnage. Astérix le gaulois permet pour la première fois de fixer la façon de se mouvoir des personnages, une caractéristique qu'il est, aujourd'hui encore, difficile à remettre en question et qui fait désormais parti de l'essence des personnages. Par exemple, la démarche d'Obélix est indéniablement une grande trouvaille. Une sorte de gros ballon de baudruche qui semble rouler en tanguant, emporté par le poids des deux jambes de chaque côté !
Côté dialogues, les aventures d'Astérix ont déjà connu plusieurs aventures radiophoniques dès le début des années 1960. Ce que l'on sait moins, c'est que Guy Piérauld et Albert Augier étaient les toutes premières voix d'Astérix et Obélix jusqu'en 1966 où Roger Carel et Jacques Morel ont repris les deux rôles, soit un an avant la sortie du film. On les retrouve alors naturellement en 1967 pour Astérix le gaulois même si, conformément à l'intrigue de l'album, Obélix est alors un personnage très secondaire non directement concerné par la disparition de Panoramix. Parmi les personnages secondaires, on retiendra particulièrement la voix de crécelle de Jacques Jouanneau pour Caligulaminus dont l'interprétation, stridente, est franchement irrésistible. Je suis même persuadé qu'en lisant ceci, "C'est la faute à Panoramix le druide ! C'est la faute à Panoramix le druide !", votre mémoire va immédiatement se remémorer ce moment particulier du film. Pierre Tornade s'en sort lui aussi très bien avec Caius Bonus et plus particulièrement le marchand de boeuf.
Au niveau de l'ambiance sonore, Astérix le gaulois fait dans le minimum syndical. La plupart des bruitages sont soit presque inexistants, soit complètement surréalistes. Il n'y a qu'à écouter les bruits que font les baffes aux romains, très proches d'un genre sonore que les films mettant en scène le duo Bud Spencer et Terence Hill n'aurait pas renié ! Les musiques et les chansons sont par contre relativement inspirées, même si elles restent aussi très discrètes. C'est d'autant plus intéressant de les entendre en sachant que Gérard Calvi a vraisemblablement composé ces titres sans avoir été en contact avec Goscinny. Le compositeur réussit pourtant à retranscrire une belle ambiance sonore là où l'imagination est le seul recours possible quand on lit l'album. La balade de Panoramix à la recherche d'ingrédients pour la potion destinée aux romains est très sympathique, tout comme la musique qui accompagne l'intrusion d'Astérix dans le camp romain (on la réentend d'ailleurs dans Astérix et Cléopâtre pour accompagner l'espion de Jules César), ainsi que la drôle de séquence de coupage des cheveux. On n'oubliera pas non plus la très sympathique danse gauloise qui constitue, probablement, la plus grande réussite musicale d'Assurancetourix de toute sa vie !
Comme déjà précisé au tout début, Astérix le gaulois est une oeuvre conçue par Belvision qui se révèle profondément maladroite. Si elle se révèle quand même attachante, c'est principalement parce qu'elle est extrêmement fidèle à l'album dont elle s'inspire. Le scénario et les succulents dialogues écrit par René Goscinny se révèlent toujours aussi pertinent, même après toutes ses années. Or, Astérix le gaulois les transpose à l'identique à tel point que l'on peut aisément écouter l'ensemble du film tout en suivant case après case l'ensemble de l'album, transformé ici en un vrai storyboard de luxe. C'est ce qui permet, sans nul doute, d'en faire une oeuvre appréciable malgré ses innombrables défauts.
Olivier J.H. Kosinski - 29 juillet 2019
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Doublage (France - 1967)
Astérix : Roger Carel
Obélix : Jacques Morel
Panoramix : Lucien Raimbourg
Abraracourcix : Pierre Tornade
Caïus Bonus : Pierre Tornade
Marchand de boufs : Pierre Tornade
Marcus Sacapus : Pierre Trabaud
Narrateur : Bernard Lavalette
Voix additionnelles :
- Maurice Chevit
- Robert Vattier
- Michel Puterflam
- Georges Carmier
Sources :
Planète Jeunesse