Parler de Buffy contre les vampires, c'est évoquer Joss Whedon son créateur. Celui-là même qui – avant de réellement se faire connaître du grand public – contribua au scénario de Toy Story pour Pixar. Peu de séries peuvent se vanter d'avoir créé un mythe et lancé une mode. Encore plus rare sont les séries qui ont une trame narrative exceptionnelle qui n'a jamais été incohérente, et qui s'est renforcée avec les années. S'il n'y avait pas eu The X-Files – Aux frontière du réel pour remettre au goût du jour le fantastique, peut-être que personne n'aurait jamais pu donner sa chance à Buffy contre les vampires. Il faut dire que sa genèse est pour le moins atypique.
Au commencement, il y eut un film : Buffy, tueuse de vampire. Joss Whedon avait déjà une définition générale sur ce qu'allait devenir son personnage fétiche. On y retrouve en effet déjà quelques éléments qui ont fait le succès de la série qui en est dérivée. Le personnage de Buffy (surnommé assez difficilement Bichette dans la VF !!) est une transgression au mythe de la jeune fille blonde effarouchée qui finissait systématiquement par mourir dans tous les films fantastiques ou d'horreur. Choisie par une force invisible pour lutter contre les forces du mal, elle doit mettre de côté sa vie de jeune adolescente sans histoire pour entrer de plein pied dans un monde noir et cruel. L'idée de départ reste incontestablement une réussite, mais le résultat final porté à l'écran fut un vrai gâchis. A peine meilleur qu'un petit « teenager movie » de seconde zone, le film se perd dans des énormités inexplicables, une mise en scène excessivement molle et ne fait certainement pas l'unanimité. Le scénario fut en effet tellement retravaillé qu'on n'y retrouve presque rien de palpitant. Il est d'ailleurs excessivement difficile de voir ce film, que l'on soit fan ou non, tant sa qualité est dérisoire. On peut toutefois le considérer comme une première intrusion de Buffy dans l'univers des vampires et la curiosité (ainsi que les gros logos publicitaires du DVD annonçant « le film par lequel tout a commencé ») nous pousse trop souvent à le visionner. Mais n'y cherchez alors pas les réponses à vos questions, Joss Whedon a depuis longtemps oublié cette adaptation pour lancer la trame narrative de la série.
Il faut en effet se tourner vers le comic Buffy The Origin en trois parties pour découvrir à peu près ce qu'aurait du être « Buffy, tueuse de vampire ». Ce comics est en effet basé approximativement sur les bases du scénario d'origine, et fut validé par Whedon lui-même. Il existe actuellement trois éditions françaises de ce comic : la première édition originale de ce comic fut publié par Semic en deux parties, une seconde édition par le même éditeur regroupait ces deux histoires, et enfin Fusion Comic qui a récemment entrepris de republier l'intégralité des aventures dessinées de la Tueuse dans leur ordre chronologique.
Après cet échec cinématographique, on aurait alors pu croire que Buffy serait restée dans sa tombe, mais tel un vampire, il n'en fut rien. Whedon remet l'idée au goût du jour avec une série télévisée. Un épisode pilote est alors réalisé, mais pas à l'intention d'être diffusé. Il s'est depuis échappé sur le réseau mondial. Il dure approximativement une trentaine de minutes. Déjà la plupart du casting définitif y apparaît, comme Sarah Michelle Gellar (Buffy), Charisma Carpenter (Cordélia), Mercedes McNab (Harmony) ou Nicolas Brendon (Alex). Plusieurs éléments de la série s'y trouve également : le Bronze notamment, le cimetière, le lycée de Sunnydale… Bien qu'à peine esquissé, le troublant Angel (David Boreanaz) y est aussi présent. Mais d'autres personnages ont un autre visage. C'est le cas de Willow. Encore plus caricaturale qu'elle ne sera par la suite, Willow (jouée par Riff Regan) est le souffre douleur de toute l'école. Renfermée, solitaire et plutôt rondelette, elle est le contraire même de ce qu'est Alysson Hannigan qui reprendra finalement le rôle. Cet épisode pilote se regarde au final sans broncher. L'absence de moyen pour le tourner ne se ressent pas vraiment car déjà l'histoire est forte et remarquablement tournée, il arrive même à faire mieux que le désastreux film qui l'a précédé. Le pilote test convainc les dirigeants de Warner Bros et une première série de 12 épisodes est commandée.
Les grands moyens sont mis en place pour démarrer la série sur de solides bases. Un long épisode d'introduction d'une heure et demi est tourné. Plutôt que de recommencer l'histoire depuis le début, Joss Whedon préfère au final faire de la série la suite de son film tel qu'il l'aurait toujours voulu. Buffy connaît en effet déjà parfaitement sa mission en tant qu'élue, et le scénario multiplie les allusions à sa vie passée lorsqu'elle fut choisie. Est ainsi évoqué son expulsion d'un lycée de Los Angeles pour avoir mis le feu à un gymnase. Cette séquence n'apparaît pourtant absolument pas dans le film, confirmant que Joss Whedon a basé la série comme suite directe au scénario qu'il avait imaginé. En une heure et demi, la base générale de la série est alors posée. Elle n'en déviera ensuite jamais ! Elle sera complétée, enrichit, dévoilée sous divers angles de vue, mais sera ensuite absolument toujours respectée. Une rareté dans l'univers de la fiction télévisuelle dont la majorité part rapidement dans les invraisemblances.
Dès le début, la série présente une maitrise exceptionnelle de sa trame scénaristique. En quelques épisodes, les personnages sont rapidement mis en place de façon habile et crédible. Tous, sans aucune exception, auront leur rôle à jouer dans les 12 épisodes de la saison 1. Quelques idées reçues sont entièrement dépoussiérées, et les acrobaties de Buffy remportent déjà les suffrages. Contrairement à certaines séries qui ont beaucoup de mal à crédibiliser leur héroïne féminine dans un rôle d'action (c'est le cas d'Alias par exemple), on croit aux capacités surhumaines de Buffy en quelques secondes. Le fait que l'on soit dans une série fantastique aide d'ailleurs beaucoup même s'il n'explique pas tout (Sydney Fox l'aventurière partage ainsi la même sympathie du public). Autour d'elle on retrouve Willow, l'éternelle intello de service ; Alex, l'oustider à l'amour non réciproque ; Giles, la figure paternelle ; Cordélia, le transfuge de l'ancienne Buffy avant d'être élue et Angel, le vampire et sa malédiction. Du côté des opposants, on retrouve le Maître, un vampire de l'ancien temps ; Darla dont le destin est lié à celui d'Angel et certains monstres et mutants de toutes sortes.
La saison 1, du fait de son nombre réduit d'épisode, ne propose au final pas d'arc scénaristique majeur. Bien que plusieurs épisodes dévoilent des points importants sur son dénouement, la majorité des épisodes de la saison 1 peuvent être appréciés individuellement. Chaque épisode met plutôt à l'honneur un personnage en particulier, que ce soit Willow dans Molock, Alex dans Les Hyènes, Cordélia dans Portée Disparue ou encore Angel dans Alias Angelus. Le mal y est systématiquement présenté de façon sournoise, il s'insinue dans le coeur des personnages qui s'ouvrent à lui sans s'y attendre. Dans la version originale, le groupe se surnomme régulièrement le Scooby Gang, en l'honneur d'une série animée très célèbre, dont est reprise dans les grandes lignes les caractères des personnages de la série : Buffy est la meneuse comme Fred, Cordélia la BCBG Daphnée, Willow l'intello Verra et Alex le très effrayé Samy. Avec une certaine dérision, on imaginerait enfin Angel dans le rôle de Scooby-Doo parce qu'ils ont tous deux des crocs. Mais la comparaison s'arrêterait là.
Cette saison d'introduction à l'univers de Buffy développe nombre de subtilité scénaristiques qui ne prennent leur sens que plusieurs épisodes, voire années plus tard. Une constante durant les 7 ans de vie de la série. La plus importante d'entre elles résulte dans le caractère unique de la tueuse dans le monde. Alors que jusqu'à Buffy, chacune d'entre elle a toujours été unique et solitaire, et que sa mort déclenche l'appel d'une nouvelle tueuse dans le monde, Joss Whedon crée volontairement une déchirure importante dans la lignée des tueuses avec son personnage de Buffy. Celle-ci est en effet entourée d'amis qui lui viendront toujours en aide. De fait, lors de l'ultime épisode de la saison 1, Buffy est tuée par le Maitre. Mais bien qu'il y ait mort clinique pendant quelques secondes, celle-ci revit par un simple massage cardiaque grâce au soutient de ses amis.
Bien que formant un tout global, chaque saison de Buffy contre les vampires développe un thème qui lui est propre. La saison 2 est ainsi marquée par la dualité. Des couples s'unissent et se désunissent : Buffy et Angel, Oz et Willow, Cordélia et Alex, Giles et Jenny ainsi que Spike et Drusilla. Ce qui est d'ailleurs valable aussi bien en amour que dans la haine. On retrouve également cette dualité entre Buffy et Kendra, l'une étant aussi désinvolte que l'autre très à cheval sur les règlements. Mais c'est surtout autour du troublant Angel que la saison 2 marque un important tournant dans son histoire. Le vampire maudit par les gitans qui lui ont rendu son âme en guise d'expiation est en effet libéré. Ce dernier redevenu bestial sous l'alias d'Angelus déchaine alors son courroux sur ces anciens amis tout en dévoilant une face extrêmement noire de sa personnalité. Le changement est aussi spectaculaire qu'extrêmement dérangeant pour le spectateur. Angelus est aussi violent que cruel, n'hésitant pas une seule seconde à jouer avec sa proie par pur plaisir tel un chat, qu'Angel est patient et attentionné. Kendra est également un personnage particulièrement intéressant de cette saison. Bien que Buffy ai été morte durant quelques secondes, une nouvelle tueuse a été appelée, révélant dès lors une faille dans la lignée des tueuses. On découvre en effet que la « résurrection » de Buffy – qui n'en est pas réellement une – dans le dernier épisode de la saison 1 a créé une faille qui régulait jusqu'ici la lignée des tueuses. Celle-ci sera dès lors exploitée avec génie dans la série et trouvera une spectaculaire conclusion à la toute fin de la série.
La saison 2 est plus feuilletonesque que la précédente, car chaque épisode contribue à faire évoluer le suivant, ou au moins apporter quelques informations supplémentaires. Mais on peut tout de même continuer à visionner les épisodes séparément. La construction des scénarii permet de capter les spectateurs et de les fidéliser. L'aspect dramatique de la seconde moitié de la saison est ainsi riche en rebondissement. Et sa conclusion tout aussi spectaculaire qu'effroyable ! La relation entre Angel et Buffy est en effet ici marquée à jamais comme l'un des plus passionnants amours impossibles de la télévision. La saison 2 se conclut alors sur une note négative et pessimiste. Acculée, accusée à tort de meurtre, humiliée, brisée et rongée par les remords, Buffy prend la fuite et quitte Sunnydale.
Le premier épisode de la saison 3 reste incontestablement inhabituel dans l'univers de la série. Il pose en effet plutôt les bases de la future série à naitre : Angel. On y retrouve en effet tous les aspects que la nouvelle série développera un an plus tard (il servira d'ailleurs de base pour la création de son générique). L'action est en effet localisée à Los Angeles, la ville y est présentée sombre, froide et humide. Personne n'y est heureux, et chacun est plongé dans l'agonie et la solitude. Les démons profitent alors de la détresse des gens pour s'imposer. Au début de l'épisode, Buffy est au plus bas dans sa vie et n'a plus aucun repère dans sa vie. Il faudra alors l'intrusion de Chanterelle, que Buffy avait déjà tenté de secourir un an plus tôt, pour quelle réalise que la peine peut cicatriser avec le temps. Elle décide alors de rentrer chez elle pour affronter ses démons intérieurs. Joss Whedon a le mérite de faire suivre cet épisode par une suite tout à fait logique, Buffy n'est en effet pas réellement accueillie à bras ouvert par ses proches qui s'étaient presque fait à l'idée qu'elle ne reviendrait jamais. Buffy doit se racheter une conduite et dois dès lors tout faire pour regagner leur confiance.
Doucement, au fil des épisodes, la saison 3 aborde ainsi le thème de la séparation et de la réconciliation. De façon intelligente, les problèmes des personnages sont présentés de façon très réelle, renforçant la qualité de cette saison. Surtout lorsqu'une nouvelle tueuse débarque à Sunnydale : Faith. Kendra, qui n'apparaît finalement que dans trois uniques épisodes de la saison 2, n'eu au final qu'un rôle limitée dans la série. Mais elle marqua nombre de spectateurs car elle mettait en valeur un aspect de Buffy : son côté solitaire et distant. Cette approche conduira malheureusement à sa mort brutale. Faith au contraire préfère jouer avec la vie et ne vit qu'à travers ses émotions. Elle est ainsi à l'opposée même de Kendra. Buffy, au contraire, tente depuis le début de concilier les deux aspects de sa vie, ce qui lui a permis de survivre jusqu'ici. Faith, au contraire, s'enfonce de plus en plus dans la passion. L'affrontement entre les deux tueuses devient rapidement inévitable. Sournoisement, Faith trahit tour à tour ses anciens amis en s'alliant au Maire de Sunnydale avec lequel elle lie une relation père-fille assez morbide. Elle qui n'avait jamais rien connu de tel jusqu'à aujourd'hui, parvient à se trouver une place et faire fi de l'ombre de Buffy qui plane autour d'elle. Entre haine, jalousie et trahison, la saison 3 se termine alors en apothéose.
Succès du public aidant, le ténébreux Angel décide finalement de quitter Sunnydale en offrant l'une des plus déchirantes séparations à l'écran. Celui-ci vole en effet de ses propres ailes dans sa propre série, mais restera tout de même en contact permanent avec ses anciens amis, pendant que Buffy contre les vampires gravitera vers de nouveaux horizons. Les deux séries évoluant en effet parallèlement durant les cinq années suivantes. Je ne manquerai probablement pas d'évoquer un jour dans un futur dossier l'évolution de ses deux séries consoeurs (transcendant la notion même de crossover connus jusqu'alors) et de poursuivre l'analyse de l'univers et des saisons de Buffy contre les vampires.
À suivre dans le chapitre 2...
Olivier J.H. Kosinski - 21 août 2011