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Doublages
Chicken Run / Poulet en Fuite

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Analyse des deux doublages français

Chicken Run a cela de particulier d'être un film d'animation co-produit par trois pays : l'anglais Aardman qui a réalisé le film, le français Pathé et l'américain Dreamworks qui ont distribué et co-financé le film. Dans le monde du doublage francophone, Chicken Run est aussi un phénomène dans la mesure où deux doublages français ont été réalisés l'un à la suite de l'autre durant la même année. Plus étonnant encore, les deux doublages ont fini par avoir des destinées différentes, alors que le premier aurait, en théorie, dû être enterré et oublié de tous, comme de nombreux autres doublages français remisés au placard avant même d'être distribué. On trouve des cas comme celui-ci chez Disney notamment. Par exemple sur La belle et la bête, dont un tout premier doublage fut réalisé en France mais exploité au Québec, avant d'être révisé et corrigé un an plus tard pour la sortie française. Même chose avec Le Roi Lion où Bernard Tiphaine, qui était la voix attitrée officielle française Jeremy Irons, avait intégralement enregistré le rôle de Scar avant d'être remplacé à la dernière minute par Jean Piat. Seuls quelques segments de son travail ont réussi à parvenir jusqu'à nous. Plus récemment, c'était Emmanuel Curtil qui devait interpréter toutes les chansons d'Olaf dans La Reine des neiges, mais Dany Boon était cependant parvenu à convaincre Disney de sa capacité à chanter pour le rôle. De fait, c'est Emmanuel Curtil qui reste associé à l'album du film, qui fut commercialisé avant le changement.


Ginger : Dorothée Jemma et Valérie Lemercier

Le premier doublage de Chicken Run est l'un des rares doublages de films, si ce n'est le seul film d'animation à ma connaissance, dont le destin inattendu parvint à lui faire échapper la poubelle. Même si le studio Aardman était déjà célèbre pour ses courts et moyens métrages en animation en volume, leur tout premier grand long métrage n'était pas vraiment attendu comme un grand film de l'année. De fait, alors que la tradition était déjà un peu balbutiante de convier de grands noms en tête d'affiche, Chicken Run est passé par le processus normal d'une adaptation française réalisé par des professionnels spécialisés dans le doublage, mais sans pour autant y voir une quelconque intention d'en faire un blockbuster animé. Entre l'adaptation et l'investissement des comédiens, le résultat final fut, disons-le sans détour, d'excellente qualité. Trois fois hélas, le destin de ce doublage allait complètement changer. En cause, principalement Dreamworks Animation et plus particulièrement Jeffrey Katzenberg. Lorsque ce dernier quitte avec perte et fracas le groupe Disney, dont il se voyait pourtant en haut de l'affiche, le bonhomme quelque peu rancunier veut torpiller son désormais nouvel ennemi sur son terrain de prédilection : les films d'animation. Mais il y a un problème, beaucoup de studios ont tenté de ravir la couronne à Disney pendant des décennies, sans jamais réussir jusqu'ici. Mais Jeffrey Katzenberg connaît bien les ficelles du métier, pour l'avoir connu de l'intérieur. Et il a surtout une idée particulièrement ingénieuse. En tant que challenger, il faut confronter à Disney un argument de taille, construite les films non pas selon la qualité de leurs intrigues, force de frappe historique de Disney au point de faire oublier leurs interprètes, au profit d'un star talent exclusif. Tous les rôles animés de ses films allaient être joués par d'immenses stars américaines. La stratégie fonctionne au-delà de toute espérance ! Pour la première fois de sa vie, le studio Disney tremble.


Rockey : Patrick Poivey et Gérard Depardieu

En tant que co-coproduction américaine avec Dreamworks, Chicken Run se voit dès lors appliquer exactement la même stratégie marketing, y compris en France donc. Il faut d'ailleurs dire que la sortie américaine du film est un immense succès, dans la suite logique des deux succès précédents que furent Fourmiz et Le Prince d'Egypte. Même s'il n'a pas été réalisé par eux, Chicken Run est considéré à l'époque comme un film officiel de leur catalogue et en cela il faut donc jouer sur le même terrain pour faire parler du film, tout en continuant de faire de l'ombre à Disney. Dès lors, alors même que le premier doublage est terminé, et proposé tel quel en salle au Québec, le décalage de sortie en salle en France de près de six mois change aussitôt la donne. Le distributeur retoque le premier doublage, qu'il refuse de voir utilisé en France, alors que tous les personnages sont doublés par des stars locales, et impose de redoubler intégralement le film avec de grands comédiens issus du monde du cinéma traditionnel. Au fil des années, c'est naturellement ce deuxième doublage qui va finir par s'imposer, même au Québec, où le premier doublage est finalement exploité principalement à la télévision, comme Qui veut la peau de Roger Rabbit avant lui, ou récemment sur Netflix Canada, tandis que le second doublage le supplante partout ailleurs, notamment dans les éditions vidéos.


Poulard : Michel Prud'homme et Claude Piéplu

Comme indiqué plus haut, il faut reconnaître que c'est un vrai bonheur de pouvoir avoir accès aux deux doublages complets de Chicken Run. Car, de l'un comme de l'autre, les deux versions font jeu égal dans l'excellence de leurs interprétations. Du coup, cela rend très difficile de trancher entre les deux. Quelle que soit la version écoutée, on sent que tous les comédiens prennent plaisir à participer à ce long métrage, impossible de réellement avoir une préférence pour tel acteur ou telle actrice. Certes, leurs interprétations sont différentes, mais les dialogues et la plupart des gags sont pertinents, tout comme ils sont adaptés aux comédiens qui les prononcent. Par exemple, le couple Dorothée Jemma (Ginger) /  Patrick Poivey (Rocky) fonctionne tout aussi bien que Valérie Lemercier (Ginger) et Gérard Depardieu (Rocky). Mais on pourrait tout aussi bien faire un mélange, par exemple Valérie Lemercier (Ginger) et Patrick Poivey (Rocky) que ça fonctionne tout aussi bien, croyez-moi j'ai testé ! Les quatre comédiens s'investissent à jeu égal dans ces deux personnages principaux, ce qui constitue un vrai régal pour les oreilles. De même, Patrick Préjean est tout aussi un benêt réjouissant que  Henri Guybet sur M. Tweedy, il en est de même de Véronique Rivière et Béatrice Agenin sur la tyrannique Mme Tweedy. Petite variation, Éric Métayer et Gérard Hernandez sur les rats proposent de nombreux calembours qui auraient eu tout à fait leur place dans un épisode du Muppets Show, mais Frédéric Norbert et Cédric Dumont proposent un humour pince-sans-rire qui fonctionne tout aussi bien. Rien à redire non plus de Michel Prud'homme qui, certes, n'a pas cette voix caractéristique propre à  Claude Piéplu, mais qui assure tout autant sur le Commandant Poulard. Et c'est la même chose pour toutes les poules de la basse-cour. Bref, de l'une comme de l'autre version, il faut admettre que Chicken Run est tout aussi savoureux à entendre qu'une tourte au poulet à manger !

Nota Bene : La liste des comédiens ayant contribué à ces doublages francophones est disponible dans la fiche dédiée du film. Merci de vous y reporter.

Olivier J.H. Kosinski - 12 juillet 2024