Détective Conan - Le Poing de Saphir Bleu est le vingt-troisième long métrage inspiré du manga créé par Gosho Aoyama. Il sort au Japon le 12 avril 2019, mais reste actuellement le seul film complètement inédit en France. Les 22 premiers ayant été commercialisé en 2020 par Black Box, tandis que le 24e sort pour la première fois en salle le 26 mai 2021 distribué par Eurozoom. Le film n'est pas distribué au Québec.
Pour les néophytes, qui ne suivent ni le manga, ni la série télévisée, la scène d'introduction du film nécessite une petite explication. Souhaitant accompagner ses amis à Singapour, mais n'ayant aucun passeport sous l'identité de Conan, Shinishi demande à Haibara de lui fournir un antidote pour qu'il retrouve sa taille d'adulte. Un élément qui est revenu plusieurs fois dans l'intrigue du manga et de la série, mais qui n'a jamais été abordé dans aucun film. Ce qu'il faut retenir de cette scène, qui peut paraître illogique si on n'est pas au courant, c'est que les effets de cet antidote sont, malheureusement, temporaires. Plus Conan l'utilise, moins les effets demeurent. D'où le refus de Habaira de lui en fournir.
N.B. : Si l'envie vous en prend d'alterner la lecture du manga avec les films, sans tenir compte de la série télévisée, j'ai établi une Chronologie Films / Mangas où je préconise de placer celui-ci entre les dossiers 9 et 10 du volume 97.
Leon Lowe, un célèbre psychologue du comportement criminel, rencontre Sherilyn Tan, une avocate, au restaurant de l'hôtel Marina Bay Sands de Singapour. À la suite de cette rencontre houleuse, Sherilyn est retrouvée assassinée au beau milieu d'un centre commercial. Peu après, une carte ensanglantée de Kaito Kid est découverte dans l'ascenseur où elle se trouvait. Tandis que Sonoko, Ran et Korogo décident d'aller soutenir leur ami karatéka Makoto à Singapour, Kaito Kid, ayant vent de cette affaire et de leur voyage vers Singapour, se déguise en Shinishi pour les accompagner incognito et décide de kidnapper Conan pour qu'il l'aide à laver son honneur...
Détective Conan - Le Poing de Saphir Bleu est, dans la longue filmographie du jeune prodige des enquêtes criminelles, une oeuvre particulièrement inhabituelle et audacieuse. Depuis que Shinichi Kudo a fait ses débuts dans le manga de Gosho Aoyama en 1996, il s'est rarement aventuré au-delà des frontières du Japon. Dans le manga, comme dans la série télévisée qui l'adapte sur le petit écran, il a bien effectué un long séjour à Londres dans une enquête passionnante et de longue haleine aux côtés de la tenniswoman Minerva Glass. Une longue aventure que Gosho Aoyama a récemment eu la bonne idée de rappeler aux bons souvenirs de ses lecteurs au détour d'une plus récente affaire. Une autre longue affaire, sous la forme d'un prequel racontant les origines du personnage, a également eu lieu en territoire américain. Mais le reste du temps, l'intrigue se cantonne aux limites territoriales japonaises, y compris dans les longs métrages, exception faite du film 19, Les tournesols des flammes infernales, dont l'action débutait à New York. Cependant, parmi les principaux personnages de la saga, seuls Sonoko, Kaito Kid et Jirokichi y étaient physiquement présents, avant de rejoindre le Japon où se déroulait tout le reste de l'histoire. Détective Conan - Le Poing de Saphir Bleu se déroule pour la toute première fois intégralement en dehors du Japon, à Singapour pour être précis, en particulier dans le célèbre complexe Marina Bay Sands qui sera au coeur d'une séquence palpitante à un moment donné du film, comme la saga Détective Conan nous a toujours si bien habitué.
Ce 23e long métrage marque également plusieurs autres grandes premières. En tout premier lieu, il s'agit du tout premier film de la saga dirigée par une femme seule à ce poste : Chika Nagaoka. Ayant fait ses débuts dans le monde de l'animation au sein du studio J. C. Staff Co.,Ltd., elle rejoint l'équipe créative des longs métrages à partir de 2012 pour le film 17, Un détective privé en mer lointaine, où elle obtient le poste de co-productrice. Elle continue cependant sa carrière en parallèle dans le milieu des séries télévisées, participant par exemple à Saint Seiya - Soul of Gold pour Toei Animation. Chika Nagaoka est ensuite associée à presque tous les films Détective Conan qui vont suivre, quelques épisodes de la série télévisée, sans oublier le crossover jubilatoire La Disparition de Conan. En 2016, elle accède même au poste de co-réalisatrice aux côtés de Kobun Shizuno pour le film 21 La Lettre d'amour écarlate.
Ce n'est finalement qu'avec Détective Conan - Le Poing de Saphir Bleu qu'elle accède enfin au poste de réalisatrice. J'ignore si l'on peut y voir ici une cause à effet, mais il est indéniable que ce film marque une transition sous sa direction. Alors que l'action est délocalisée en dehors du Japon, le long métrage parvient, avec une extrême habileté, à emprunter et mélanger tout le sel des meilleurs films de la saga. Alors que l'intrigue policière se joue surtout en toile de fond, Détective Conan - Le Poing de Saphir Bleu mélange adroitement les genres : film d'aventure, film catastrophe, film de suspense, contre la montre, habiles retournement de situation créant de multiples rebondissements, une légère dose de romance puérile à la japonaise et un antagoniste mégalomane. Un cocktail résolument gagnant.
L'autre élément marquant de Détective Conan - Le Poing de Saphir Bleu, c'est qu'il déconstruit sans scrupule les rouages habituels de la saga. Sans qu'aucun film ne ressemble à un autre, il y a toujours eu une mécanique parfaitement huilée entre chacun d'entre eux, une sorte de schéma récursif que l'on retrouvait systématiquement de film en film. Ce film 23 s'amuse énormément à bousculer tous les acquis des spectateurs, à commencer par son principal protagoniste, Conan Edogawa, qui se retrouve propulsé à Singapour sous une toute nouvelle identité, celle d'Arthur Hirai, grâce à un subterfuge du célèbre Kaito Kid. Et avec Conan, qui n'est donc plus vraiment Conan, tous les traditionnels personnages secondaires vont, plus ou moins, eux aussi passer complètement à la trappe. À l'exception de quelques scènes durant lesquelles ils font acte de présence sous la forme de caméos, le professeur Agasa, Haibara et la bande complète des Détective Juniors, à savoir Ayumi, Mitsuhiko et Genta sont ainsi pour la première fois totalement déconnectés de l'intrigue principale.
Fait plus marquant encore, Kogoro, Ran et Sonoko semblent aussi laissés sur la touche pendant une grande partie de l'intrigue mais, dans ce cas précis, c'est pour mieux tromper ses spectateurs puisqu'ils jouent un rôle crucial à la toute fin du film. De fait, le long métrage se recentre, presque exclusivement, autour de Kaito Kid et Conan/Arthur. Les frères-ennemis d'hier doivent faire front commun et, pour la première fois encore, résoudre ensemble une problématique commune. Les éternels adversaires ont déjà fait plusieurs trêves par le passé, que ce soit dans le manga ou dans les films, mais cela a toujours été à l'initiative de Conan. C'est la première fois que les deux protagonistes s'unissent vraiment dans une même cause, à l'initiative de Kid qui plus est, tout en alliant ensemble leurs compétences respectives pour mener à bien une enquête de longue haleine. A contrario, le long métrage donne une grande place de premier plan au karatéka Makoto Kyogoku qui n'avait jamais eu de tels honneurs jusque-là.
Pour sa première intrusion à Singapour, Détective Conan - Le Poing de Saphir Bleu en jette assurément d'un point de vue technique. L'univers visuel est très propre, clairement dans le très haut du panier pour la saga. Les arrière-plans sont nets et détaillés et, relativement, grouillent de vie, tout du moins par rapport aux standards de la saga. Évidemment, on n'échappe pas vraiment aux personnages d'arrière-plans statiques, mais le long métrage s'en sort bien car ce qui se passe au premier plan est suffisamment bien rendu pour en oublier ce qu'il se passe à l'arrière. Pour autant, comme tous les films, Détective Conan - Le Poing de Saphir Bleu n'évite pas complètement l'animation infographique, mais le long métrage n'en abuse pas vraiment non plus. Le rendu est parfois déstabilisant (exemple : des personnages principaux animés en 2D devant une foule de passants en 3D), mais pas du tout malheureux. La technique 3D sert le film sans l'alourdir, ce qui est une très bonne chose. Concernant la bande son, le film se déroulant à Singapour, beaucoup de protagonistes s'expriment régulièrement en anglais. Là aussi, cela surprend car c'est inhabituel dans la saga, mais logique dans le cadre de l'enquête. Concernant la bande originale, on se retrouve en terrain connu. Des musiques d'ambiances, ou accompagnant efficacement l'action, dans l'esprit de tous les Détective Conan, mais rien qui ne ressort réellement du lot. On sera cependant surpris que ce soit toujours Katsuo Ono, du haut de ses 80 ans, qui dirige une fois encore la composition du film comme il le fait depuis de nombreuses années.
Au regard de son caractère inhabituel vis-à-vis du reste de la saga, Détective Conan - Le Poing de Saphir Bleu n'en est cependant pas complètement déstabilisant. La relation Kaito Kid / Conan est vraiment appréciable, tout comme l'utilisation très judicieuse de Makoto Kyogoku qui se voit même offrir son quart d'heure de gloire à la toute fin du film. Très accessible aux néophytes, qui passeront simplement à côté de quelques clins d'oeil malicieux proposés aux fans de longue date, le long métrage s'avère au final vraiment très bon.
Olivier J.H. Kosinski - 22 mai 2021
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