Final Fantasy - Les créatures de l'esprit sort le 11 juillet 2001 au Québec et le 15 août 2001 en France, avec un doublage français des deux côtés de l'Atlantique. Il s'agit de l'adaptation de la franchise des jeux-vidéo Final Fantasy, bien que ce long métrage bénéficie d'un scénario inédit qui lui est totalement propre.
Lara Fabian contribue pour la seconde fois à un long métrage animé, après avoir joué Esméralda pour la version québécoise de Le bossu de Notre-Dame. Elle interprète ici la chanson thème du film "The Dream Within".
En l'an 2065, la Terre est infestée d'esprits extraterrestres belliqueux face à laquelle l'humanité, au bord de l'extinction, ne peut lutter à armes égales. Inspirée par un rêve étrange et guidée par son mentor, le Docteur Sid, la scientifique Aki Ross met toute son énergie à rassembler huit esprits échappés de Gaïa, l'esprit de la Terre, dans l'espoir de générer une force assez puissante pour anéantir à jamais la présence extraterrestre de la planète...
Nous sommes en 1998, Hironobu Sakaguchi a une idée totalement folle : il veut réaliser un premier long métrage d'animation 3D avec des personnages humains réalistes. Un pari complètement fou, de près de dix ans en avance sur son temps, qui va conduire la société Square au bord de la banqueroute ! Mais revenons plus en détails sur la saga vidéoludique Final Fantasy et son lien étroit avec l'animation avant de poursuivre. La légende veut qu'en 1987, le marché du jeu-vidéo était furibond pour le développeur japonais Square qui propose cette année là le jeu de rôle Final Fantasy, très librement inspiré de Dragon Quest paru un an plus tôt, sur la Nintendo Entertainment System (NES). Le succès inattendu du titre renfloue les caisses de la société, qui se permet alors de développer d'autres jeux. Contre toute attente, à défaut d'une véritable suite, Final Fantasy II en 1988 ne reprend que les mécaniques du précédent titre, ainsi que son nom, mais avec de tous nouveaux enjeux et personnages. La saga Final Fantasy venait alors de naître, où chaque jeu n'aurait finalement que quelques points en commun avec ses prédécesseurs, tout en se révélant systématiquement unique.
Après un troisième épisode paru en 1990 sur NES, en fin de vie, Square développe Final Fantasy IV sur Super Nintendo où la narration va doucement commencer à prendre le pas sur l'action. Mais c'est plus particulièrement en 1994 avec Final Fantasy VI que les ambitions cinématographiques de Square vont clairement s'exprimer. Le jeu de rôle va franchir un étape majeure dans la franchise, amenant son lot d'innovations palpitantes, dans un titre à la jouabilité exemplaire enrobé d'une réalisation parfaitement maîtrisée. Malheureusement, absolument aucun des six premiers épisodes de Final Fantasy ne franchira les frontières européennes. Il faut attendre la sortie de la Sony Playstation autour de Noël 1994 et le clash historique entre les société Nintendo et Square, pour que ce dernier se décide à porter son nouveau titre sur Playstation. Final Fantasy VII sort en 1997 en créant une effervescence jamais connue jusqu'alors en Europe pour un jeu de rôle japonais. Aux ambitions ludiques et narratives de Final Fantasy VI, Square ajoute une toute nouvelle dimension visuelle à Final Fantasy VII : l'apport de cinématiques en 3D. Une première et une vrai révolution, dont certaines séquences deviendront cultes, qui deviendra marque de fabrique de la saga par la suite !
Vingt ans plus tard, les cinématiques de Final Fantasy VII ont évidemment pris un coup de vieux. Mais alors que Toy Story n'a gardé pour lui que d'être le premier film d'animation 3D de l'histoire du cinéma, Final Fantasy VII conserve encore aujourd'hui la particularité d'une mise en scène fouillée et très élaborée, avec des plans et des mouvements de caméras qu'aucun long métrage n'avait osé imaginer avant la sortie de Matrix en 1999. Entre 1998 et 1999, Square s'occupe de la conception de Final Fantasy VIII qui va repousser encore plus loin le photo-réalisme des personnages humains. Rien que son introduction, sur la célèbre musique Liberi Fatali, reste encore aujourd'hui un petit bijou visuel. Hironobu Sakaguchi, président de la succursale américaine de Square chargée de l'animation de ces séquences visuelles, a alors cette idée folle de porter la saga mythique sur le grand écran. Conforté par le succès indéniable de Final Fantasy VII et, dans une certaine mesure, par la qualité visuelle toujours plus croissante dans Final Fantasy VIII, Hironobu Sakaguchi finit par convaincre Square qui s'associe à Columbia Pictures afin de produire un premier long métrage d'animation annoncé comme révolutionnaire : Final Fantasy - Les créatures de l'esprit.
Pour les besoins du projet, Square ouvre ainsi un studio d'animation à Hawaii, Square Pictures, qui va finalement se révéler un premier obstacle à la création artistique du film. Les ambitions américaines et japonaises autour du long métrage créant régulièrement des conflits internes. Hironobu Sakaguchi se charge d'une première ébauche du scénario, qui a son tour, crée de nouvelles tensions. Cette fois, le problème est d'ordre narratif. La première ébauche du scénario ne rentre pas complètement dans le moule narratif d'un long métrage, contrairement à celui d'un jeu vidéo plus malléable. De nombreuses révisions sont nécessaires, jusqu'à ce que les scénaristes américains Jeff Vintar et Al Reinert parviennent à l'adapter dans un format plus conventionnel. Ce cap finalement passé, Final Fantasy - Les créatures de l'esprit va connaître encore de nouvelles embûches, dont la principale est évidemment d'ordre technique. Jamais encore aucun film d'animation, même chez Pixar, n'avait placé si haut la barre du photo-réalisme ! L'expérience manque, puisque personne n'est tout à fait apte à relever un tel défi, tout est à imaginer et à concevoir pratiquement à l'aveugle. Une telle ambition demande ainsi une puissance de calcul phénoménale, pour une seule image du film, il faut près de 1000 ordinateurs traitant les informations en parallèle et une moyenne de 1h30 pour le traitement de cette seule image !
A raison d'une moyenne 24 images par secondes pour 1h40 de film, on comprend vite toute la portée d'un tel exploit. Or, celui-ci a un coût que Hironobu Sakaguchi et Square avaient passablement sous-estimé. Alors que le film avait été budgétisé à hauteur d'environ 60 millions de dollars américains, le prix à la minute de Final Fantasy - Les créatures de l'esprit va totalement flamber jusqu'à dépasser de 2,5 fois son budget d'origine. Pour autant, Square Pictures croit fermement à son long métrage, grâce à l'aura rayonnante de leur franchise Final Fantasy, par la fidélité de ses innombrables fans, par le casting royal cinq étoiles de comédiens américains et par l'ambition démesurée du projet, qui ne manquerait pas d'être saluée. Le 2 juillet 2001, Final Fantasy - Les créatures de l'esprit sort en primeur sur le continent américain et c'est... la douche froide pour Square Pictures ! La bérézina est à la hauteur du projet, sur l'ensemble de sa carrière au cinéma, le long métrage ne rapporte au niveau mondial que 85 millions de dollars. Sa sortie en vidéo ne fait guère mieux, n'ajoutant que 30 millions de bénéfices en plus, rendant la rentabilité du long métrage inexistante. La plus grosse ambition de Square aura eu raison de l'entreprise, qui ne sera sauvée de la banqueroute qu'avec le succès inattendu et inégalé de Final Fantasy X la même année et sa fusion avec son rival de toujours, la société Enix, en 2003.
Plus de 16 ans après sa sortie en salle, Final Fantasy - Les créatures de l'esprit ne démérite pourtant pas. Si les personnages, qui devaient initialement poursuivre leur carrière virtuelles dans d'autres productions sont finalement restés les héros d'une seule aventure, le long métrage tient encore la dragée haute par rapport à certaines productions contemporaines. Avant lui, en même temps que lui et même plusieurs années après lui, Final Fantasy - Les créatures de l'esprit reste incontestablement une prouesse technique. Le film pousse le mimétisme jusqu'à un degré rarement atteint, apportant un grain de peau crédible, une barbe naissante par ci, des tâches de vieillesse par là, des mouvements réalistes, des entités et des personnages attachants, des vêtements nombreux et détaillés (à comparer à l'unique tunique de Bouh), des séquences d'action mémorables, et des décors détaillés jusqu'à pousser le degré de détail jusqu'à son paroxysme. Par exemple, il n'est pas rare de voir les personnages se salir, garder des séquelles et, plus étonnant encore, de voir des traces de saletés sous leurs ongles. Encore plus fort, Square Pictures livre une réalisation remarquable rien qu'au niveau du regard des personnages. Non seulement leurs yeux sont finement travaillés, mais ils dégagent réellement une expressivité rarement atteinte, telle une sorte d'âme numérique.
Mais, paradoxalement, cette révolution technologique au cinéma, combinée à une adaptation "Grand Écran" d'un jeu-vidéo dans une période où le genre n'était pas bien perçu, conduit inexorablement Final Fantasy - Les créatures de l'esprit dans l'impasse. En cause, principalement sa double nationalité et sa conception volontairement internationalisée. Il en résulte un conflit culturel américano-japonais qui se ressent d'un bout à l'autre du long métrage. Si Hironobu Sakaguchi livre véritablement un Final Fantasy en toile de fond, de part ses innombrables points communs, idées et questions philosophiques (n'en déplaise aux fans qui en réprouvent l'idée), Jeff Vintar et Al Reinert vont formater le scénario du long métrage dans un moule aseptisé purement américain. A des questions pertinentes, purement morales, et typiquement dans l'esprit de l'animation japonaise, le long métrage s'enferme dans une dichotomie de lutte entre le bien et le mal, du gentil contre le méchant, typiquement américaine. A cela s'ajoute la dimension ésotérique de l'intrigue, qui laisse le spectateur face à de nombreuses questions qui resteront, hélas, à jamais sans réponses.
Aujourd'hui, le désamour total du grand public et des fans de Final Fantasy - Les créatures de l'esprit est-il toujours justifié et justifiable ? En l'occurrence oui, en partie tout du moins. Si l'on ne peut nier l'exploit technique que représente le long métrage, aujourd'hui encore où il est un cas d'école, son enrobage a malheureusement tout pour décevoir. Du côté des fans, le film n'a de "fantasy" que son nom puisqu'il s'échine à s'éloigner considérablement du matériau d'origine et des neuf jeux-vidéo qui l'ont précédé. Un constat que l'on peut juger un peu moins amer actuellement, puisque la licence a depuis dévié vers un univers plus ou moins similaire dans les itérations les plus récentes de la franchise. Du côté du public peu familier, le long métrage s'avère particulièrement confus (surtout pour les enfants) et, beaucoup plus gênant, beaucoup trop prévisible dans son déroulement. Malgré tout, Final Fantasy - Les créatures de l'esprit a ouvert les frontières du possible, conduisant plus ou moins aux résurrections numériques - controversées -, à l'image de Paul Walker dans Fast and Furious 7 et de Peter Cushing dans Rogue One - A Star Wars Story, du cinéma contemporain. Alors qu'en 2001, tout le monde raillait l'idée que les personnages numériques allaient remplacer à terme les vrais acteurs, preuve en est qu'aujourd'hui c'est devenu une réalité. Final Fantasy - Les créatures de l'esprit restera donc une oeuvre visionnaire, mais née trop en avance sur son temps.
Olivier J.H. Kosinski - 01 septembre 2017
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Doublage (France - 2001)
Aki Ross : Yumi Fujimori
Gray Edwards : Bernard Lanneau
Ryan Whitaker : Peter King
Neil Fleming : Bruno Dubernat
Jane Proudfoot : Nathalie Duong
Docteur Sid : Jean-Pierre Moulin
Général Hein : Guy Chapelier
Membre du conseil : Jean-Paul Pitolin
Membre du conseil : Joëlle Brover
Major Elliot : Pierre Dourlens
Technicien : Tony Joudrier
Soldat : Gérard Maillet
Policier militaire : Pierre Casanova
Sources :
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