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Square-Enix
Kingdom Hearts 111

Re:Mind

Kingdom Hearts III est un jeu-vidéo qui cloture la saga Xehanort, en l'occurence l'histoire qui couvre à peu près tous les jeux précédents, et ouvre des pistes vers un possible futur nouvel avenir. Il est le premier de la franchise à sortir simultanément sur Playstation 4 et X-Box One le 29 janvier 2019 en France, de nombreuses enseignes l'ont cependant commercialisé jusqu'à une semaine à l'avance. Re:MIND est un contenu supplémentaire commercialisé à partir du 23 janvier 2020.

L'intrigue

Lors de la dernière épreuve pour devenir Maitre de la Keyblade, Sora a malheureusement échoué car il n'a pas été capable d'obtenir le pouvoir l'éveil. Par la même occasion, il a perdu l'intégralité de ses pouvoirs. Le sorcier Yen Sid l'informe cependant qu'il connait déjà un héros qui fut dans la même situation que lui auparavant et avait tout de même réussit à récupérer ses pouvoirs. Sora, Donald et Dingo se lancent à sa recherche, tandis que Mickey et Riku sont fermement décidés à ramener Aqua piégée depuis trop longtemps dans le monde des ténèbres.

Analyse de l'oeuvre

Le premier mot qui traverse l'esprit une fois Kingdom Hearts III refermé est amertume. C'est en effet un mot qui couvre de très nombreux sentiments contradictoires, à la fois positifs et négatifs, que l'on ressent lorsque l'on traverse l'intégralité du jeu. Kingdom Hearts III est en effet un jeu généreux mais également pauvre, une ode à la conclusion d'innombrables intrigues parallèles mais aussi un énorme gruyère scénaristique. Le jeu est également mal équilibré dans son approche puisque les deux premiers tiers ne font pas avancer le contexte, tandis que le dernier tiers est un festival d'une intensité insoupçonnable. Kingdom Hearts III est une oeuvre à la croisée des chemins. Le réalisateur Tetsuya Nomura affiche une volonté appuyée d'en faire une oeuvre de transition, une oeuvre qui clôture 17 années de récits tentaculaires, et souvent écrit au fur et à mesure, tout en amorçant un, visiblement, important virage à la franchise. Il en résulte alors un improbable paradoxe scénaristique, qui pousse le joueur à se demander si le jeu n'a pas été amputé d'une partie d'un contenu qui l'aurait rendu autrement plus riche à l'image de ses illustres ainés. Cette fois, Kingdom Hearts III va directement à l'essentiel en oubliant simplement de fignoler correctement les contours comme si, finalement, Tetsuya Nomura était dépassé par sa propre oeuvre. Le jeu reste pourtant très divertissant et apporte une conclusion pour le moins satisfaisante, car il s'efforce de contenter au maximum les fans de la franchise. Malheureusement, le jeu veut tellement remplir son objectif scénaristique qu'il crée un sentiment d'inconfort en commettant plusieurs impairs que la franchise n'avait jamais faites jusque là.

La légende raconte que la marque Kingdom Hearts est née dans un ascenseur, alors que les studios Disney et Squaresoft se partageaient les mêmes locaux à l'époque. Tetsuya Nomura avait alors imaginé un concept qui allait lier de façon étonnante les films d'animation Disney avec les jeux de la série Final Fantasy. La rencontre, improbable sur le papier, des deux univers se révéla pour le moins convaincante au point de faire Kingdom Hearts l'un des jeux les plus populaires au début des années 2000. Avec le temps, la popularité croissante des personnages de Kingdom Hearts a peu à peu balayé, jeu après jeu, la légitimité de Disney et de Final Fantasy, sans pour autant que la franchise n'en renie ses origines. Kingdom Hearts III tranche cependant dans le vif du sujet en éliminant, purement et simplement, tous les héros des jeux Final Fantasy. Incontestablement, cela crée un manque, un vide, qu'aucun autre jeu de la franchise n'avait atteint. Alors que nous visitons de nombreux mondes dans lesquels ils sont censés apparaître, jamais aucun d'entre eux ne fait la moindre apparition dans Kingdom Hearts III. Pour autant, absolument rien n'aurait pu empêcher leur présence, au minimum sous la forme de simples caméos, vaquant par exemple à leurs occupations à l'arrière plan. Tetsuya Nomura ne s'est délibérément pas aventuré sur ce terrain là, rendant évident qu'il s'agit là d'une pure vengeance gratuite d'avoir été écarté de la réalisation de Final Fantasy Versus XIII, alors que le réalisateur fait un véritable pied de nez à Final Fantasy XV qui l'a remplacé depuis. Pas un seul moment, pas un seul instant, pas une seule commande de jeu ni la moindre idée de gameplay ne rappelle en effet Final Fantasy XV qui, ne l'oublions pas, devait à l'origine s'inspirer des mécaniques Kingdom Hearts.

La franchise s'était aussi montrée extrêmement respectueuse des univers Disney qu'elle empruntait pour créer son propre univers. L'une des forces de Kingdom Hearts a toujours été de respecter scrupuleusement les scénarios des films empruntés, en les modifiant subtilement pour y intégrer les nouveaux personnages de façon tout à fait crédible. Ainsi, on revisitait chaque fois les mêmes histoires, abordées d'un point de vue différent, tout en étant gratifié à chaque fois d'une avancée significative du scénario global de chaque jeu. La majorité du temps, nous étions également accompagnés par des acolytes prestigieux qui venaient renforcer la crédibilité de l'ensemble. D'une certaine manière, c'était tout simplement nous, les joueurs, qui étions chaque fois amenés à épauler les grands héros Disney que nous aimons tous. Pour autant, le scénario était écrit de façon tellement astucieuse qu'il était facultatif de connaître les films d'animation qui inspiraient chacun des mondes traversés. J'en avais moi-même fait l'expérience, notamment dans le monde inspiré par L'étrange Noël de Monsieur Jack que je ne connaissais pas du tout à l'époque. Lorsque j'ai eu l'occasion de rejouer une fois le film vu, j'avais été incroyablement étonné de la richesse supplémentaire du niveau qui regorgeait d'easters eggs spécialement adressés au fans.

De façon inexplicable, Kingdom Hearts III laisse incontestablement les joueurs sur leur faim lorsqu'ils sont des fans accomplis de Disney, mais abandonne également sur le bord de la route ceux qui ne connaissent pas du tout les oeuvres utilisées dans le jeu. Contrairement à tous les précédents titres de la saga, Sora, Donald et Dingo sont totalement déconnectés de ce qu'il est censé se passer dans chaque film. Jamais une seule fois nos héros ne viendront réellement épauler les personnages Disney dans leur quête, tout juste servent-ils de prétexte à ce que Sora, Donald et Dingo puissent atteindre leur propre objectif. Sur les huit mondes Disney traversés, bienheureux est ainsi celui qui connaît par exemple sur le bout des doigts La Reine des Neiges, Raiponce, Monstres & Cie ou Pirates des Caraïbes car, dans le cas contraire, le joueur se retrouve face à des trous béants impossibles à combler. L'univers d'Arendelle notamment est sans nul doute celui où l'histoire est la plus décousue et la moins compréhensible de tout le jeu puisque Kingdom Hearts III oblige le joueur à combler les vides en faisant appel à sa mémoire du long métrage. Or, si vous ne l'avez jamais vu, non seulement vous n'allez rien comprendre, qu'en plus les deux morceaux musicaux ajoutés semblent tomber comme un cheveux sur la soupe, si ce n'est pas de les considérer carrément opportunistes. Il n'empêche, même en ayant une mémoire d'éléphant, Kingdom Hearts III pêche souvent par excès de confiance, entraînant dans son sillage des incohérences manifestes et impardonnables, à l'image de la plus flagrante d'entre elles, le fameux diadème de Raiponce que l'on voit détenu par Mère Gothel au début du niveau et qui se retrouve dans les mains de Raiponce à la fin, alors qu'on ne l'a quasiment jamais quittée des yeux tout au long du niveau. Même chose concernant les héros de Toy Story abandonnés à leur misérable sort et dont leur conclusion se déroule hors champ.

Plus le jeu avance, plus le scénario défile, plus on a cependant tendance à pardonner ces pures facilités que Tetsuya Nomura ne s'était pourtant jamais permis jusque là sur aucun autre jeu de la franchise. Une fois les huit mondes Disney bouclés, Kingdom Hearts III semble soudain totalement se réveiller en proposant l'un des plus immenses niveaux jamais proposés par la saga jusque là. Bien qu'il soit en réalité découpé en deux grands arcs narratifs, et qu'on parcourt en réalité plusieurs mini-niveaux très différents formant un tout unique, l'ultime monde de Kingdom Hearts III est un énorme festival de près de six heures en ligne droite où l'intensité narrative et le défoulement sont incontestablement les uniques maîtres mots. Le joueur est entraîné dans un festival sensitif qui empêche, littéralement, de lâcher la manette de manière quasiment frénétique. Plus un seul moment, plus un seul instant de Kingdom Hearts III ne peut plus être mis en défaut comme si, d'une certaine manière, les mondes Disney n'avaient finalement été là que pour justifier le passif de la franchise, alors que le coeur du jeu est manifestement désormais consacré à sa propre et unique mythologie. Un sentiment par ailleurs renforcé par l'épilogue et la fin secrète qui semblent concrétiser à l'écran une sorte de divorce à l'amiable envers l'univers Disney, même si rien à ce stade ne permet évidemment de l'affirmer.

Plus que tout, c'est sans nul doute le gameplay très fouillé, disons même très énergique, de Kingdom Hearts III qui permet de rendre l'expérience fortement positive alors que celui-ci est également assez disparate dans sa réalisation technique. A l'heure où nous sommes dans l'ère des consoles de huitième génération, Kingdom Hearts III semble à peine plus digne visuellement d'un jeu Playstation 3 auquel aurait été greffé des niveaux sinueux et en couloir dignes d'un jeu Playstation 2, longs chargement inclus entre chaque changement de zone. Certes, le rendu global de Kingdom Hearts III est à la hauteur de ce qu'on attend d'un titre de 2018, avec un univers grandiose, des animations léchées et un rendu quasiment photogénique des personnages Disney rencontrés. Il n'empêche, là où Tetsuya Nomura nous avait fait la promesse de niveaux vastes forçant naturellement le joueur à vaquer à l'exploration, la plupart du temps nous sommes en réalité soit coincés dans des couloirs à sens uniques cloisonnés de murs invisibles, soit perdus dans de vastes niveaux vides de toute vie et dont l'exploration ne rapporte aucun intérêt, si ce n'est de déclencher des petites scénettes sans consistance ou trouver un coffre à trésor. Parfois, il y a bien quelques embranchements, mais la plupart du temps cela conduit juste à une impasse, avec son coffre à trésor, soit cela fournit juste une route alternative pour atteindre l'objectif suivant. C'est bien trop peu de choses pour un titre d'une telle envergure qui semble, constamment, manquer de contours et d'ambition.

Paradoxalement, Kingdom Hearts III est sans conteste le titre le plus défoulant de la franchise multipliant, à l'excès, les innombrables possibilités de jeux. Il n'est pas un seul moment du jeu où l'on ne donne pas au joueur le moyen de casser la routine. Alors que le monde de Winnie l'ourson a été dépouillé de toute sa substance, il semble flagrant que l'idée des mini-jeux, autrefois propres à la forêt des rêves bleus, a été éparpillée à travers tout Kingdom Hearts III. On ne s'étonnera plus de pouvoir jouer à un combat de Mecha, à une course endiablé en luge, à plusieurs batailles navales, à un jeu de réflexe, des phases sous-marines, voire à des mini-jeux mobiles sur le gumiphone. On retrouve bien entendu aussi les fameuses séquences rébarbatives à bord du vaisseau Gummi, tout en sachant que cette fois, la quasi-totalité de ces niveaux est devenue totalement facultative, à l'exception de deux trois combats de boss imposés, mais que l'on peut tout de même ne pas affronter. D'une certaine manière, les niveaux à bord du vaisseau Gummi sont à l'image de Kingdom Hearts III dans son entier, un jeu dont la difficulté pourtant légendaire a été drastiquement revue à la baisse. Moi-même ai été particulièrement étonné de constater à quel point le niveau a été revue à la baisse, puisque même en ayant choisi la difficulté maximale, j'ai quasiment toujours roulé sur tous les adversaires en étant pourtant très largement en dessous du niveau recommandé pour chaque niveau. J'ai été particulièrement surpris de terminer le jeu en seulement 26 heures, avec un simple niveau 38, là où il m'aurait été impossible d'espérer dérouiller un boss final dans aucun des autres jeux de la franchise.

Mais on ne peut pas totalement reprocher ce problème de difficulté à Kingdom Hearts III, que Tetsuya Nomura a visiblement voulu rendre fun avant tout, plutôt que frustrant à la longue. Car la richesse des possibilités offertes par le jeu sont à la fois ses forces et ses faiblesses. Dans les phases de combats, Kingdom Hearts III est en effet extrêmement généreux dans ses possibilités : formes secondaires de Sora, innombrables possibilités de super attaques pour les keyblades, nombreuses formes d'attaques groupées, sans oublier les très fréquentes apparitions des manèges Disney qui défoncent à peu près tout ce qui se trouve sur leur chemin. Incontestablement, chaque phase est un festival visuel où aucun combat ne ressemble à un autre. Certes, on ne pourra que déplorer ces sortes d'invocations surpuissantes qui nous facilitent incontestablement la vie de joueur, surtout si l'on est pas porté sur la chose, mais Tetsuya Nomura laisse tout de même la possibilité au joueur d'y renoncer complètement. Le défi prend alors une dimension différente, même si on ne peut jamais écarter l'idée que Kingdom Hearts III n'est qu'une promenade de santé par rapport à la difficulté souvent rébarbative de ses aînés. Dans tous les cas, il suffit juste de bien comprendre les mécaniques d'optimisation des personnages mais également d'apprendre les différentes phases des différents boss, pour se laisser convaincre que le jeu n'est finalement pas si compliqué. Une bonne keyblade, de bons accessoires, une bonne recette de Remi et, tant qu'à faire, une pièce Mog juste au cas où, et on est définitivement paré à toutes éventualités.

En fin de compte, Kingdom Hearts III est un peu tout cela à la fois, d'où ce constat d'amertume qui surgit une fois terminé. A la fois riche et pauvre dans ses différentes phases de jeu, immense et étriqué dans les mondes traversés, incohérent et pertinent dans ses choix narratifs, le titre parvient quand même à conclure de manière logique une grande histoire amorcée il y a déjà 17 ans ou, pour le moins, une intrigue qui prend vraiment ses origines il y a "seulement" 10 ans puisque c'est avant tout Kingdom Hearts - Birth by sleep qui a réellement lancé la saga Xehanort, car le personnage n'existait tout bonnement pas avant ça. Une à une, chacune des principales intrigues de tous les jeux Kingdom Hearts trouve ici son parfait dénouement, à la seule exception de Kingdom Hearts X [chi] qui, elle, sert d'amorce au prochain vrai défi de la saga. On déplorera juste cette absence manifeste d'ambition autour d'un titre aussi longtemps attendu, le manque flagrant de contenu supplémentaire hors trame principale, l'absence inexcusable des personnages de Final Fantasy et, d'une certaine façon, le manque d'imagination de la bande originale qui, au mieux, recycle des airs maintes fois entendus, au pire, ne prend même pas la peine de s'inspirer des symphonies Disney. Tetsuya Nomura semble vouloir surtout conclure définitivement l'intrigue avant tout, histoire d'avoir maintenant le champ libre de pouvoir faire autre chose, car désormais libéré de toute contrainte narrative qu'il s'était lui-même imposé au fil du temps. Dans tous les cas, Kingdom Hearts III reste une agréable expérience à vivre et, du moment que l'on est fan, on lui pardonnera ses défauts les plus flagrants. Mais, dans tous les cas, on ne pourra pas nier que le titre n'est vraiment pas à la hauteur de ses illustres prédécesseurs.

Olivier J.H. Kosinski - 02 février 2019

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