Analyse de l'oeuvre
Lorsque Disney met la main sur 20th Century Fox, le studio de Mickey s'accapare surtout de nombreuses franchises cinématographiques qu'il compte bien faire fructifier. Dans le lot, on y trouve la trilogie La nuit au musée principalement portée par Ben Stiller et réalisée par Shawn Levy. Si jamais vous ne la connaissez pas, cette trilogie raconte l'histoire d'un gardien de nuit qui découvre, avec stupeur, que l'ensemble des collections du Musée d'histoire naturelle de New York prend littéralement vie dès que le soleil se couche. Là où l'affaire se corse, c'est que chaque protagoniste du musée prend vie en adoptant la personnalité telle que décrite dans leurs petits cartons apposés près de leurs vitrines. Certains ne savent pas forcément qu'ils ne sont pas réels, de fait, ils adoptent des comportements imprévisibles et, souvent, destructeurs. Le pauvre Larry Daley, qui débarque sans préparation au milieu de tout ce chaos, doit parvenir à concilier les caractères de chacun, mais aussi faire en sorte que tout le contenu du musée reprenne sa place au lever du jour. Un sacré programme en somme. Le premier film de la trilogie se concentre principalement sur cette tâche, tout en révélant pourquoi le musée prend vie chaque nuit. Dans le second opus, l'intrigue se délocalise dans les Archives Nationales de Washington où doivent être entreposées les célèbres figures du Musée de New York. Là bas, Kahmunrah - celui-là même que l'on retrouve dans le film d'animation - s'éveille pour la première fois depuis de longs siècles et compte bien prendre le contrôle du monde. Dans le dernier opus, Larry est confronté à un problème inédit. La tablette qui ramène tout le monde à la vie est atteinte d'une corrosion sévère qui risque de mettre un terme à jamais à ses propriétés magiques. Le film s'efforce également d'apporter une conclusion aux aventures de Larry.
La trilogie La nuit au musée a toujours été un paradoxe dans le paysage culturel. Plébiscité au cinéma, avec des scores tout à fait honorables et un public globalement conquis, chacun des trois opus a pourtant systématiquement recueilli des critiques souvent glaciales. Y a-t-il une explication logique ? Je ne saurais le dire car chaque long métrage compte un florilège de grands acteurs, certes dans un registre plus comique que d'ordinaire, mais qui ne déméritent pas dans leurs rôles respectifs. Mon avis, c'est qu'il y a un trop plein de grands comédiens justement, ce qui laisse très peu de temps pour tous de briller à l'écran, parfois à un point que cela devient comique. Par exemple, Mizuo Peck, qui interprète Sacagawea, n'a presque aucune ligne de dialogue dans le troisième film, se contentant juste de faire acte de présence au point de se dire qu'elle ne sert à rien. Autre avis qui ne concerne que moi, je trouve que le premier opus reste à ce jour le meilleur de la trilogie grâce à l'originalité de son intrigue. Les deux autres opus n'ont pas réussi à transformer l'essai, se contentant juste d'appliquer deux fois de suite la même formule que le premier sans parvenir à la renouveler. Mais, dans l'ensemble, la trilogie complète s'avère amusante et elle a le mérite de se refermer de façon convenable. Rien ne laissait supposer que la franchise allait revenir, si ce n'est des bruits de couloir annonçant un potentiel remake.
Du coup, l'annonce de La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah fut une surprise, tout comme elle n'en fut pas une. Il était sûr et certain que Disney n'allait certainement pas laisser couler une franchise aussi populaire, quand bien même les critiques n'étaient pas dithyrambiques, parce qu'il fallait bien rentabiliser un achat qui fut, certes, stratégique, mais dont Disney n'imaginait alors pas les conséquences financières d'une pandémie à peine un an plus tard. La surprise est surtout venue du choix d'adapter cette franchise en un film d'animation spécialement réalisé pour la plateforme Disney+. J'y vois une ingénieuse stratégie visant à réduire drastiquement le budget d'un tel film, tout en réussissant le coup de force de virer l'ensemble des comédiens un peu trop coûteux pour la bourse de Disney. On ne s'en rend évidemment pas compte si l'on regarde la version française car le choix, plutôt futé, a été de rappeler tous les comédiens français pour rejouer leurs rôles dans La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah. Ce n'est par contre pas du tout le cas de la version originale dont il ne reste plus personne par rapport aux trois précédents films. Plutôt qu'une suite, La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah se pose plutôt comme une oeuvre dérivée, un spin-off dans l'esprit de nombreuses adaptations animées pour enfants durant les années 1990. On se souviendra par exemple de Retour vers le futur, Men in Black, Godzilla ou Jumanji par exemple. La seule différence, c'est qu'en tant que long métrage isolé, La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah bénéficie d'une technique d'animation de meilleure facture que les exemples cités. Mais il est indéniable que ce long métrage est destiné à un public plus jeune que les trois films précédents, tant l'ambition autour de la chose frôle le zéro absolu. En même temps, cela semble un recentrage assez logique. La trilogie La nuit au musée a toujours été appréciée du jeune public. Disney ne fait que suivre, disons même affirmer, une tendance bien réelle.
Le scénario de La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah place l'intrigue en continuité directe avec le troisième film, quelques années plus tard. Par un tour de passe-passe assez ridicule, Larry est immédiatement écarté pour laisser à la place à son fils Nick. Après avoir passé un long moment à lever les yeux au ciel devant les innombrables incohérences qui permettent à Disney de recentrer la saga sur de nouvelles bases, on se retrouve finalement assez vite en terrain connu. Sans originalité aucune, La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah reprend les bases des trois premiers films afin de nous en offrir une quatrième variation aux enjeux inexistants. Ne vous attendez vraiment pas à un concept renouvelé, si vous étiez déjà lassé dès le troisième, voire même le second opus, vous allez souffler tout autant devant ce quatrième film. Les trois volets portés par Ben Stiller avaient déjà fait largement le tour de ce qu'il y avait à raconter. La seule petite variation tient aux nouveaux personnages dont certains d'entre eux, inédits jusqu'ici, posent vraiment question. Le scénario ne leur offre pas vraiment de mise en contexte et balance leurs présences comme découlant naturellement de source. Cela donne le sentiment que l'on a manqué un épisode. De fil en aiguille, on finit par avoir cette impression que La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah est en réalité l'épisode pilote d'une série télévisée qui n'a finalement pas été réalisée. C'est assez bizarre. Dès lors que l'on fait ce constat, on se surprend à être plus conciliant avec La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah, en finissant par conclure que ça aurait pu être pire. Il n'empêche, Disney ne prend clairement aucun risque avec ce film d'animation.
Au final, La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah marque un retour amusant tout autant qu'anecdotique. En redéfinissant la personnalité des protagonistes, particulièrement celle de Nick qui devient un ado gaffeur ridicule, tout comme ont été injectées des incohérences majeures, Disney a complètement tordu l'esprit originel de la saga. A contrario, le long métrage semble avoir été conçu comme une oeuvre dérivée servant de tremplin pour une série animée pour enfants qui aurait eu toute sa légitimité dans le paysage de Disney+. Malheureusement, coincé dans cet entre-deux discutable, La nuit au musée - Le retour de Kahmunrah se contente juste d'être un ersatz parfaitement oubliable.
Olivier J.H. Kosinski - 19 avril 2025
