Le tombeau des lucioles n'a connu en France qu'une sortie en salle très limitée. S'il a fait l'objet d'une projection au treizième festival du cinéma pour enfants de Corbeil-Essonnes du 17 février au au 14 mars 1992 où il est connu sous le nom de Le tombeau du vert luisant, puis au Festival de Paris en juin 1994, ainsi que dans deux uniques salles de cinéma d'art et d'essai le 19 juin 1996 en version originale sous titrée dans tous les cas, le film n'obtient son doublage français qu'à partir de 1999 lorsqu'il fut pour la première fois commercialisé en France. A ce jour, c'est le seul film Ghibli dont les droits vidéos sont détenus exclusivement par Kazé.
Le saviez-vous ? En 2005, Le tombeau des lucioles a d'abord été adapté sous la forme d'un drama de 2h30 mettant en scène de vrais comédiens très proche du film de Ghibli, puis dans un film Live, sorti au Japon en 2008 qui s'inspire directement de la nouvelle de Akiyuki Nosaka.
Japon, été 1945. Les bombardiers américains arrosent Kobe de bombes incendiaires. Un jeune adolescent et sa petite soeur perdent leurs parents. Ils se réfugient dans leur famille proche mais cruelle. Leur quête désespérée d'un monde meilleur les amènera à traverser les ruines du Japon ensanglanté par la fin de cette guerre.
Ma rencontre avec le studio Ghibli a réellement tout du hasard et ma découverte de ses productions commença étrangement avec Le tombeau des lucioles. C'est à un professeur d'histoire géographie que je dois d'avoir découvert ce film, qui nous proposa de le visionner puisque nous avions bouclé le programme de l'année alors que le bac et les vacances d'été pointaient à l'horizon. Une sorte de distraction pour marquer le passage de relais de la période du lycée à l'universitaire, tout en étant ludique et compatible avec la matière enseignée. Je ne savais d'ailleurs même pas en ce temps là ce qu'était le studio Ghibli, encore moins que Le tombeau des lucioles provenait de leur catalogue, ce n'est que bien des années plus tard que je fis réellement le rapprochement. Pourtant, ce film me marqua profondément et à jamais, car c'est ce jour là précisément que je découvris l'existence d'une autre réalité du film d'animation, bien différent de l'univers aseptisé de Walt Disney qui avait perverti ma vision de cet art. Ce qui m'a obligé à me rééduquer et me réapproprier l'approche du cinéma d'animation, tout en marquant de façon indélébile la manière que j'ai d'aborder l'analyse des longs métrages depuis l'origine du site. Ironie de l'histoire, Le tombeau des lucioles avait été envisagé comme un film pédagogique, et c'est par cette étonnante manière que je fis sa connaissance, alors qu'il venait à peine d'être diffusé sur Canal+.
C'est avec cette oppressante première réplique « La nuit du 21 septembre 1945, je suis mort. » que Le tombeau des lucioles donne sa tonalité. Difficile de ne pas faire immédiatement le rapprochement entre cette silhouette fantomatique et le jeune homme affalé sur le sol de la gare. On comprend en un millième se seconde de quoi va aborder Le tombeau des lucioles : l'agonie d'un garçon pendant la seconde guerre mondiale, qui assiste avec nous à sa propre mort. Les plans terribles qui suivent continuent d'assombrir l'humeur du spectateur, incapable de quitter l'écran des yeux... Seita rejoint ensuite sa soeur Setsuko, pour embarquer dans un étrange train afin de se remémorer les évènements qui l'on conduit à ce tragique destin. Le récit de Le tombeau des lucioles commence ainsi par la fin, et celle-ci ne prend toute son importance qu'après avoir regardé le film dans son entier.
Le tombeau des lucioles marque par son approche réaliste, quasi-documentaire, du Japon durant la Seconde Guerre mondiale notamment par son point de vue vécu par les populations civiles. Les bombardements américains et ces conséquences y sont abordés sans aucune concession, au point que le malaise envahit le spectateur de part la dureté des images. La guerre est le fil conducteur de l'histoire. De nombreuses séquences nous rappelle la dureté de ce conflit qui n'épargne personne, détruit des familles et affame ses populations. Au milieu de tout ça, on assiste dans Le tombeau des lucioles aux conséquences des choix malheureux de Seita, qui tente par tous les moyens de se trouver une raison de vivre en s'occupant de sa soeur Setsuko. Car peu à peu, les deux enfants s'égarent en marge de la société, rompant leurs maigres relations sociales. Surtout envers le minuscule lien familial qui les unissent à leur tante et qui se brise d'ailleurs très vite, démontrant par la même occasion les extrêmes limites de la compassion humaine en période de crise (cela est d'autant plus frappant si vous avez vous aussi vécu une situation de trouble où seul règne le "chacun pour soi").
Dès lors, Seita et Setsuko sont complètement livrés à eux mêmes. Seita franchit très (trop) vite la ligne rouge, soumis à la dure réalité de la faim, multipliant les vols de plus en plus importants au point d'attendre avec une certaine jubilation les bombardements américains, couverte idéale à ses innombrables larcins. De son côté, Setsuko dépérit peu à peu, mais fait en même temps preuve d'une déchirante lucidité sur son sort. Une retranscription à l'écran tout simplement terrifiante que la narration et la musique retranscrivent avec intelligence. Il ne fait aucun doute qu'une adaptation avec des comédiens et des décors réels n'auraient pas eu la même porté émotionnelle que cette version animée, même s'il existe quand même un exemple du genre à l'image du tout aussi poignant Jeux interdits sorti en salle en 1952. Pourtant, Le tombeau des lucioles comporte aussi bon nombre d'aspect positif, et se conclut finalement sur une touche positive, même si elle ne semble pas comme telle. Seita est en effet libéré de son triste sort et peut désormais rejoindre sa famille et vivre enfin dans la paix dont il était injustement privé jusque là.
En fin de compte, Le tombeau des lucioles reste une oeuvre aussi somptueuse que bouleversante, qui marque à jamais de son empreinte indélébile les plus réticents des spectateurs. Il permet aussi de mettre sous le nez des détracteurs le fait qu'un long métrage d'animation est bien plus qu'un simple « dessin animé pour gamins », encore moins une « japaniaiserie », mais bel et bien un art narratif unique et subtil qui ne se cantonne pas qu'au divertissement. Le tombeau des lucioles est à la fois un témoignage sur les atrocités de la guerre, une histoire bouleversante sur la condition des êtres humains, le portrait d'une fratrie unie malgré les conflits, mais il est également un film subtil mêlant habilement réalité et onirisme. Un incontournable du cinéma d'animation qui se doit d'être connu.
Olivier J.H. Kosinski - 04 janvier 2013
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07 mai 2013
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Doublage (France - 1999)
Seita : Pascal Grull
Setsuko : Kelly Marot
Tante : Marie Martine
Mère : Marina Tourbon
Fermier : Marina Tourbon
Enfants : Michel Tugot-Doris
Sources :
Planète Jeunesse