Hoopa et le choc des légendes est sorti le 18 juillet 2015 au Japon, il est resté longtemps inédit dans les territoires francophones. Notons que pas moins de 14 pokémons légendaires (sans compter leurs formes alternatives) figurent dans ce long métrage ! Contrairement à tous les autres films, soit commercialisés en vidéo, soit diffusés en avant première à la télévision, celui-ci a été pour la première fois commercialisé directement en version numérique dès le 18 janvier 2016 en version française sur Google Play et Itunes.
Contrairement aux deux films précédents qui étaient introduits par deux moyens métrages dévoilant les origines de Mewtwo et de Diancie, Hoopa a officiellement débuté sa carrière animée dans six petits courts métrages humoristiques de moins d'une minute, Hoopa's Surprise Ring Adventures diffusés entre le 23 avril et le 28 mai 2015, où il cause bien des tracas à Sacha et Pikachu, même si ces courts métrages ne sont pas dans la continuité de l'intrigue principale.
Dans une ville déserte en bord de mer, Sacha, Pikachu et leurs amis rencontrent Hoopa, le pokémon fabuleux qui a le talent de faire apparaître des personnes et des pokémons grâce à ses anneaux magiques. Suite à un incident effrayant, une histoire ancienne leur apprend que les méfaits d'un pokémon terrifiant ont été arrêtés il y a bien longtemps par un héros courageux. La menace, enfouie pendant de nombreuses années, est désormais prête à être libérée ! Sacha peut-il aider son nouvel ami à surmonter son côté obscur ou est-il sur le point de le déchainer à nouveau ?
Cette année la licence Pokémon va fêter ses 20 ans, née précisément le 27 février 1996, date à laquelle ont été commercialisés le diptyque Pokémon Vert et Pokémon Rouge sur la Nintendo GameBoy. Pourtant, d'abord en raison du décalage de parution des longs métrages en Occident, ensuite parce que le premier film n'est sorti en salle qu'en 1998, c'est seulement le 18e film qui nous arrive aujourd'hui : Hoopa et le choc des légendes. Une longévité record pour une franchise vidéoludique aussi ancienne qui parvient jusqu'à présent à résister contre vents et marées au temps qui passe, tout du moins pour la série principale sur les consoles de Nintendo. Du côté des longs métrages, jamais Pokémon the Movie n'avait connu un tel désintérêt de plus en plus massif pour ces itérations cinématographiques. C'est bien simple, depuis Arceus et le joyau de vie il y a six ans, c'est la dégringolade tragique et inéluctable, chaque nouveau film fait pire au box office japonais que son prédécesseur. On ne s'en offusquera pas vraiment tant la qualité d'écriture des scénarios a considérablement décliné. Ceci expliquant cela. Après un Diancie et le cocon de l'annihilation qui entamait le cycle X/Y de manière relativement poussive, je m'attendais donc à retrouver plus ou moins la même chose avec le second volet de cette sixième génération Pokémon. De fait, Hoopa et le choc des légendes m'a plutôt agréablement surpris sans transcender la recette non plus, mais uniquement dans sa version originale japonaise qui n'est pas altérée contrairement à la version occidentale. Pourquoi ? Simplement parce que ce 18e long métrage puise ses idées dans un thème que j'ai toujours apprécié dans la franchise : l'inspiration mythologique. D'autant que ce long métrage est à ce jour le premier à créer une connexion précise et indiscutable avec les religions réelles.
Dans les versions originales, il a toujours été question de divinités Pokémon. Un aspect qui avait été considérablement dénaturé, voire totalement supprimé des versions occidentales dans les longs métrages. Malgré tout, ces divinités étaient toujours restés à l'état de mythes. Il n'existait jusqu'ici jamais de religion à proprement parler dans l'univers Pokémon, à l'exception peut-être de Arceus et le joyau de vie qui la proposait de manière allégorique. Pour Hoopa et le choc des légendes, la religion entre une divinité et l'humanité y est pour la toute première fois parfaitement explicite. Et afin de n'offusquer personne, les scénaristes vont ainsi aller puiser dans un personnage commun à plusieurs religions, Sulayman, plus communément appelé Salomon en occident. Un choix en rien anodin puisqu'il est présent dans le Coran, ainsi que dans les légendes arabes dont ce long métrage puise la quasi-intégralité de ces inspirations. Sans que cela soit ouvertement précisé, Ghris bénéficie, tout comme Salomon, de la sagesse et d'un pouvoir sur certaines créatures magiques, telles que les diablotins et surtout les Djinns, à l'aide d'un anneau magique que lui aurait transmis Dieu. Les Djinns peuvent être des êtres bénéfiques comme diaboliques. Dans le cas des seconds, Salomon aurait ainsi été capable de les emprisonner grâce à un sceau qu'il aurait possédé - C'est de ce mythe biblique qu'est notamment tiré un célèbre conte où un génie est enfermé dans un bouteille magique ! - , ce que fait précisément Ghris contre Hoopa au début du film.
Au delà de son scénario, dont je parlerai un peu plus loin, Hoopa et le choc des légendes puise aussi son ambiance, ses couleurs, son visuel et même sa musique des Émirats Arabes Unis. Plus particulièrement de la ville Dubaï dont on aperçoit d'ailleurs une réplique du Burj Khalifa, le plus haut immeuble du monde à l'heure actuelle. Dubaï, capitale de l'émirat du même nom, est aujourd'hui la ville la plus peuplée du golfe persique. Ville très modeste à sa fondation, elle a connu une fulgurante ascension en un laps de temps très court, particulièrement aujourd'hui où la politique du tourisme de luxe l'a considérablement popularisée, devenant désormais une destination indispensable pour certains vacanciers si tant est qu'ils apprécient le climat aride et subtropical. Dans Hoopa et le choc des légendes, Desert City connaît sa considérable métamorphose grâce aux dons magiques de Hoopa qui va complètement transformer le paysage urbain de l'ancien village de pêcheurs. On trouve là, plus ou moins, une gentille satire sur la réalité historique de l'expansion constante de Dubaï, dont le financement majoritaire dépend très largement d'un très fort endettement. Hormis cet emprunt évident, Hoopa et le choc des légendes puise ensuite surtout son aspect et sa musique à la tradition populaire, plus qu'à la réalité. On ne s'étonnera donc pas vraiment de découvrir une ambiance orientale plutôt orientée clichés, mais au final assez peu critiquable puisqu'il s'agit d'un évident compromis afin de s'insérer naturellement à l'univers Pokémon.
Concernant le scénario, Hoopa et le choc des légendes propose du très convenu. Celui-ci se résume à une seule phrase : la force maléfique de Hoopa a été libérée, Sacha doit faire en sorte de l'occuper suffisamment longtemps pour que Mary et Barza puisse l'emprisonner à nouveau. Pour justifier les une heure et vingt minutes du métrage, Hoopa et le choc des légendes passe donc le plus clair de son temps à meubler de façon spectaculaire entre les quelques petits bouts de scènes importantes au récit. Au menu, une orgie incroyable de pokémons légendaires s'affrontant sans réelle logique, ni véritable crédibilité en vue de l'improbable rapport de forces qui est de l'ordre de quatre contre un (douze contre quatre pour être précis). Du pur fan-service, véritable fantasme vidéoludique des fans de Pokémon Rubis Omega et Pokémon Saphir Alpha, puisque le long métrage propose rien de moins que la transposition d'une longue quête présente dans le jeu une fois celui-ci terminé une première fois. A savoir la longue quête de capture des légendaires, qui apparaissent de manière aléatoire lorsque l'on chevauche la méga-évolution de Latias ou de Latios. Seule la présence du Mega-Rayquaza Chromatique resta un véritable mystère inexpliqué (Qui est-il ? D'où vient-il ?), puisqu'il n'était jusque là jamais apparu sous son aspect noir dans l'univers Pokémon ! L'autre gros défaut du scénario réside dans le traitement de la dualité de Hoopa, qui rappelle bien trop l'emprisonnement de Victini, et sa libération grâce à la magie apaisante de Mary et Barza, comme le faisait autrefois Sheena et Damos avec Arceus. J'accorderai cependant un bon point à l'inattendu twist final, qui relance habilement l'intrigue alors qu'on la croit conclue, même s'il relève surtout d'un bon gros deus ex machina.
Concernant l'utilisation des personnages, reconnaissons que pour une fois chacun d'entre eux est utilisé de manière équilibré par rapport aux autres. Bien que héros principal de la franchise depuis sa première apparition, Sacha n'est ici pas du tout un personnage de premier plan, il laisse principalement la place à la version enchaînée de Hoopa. Jamais Sacha ne tire la couverture à lui, ce qui est une très bonne chose. Au contraire, il fait même preuve de réflexion et de stratégie face à la horde de pokémons adversaires, il n'a pas non plus la mémoire défaillante puisqu'il reconnaît les pokémons qu'ils avaient précédemment rencontrés, ce qui ne lui arrivait plus du tout dans le cycle Noir et Blanc. Lem, sa soeur Clem et Serena sont par contre mis en retrait dans l'intrigue. Hormis leur traditionnelle apparition dans leurs registres classiques (Lem l'inventeur un peu toqué, Clem l'amie des pokémons, Serena et son incertitude face à l'inconnu), ils ne sont exploités que pour être des appuis à Mary et Barza. Au contraire, ces deux derniers sont volontairement mis en avant dès le début de l'intrigue, afin de garantir une empathie entre le spectateur et le destin de Hoopa. On voit donc défiler les points clés de leur vie commune qui ont ensuite une importance certaine à la fin du récit. Évoquons enfin la succulente Team Roquet. D'ordinaire, le trio un peu débile est très mal exploité dans les longs métrages. Tantôt ils sont là dans l'ombre sans relation directe avec l'intrigue (films 5, 7 et 12), tantôt ils font les pitres (presque tous les autres), ils n'avaient eu leur rôle de premier plan que dans Le pouvoir est en toi en 1999. Pour Hoopa et le choc des légendes, reconnaissons que Jessy, James et Miaouss sont plus valorisés que d'ordinaire, puisqu'ils sont la cause des terribles évènements de Desert City. Fidèles à leurs habitudes, ils passeront ensuite le reste du temps à trouver la meilleure échappatoire à leur bêtise permanente.
Venons-en à présent à ce qui fâche. Alors que l'on croyait l'exercice oublié et enterré du temps de 4Kids !, Diancie et le cocon de l'annihilation aurait du pourtant nous mettre la puce à l'oreille. Car Pokémon USA se permet une fois encore de trahir le matériel original afin d'occidentaliser au maximum Hoopa et le choc des légendes. Je passerai gentiment sur les vingt minutes allègrement tranchées pour la diffusion sur Teletoon le 14 novembre dernier, puisqu'il s'agit d'une pratique courante de la chaîne américaine afin de pouvoir caser trente minutes de publicités sur une heure et demi de diffusion, et ceci même si ces coupures drastiques ont des conséquences fâcheuses sur l'intégrité du récit. Je retiens particulièrement la longue scène où Mary et Barza préparent une potion pour guérir la fièvre de Hoopa lorsqu'ils étaient enfants. C'est regrettable tant cette scène est primordiale à la compression de l'attachement entre ces trois personnages. Non, ce qui m'hérisse particulièrement les poils dans cette moribonde adaptation occidentale, c'est son ignoble partition musicale. Sans imagination, pratiquement toujours synthétique, la bande originale occidentale est ainsi à mille et un lieu de l'excellente version symphonique japonaise. Toutes les scènes les plus importances du récit sont ainsi réduites à néant, aussi bien dans leur intensité que dans leur aspect émotionnel sur la version occidentale. Un vrai désastre auditif qu'on n'avait plus connu sur Pokémon depuis le premier film il y a 18 ans ! Je m'attends désormais au pire pour le prochain film. Bref, déjà que le long métrage est à la base assez peu mémorable en soit, la version occidentale ne fait qu'accentuer un peu plus son côté invraisemblable au détriment de tout le reste.
Au final, dans sa version occidentale, Hoopa et le choc des légendes ne peut convenir qu'au très jeune public qui se contentera de peu et se satisfera de voir l'affrontement à l'écran de dizaines de pokémons légendaires qu'il a probablement dans son équipe sur Nintendo 3DS. Par contre, cette version occidentalisée de Hoopa et le choc des légendes ne conviendra jamais aux véritables fans de la franchise. Me voici donc à nouveau contraint de renouer avec une habitude que je croyais oubliée depuis Les héros, c'est à dire de recommander aux spectateurs de ne découvrir Hoopa et le choc des légendes que dans sa version inaltérée japonaise. La seule et unique version potable de ce film d'animation avant tout passable plutôt que mémorable selon les standards actuels de la franchise.
Olivier J.H. Kosinski - 08 janvier 2016
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Doublage (France - 2016)
Sacha : Aurélien Ringelheim
Séréna : Sophie Frison
Lem : Thibaut Delmotte
Clem : Elsa Poisot
Jessy : Catherine Conet
James : David Manet
Miaouss : Philippe Tasquin
Pikachu : Ikue Ohtani
Nizar : Fabian Finkels
Meriem : Marie Du Bled
Ghris : Erwin Grunspan
Hoopa enchaîné : Emilie Guillaume
Hoopa déchaîné : Claudio Dos Santo
Voix additionnelles :
- Julie Basezq
- Fabienne Loriaux
- Delphine Chauvier
- Frédéric Clou
- Jean-Marc Delhausse
- Gregory Praet