Roadside Romeo est le tout premier long métrage d'animation réalisé en coproduction entre les studios Disney et Yash Raj Films. Le film est totalement inédit sur tous les territoires francophones, mais il est disponible en DVD aux Etats-Unis depuis le 9 mai 2009 en version originale sous-titrée anglais exclusivement.
Sans que cela soit volontaire (a priori), l'univers canin sur fond de gangsters rappelle fortement l'ambiance du long métrage Charlie, mon héros réalisé par Don Bluth.
Romeo vivait des jours heureux, jusqu'à ce que sa richissime famille l'abandonne en déménageant. Se retrouvant soudain livré à lui-même, il tente de survivre au jour le jour. Sa rencontre avec une bande de chiens des rues, puis avec la ravissante mais inaccessible Laila, va pourtant tout changer. Tombant fou amoureux d'elle, il va tenter de la séduire. Malheureusement, la belle est déjà convoitée par Charlie-Anna, le chef de la pègre locale...
Malgré tout le bien que l'on pourra dire de la compagnie Disney, cela reste avant tout une entreprise comme tant d'autres, certes de divertissement, mais une entreprise quand même. Elle cherche donc naturellement à faire du profit. Lorsqu'elle se sent en danger parce qu'elle subit une trop forte concurrence, elle choisit de sortir son carnet de chèque plutôt que d'attaquer comme le ferait une bête blessée. La méthode douce en somme, que Disney a toujours pratiqué tant les exemples sont innombrables ! On pense tout de suite à Pixar racheté en 2006 alors que les Walt Disney Animation Studios étaient incapables à cette époque de produire des films 3D convenables, à Marvel en 2009 et à LucasFilm en 2012 parce que la compagnie n'avait aucune franchise pérenne et universelle à l'attention des jeunes garçons (il n'y avait pas de véritable alternative masculine à Disney Princesses). Quand le rachat n'est pas possible, Disney choisit la voie de contournement, celle de l'investissement, du partenariat ou du financement. C'est là qu'on retrouve principalement Miramax, détenu à hauteur de 50 % en 1992, tout comme la signature historique entre Ghibli et Disney en 1996, dont l'insolence du studio d'animation japonais mettait systématiquement une raclée au box office aux films réalisés par Disney. Roadside Romeo s'inscrit dans cette même logique en devenant le premier du genre en Inde. La marque Disney étant incapable de s'imposer par elle-même là-bas, les dirigeants du groupe décident donc d'investir dans le marché local en s'associant avec le studio indien Yash Raj Films. Va donc naître un long métrage d'animation 3D 100 % calibré pour le public local qui va faire un excellent score au box office ! La méthode douce, ça rapporte !!
Du coup, le film étant délibérément conçu pour le public local, pour les spectateurs occidentaux que nous sommes Roadside Romeo fait l'effet d'un choc suivi d'une expression au visage qui signifierait littéralement « mais qu'est-ce que c'est donc que cette chose là ? » ! Ce n'est pas la seule expression polie qui va nous traverser l'esprit. Au bout d'un temps relativement bref (dès les 2 premières minutes en réalité), voir le célèbre château et le logo Disney associé à ce long métrage nous remémore immédiatement, et avec horreur, la plus sombre période des longs métrages d'animation produits pour la vidéo. Mais en pire, si cela pouvait encore être possible... Bref, je vous le dis tout de go, la technique n'est absolument pas, mais alors vraiment pas du tout, le point fort de ce film indien ! Pour vous donner une vague idée du rendu, imaginez-vous les premières vidéos en 3D numérique accompagnant les jeux-vidéos autour de la fin des années 1990. Vous avez une image précise en tête ? OK, dites-vous que cette image représente les décors du long métrage. Bien, rajoutez-y à présent des personnages modélisés façon Bill, l'extraterrestre virtuel échappé de l'émission Le Bigdil animé par Vincent Lagaf' en 1998. Vous avez une petite idée effrayante en tête ? Parfait, maintenant rajoutez les derniers éléments à l'ensemble : imaginez que la modélisation de ces personnages change d'une scène à l'autre, que l'animation est d'une raideur ignoble et que le film multiplie en plus les plans de caméras les plus invraissemblables. Excellent, vous venez d'avoir un haut le coeur ! Vous savez l'impression que donne à peu près Roadside Romeo !!
Paradoxalement, alors que visuellement Roadside Romeo est un vrai miasme de pixels, le long métrage contrebalance cet énorme défaut par son indéniable excellente bande originale. Elle n'a pourtant aucune hétérogénéité. Malgré tout, la totalité des chansons du film offrent d'incontournables numéros musicaux qui réussissent en plus à être parfaitement intégrés au récit. Celui-ci fait pourtant dans la banalité la plus absolue : deux hommes, une femme, problème ! Pour étoffer un peu plus, l'un des deux hommes, Roméo, est un chien des rues sans le sou mais ambitieux, et l'autre, Charlie-Anna, le chef de la pègre locale. On ne peut vraiment pas faire aussi peu subtil. Le clochard va prendre des chemins de traverses afin d'être reconnu par ses pairs, de magouilles en magouilles de préférence afin d'impressionner la fille, jusqu'à être adoubé par le caïd. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !! Bien entendu, la belle va le remettre à sa place tout en tombant forcément amoureuse de son côté non conformiste. Bref du très classique. Étrangement, cela fonctionne car, contre toute attente, certains personnages finissent par se révéler attachant. C'est incroyable, mais c'est vrai. Roadside Romeo offre même quelques scènes de drôlerie inattendues et franchement délicieuses à découvrir. On notera au passage que le doublage original, plutôt que d'être purement en version anglaise, mélange harmonieusement dialogues anglais et dialectes hindis.
En résumé, reconnaissons que Roadside Romeo n'est pas né sous les meilleures hospices. Il n'est qu'un film de commande simplement destiné à enfin faire percer Disney dans un territoire émergent qui lui était jusque là hermétique. On comprend donc assez vite que la production de ce long métrage a été expédiée sans ménagement et sous la contrainte avec une main d'oeuvre bon marché (comme l'atteste ouvertement la dédicace qui clôture le film), mais à contrario, on sent qu'avec le peu de moyens qu'il disposait, le studio a mis son coeur à l'ouvrage afin de contrebalancer son défaut majeur par une bande originale agréable et des personnages attachants. C'est là où réside tout le paradoxe de Roadside Romeo, le mauvais film sympathique.
Olivier J.H. Kosinski - 31 juillet 2015
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