Basket Spatial sort en salle le 15 novembre 1996 au Québec, puis quelques semaines plus tard, le 05 février 1997 en France sous son titre original Space Jam. C'est la même version française proposée dans les deux cas. A ce jour, il est toujours le plus gros succès commercial américain d'un long métrage mettant en avant le basket-ball.
Luther J. Chairman est à la poursuite d'un diamant bleu légendaire capable de transformer l'humanité entière en primates aisément contrôlables. Sur ses traces, le tout aussi légendaire Damian Drake fait son possible pour lui barrer la route. Lorsqu'il échoue dans sa mission, c'est son fils DJ qui doit reprendre le flambeau, épaulé par Kate, Bugs Bunny et Daffy Duck ! Ils se lancent ensemble dans une folle chasse au trésor autour du monde, pour arrêter l'infâme président de la société ACME dans sa quête de domination mondiale...
Indubitablement, je n'ai jamais apprécié Space Jam, quelle que soit l'époque et quelle que soit les conditions. Revoir le long métrage en haute définition et son spatialisé, pour les besoins de son analyse, ne m'a pas du tout réconcilié avec lui, bien au contraire, cela n'a fait qu'accentuer davantage les innombrables défauts que compte le film. Cela commence d'ailleurs par son genre, totalement inqualifiable voire même totalement inclassable. S'agit-il d'un film d'animation ? Non, l'histoire ne concerne pas vraiment les Looney Tunes. S'agit-il d'une comédie ? L'humour y est tellement lourdingue que cela frôle la mauvaise parodie. S'agit-il d'un film biographique ? Même romancée, l'histoire plus ou moins inspirée de la vie de Michael Jordan est niaise au possible. S'agit-il d'un film à la gloire des Looney Tunes ? Non, cent fois non ! S'agit-il d'un film pour enfant ? Ce serait honteux de leur faire voir ça tant tout est inconsistant et sans l'once d'une étincelle qui faisait briller les cartoons originaux. Space Jam, c'est un corps sans âme qui a pourtant rencontré un succès fulgurant en salle, notamment aux Etats-Unis, le public américain s'étant rué en masse pour y voir leur vedette nationale Michael Jordan dans son premier, et unique, rôle de composition. Un succès incompréhensible au vu des critiques mitigées, voire négatives, que se prend dans la face Space Jam dans la presse de son époque ! Mais revenons aux bases du long métrage.
Space Jam est né de l'envie de Warner d'offrir enfin un tout premier long métrage à ses célèbres Looney Tunes. Née sur le grand écran au tout début des années 1930, la célèbre compagnie d'animaux anthropomorphes dégénérés fut inventée afin de concurrencer les Silly Symphonies de Disney. Pourtant, il n'est jamais venu à l'idée de quiconque de produire un long métrage d'animation les mettant tous en scène. Ironiquement, il faut attendre la mise en chantier de Qui veut la peau de Roger Rabbit en 1988, réalisé par Disney via sa filiale Touchstone, pour que les Looney Tunes fassent enfin leurs premiers pas dans un premier grand film au cinéma. Si le succès du film est indéniable, les personnages de Warner restent cependant attachés à un contrat de droits d'apparition dans un film produit par un concurrent. Alors qu'une hypothétique suite est mainte fois amenée sur la table, devenant une véritable arlésienne aujourd'hui encore, Warner souhaite se lancer à son tour dans une aventure identique mais en gardant absolument tout le contrôle sur ses propres personnages.
L'idée commence en réalité à germer dès 1992, lors d'une campagne publicitaire pour Nike dans laquelle Michael Jordan et Bugs Bunny se réunissent pour la première fois afin de contrer Marvin le Martien (Voir ici) grace à leurs supers chaussures. A cette occasion, Michael Jordan rencontre Joe Pytka, futur réalisateur du long métrage, avec lequel il collabore à nouveau dès 1993 dans une seconde publicité pour la même marque (Voir là), où le nom du sportif est définitivement associé comme marque de modèle de la nouvelle collection de chaussures de sport grace à un juteux contrat qui existe encore aujourd'hui, et dans lequel est suggéré le même semblant d'intrigue qui sera reprise ensuite dans Space Jam, à savoir que le monde des Looney Tunes se situe en dessous de celui des humains. Contre tout attente, l'idée originale de Space Jam revient à l'agent de Michael Jordan, David Falk, qui contacte Warner dans l'idée de produire un long métrage qui ferait suite à ses deux publicités particulièrement populaires, et lucratives, aux Etats-Unis.
Alors que personne, même pas par le principal intéressé, hormis David Falk, ne croit à la concrétisation d'un tel projet, d'autant plus que Michael Jordan est à ce moment là une star sur le déclin tentant de se reconvertir dans le Baseball, le studio Warner se laisse pourtant convaincre. Le tournage commence en 1995, en même tant que le retour de la star à ses prédilections premières, et vont durer huit semaines en tout. Dans l'intervalle, Warner bichonne sa vedette en lui construisant notamment une salle de sport et un terrain de basket rien que pour lui, sur ses exigences qui plus est, le "Jordan Dome", afin que celui-ci puisse s'entraîner quotidiennement en parallèle du tournage de Space Jam. Michael Jordan n'apprécie cependant pas vraiment l'expérience, car la majorité de ses scènes sont en réalité tournée en solitaire devant une multitude d'écrans verts. C'est d'ailleurs à ce niveau que Space Jam se démarque considérablement de Qui veut la peau de Roger Rabbit.
Le film de Disney s'est efforcé de faire venir les toons dans le monde réel, impliquant des processus et des effets spéciaux extrêmement élaborés pour rendre les interactions parfaitement crédibles, encore aujourd'hui le réalisme de ces scènes reste criant. Dans le meilleur des cas, Space Jam n'utilise pratiquement que des incrustations, la star du basket étant juste ajoutée au milieu de scènes animés, sans réelle interaction entre les deux. L'avènement de la 3D étant passé par là, même la plupart des décors sont dans la majorité des cas entièrement factices. Avec le temps, le rendu global du long métrage, déjà à la traîne en son temps, accuse une vétusté manifeste que Qui veut la peau de Roger Rabbit n'a pourtant jamais eu. Dans Space Jam, on ne s'étonne même plus de voir un immense stade numérique remplit de clones de personnages en 2D tout plat, car oui, Warner n'a même pas eu l'idée de donner du volume à ses personnages d'arrières plans, qui ressemblent donc, au mieux, à de bêtes pancartes dont la face avant est animée.
Le découpage de Space Jam mêle donc plusieurs styles différents, quelques scènes sont tournées avec des décors réels dans lesquels quelques personnages animés apparaissent, beaucoup de scènes sont entièrement animées en 2D où seul Michael Jordan est incrusté et enfin, le film propose une sorte de mélange disgracieux 2D/3D/Acteurs réels dans la grande majorité du métrage. A l'exception des scènes en 2D, encore portables à regarder aujourd'hui, les séquences Live semblent ringardes car elles sentent fortement les années 1990, tandis que le reste du film et ses effets spéciaux forment une superbe bouillasse infâme.
Space Jam compte aussi à son actif un fabuleux lot de casseroles parmi ses protagonistes. Du côté des humains, la seule chose que l'on retient de la performance de Michael Jordan, c'est qu'il aurait mieux fait de ne jamais quitter les terrains de sports, n'ayant de toute façon jamais joué un seul rôle qui n'était pas de se jouer lui-même de toute sa carrière "d'acteur". Wayne Knight, tout droit échappé de Jurassic Park, est une caricature bedonnante de lui-même, dans un rôle de faire-valoir idiot et inutile. Sa version numérique rondouillarde, qui apparait à un moment donnée, est même indigeste. Je me demande encore ce qu'est venu faire Bill Murray dans cette galère, d'autant que Swackhammer le confond avec Dan Aykroyd (en VF comme en VO), son comparse de SOS Fantôme. Ici s'arrête d'ailleurs les têtes d'affiche du film, le reste des comédiens n'étant soit que de purs figurants, soit d'illustres joueurs désormais inconnus de la NBA, pour la génération d'aujourd'hui du moins, qui ne savent en plus pas jouer la comédie.
Du côté les Looney Tunes, le constat est un peu plus heureux puisqu'on retrouve absolument tous les personnages animés emblématiques en premier rôle, et d'innombrables caméos de nombreux personnages inoubliables (même si l'on remarque un peu trop régulièrement l'affreuse duplication façon copier/coller d'un même personnage sur un même plan afin de simuler une foule) dissimulés dans tous les recoins de l'écran. Sans déplaisir, il est vrai qu'il est particulièrement appréciable de retrouver sur un même écran Bugs Bunny, Daffy Duck, Mémé, Titi, Sylvestre, Pépé le putois, Charlie le coq, Elmer, Porky Pig, Marvin le Martien, Taz ou encore Sam le Pirate dans des rôles sur mesure qui leurs conviennent à peu près.
A ceux-là s'ajoute l'introduction d'un tout nouveau personnage dans l'univers des Looney Tunes, Lola Bunny, la version féminine de Bugs qui n'est, pour une fois, pas une blonde crétine même si elle reste, au final, quand même une "princesse à sauver" (Bugs s'interpose, l'embrasse, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants... oups pardon, la dernière partie n'a pas eu lieu...). Sa création, comme son apparition dans le film, résulte d'un choix purement commercial afin d'offrir un personnage féminin à l'écran et instaurer un semblant d'intrigue amoureuse, dans un scénario qui ne fait intervenir que des personnages masculins. C'est d'ailleurs peut-être là le seul gros fait d'arme de Space Jam, Lola Bunny ayant réussi à s'émanciper du film depuis lors, tout en étant devenue une figure importante des Looney Tunes dans leur version moderne.
Du côté des antagonistes par contre, le constat est sans appel, les sortes de vers mutants extra-terrestres sont tout bonnement ridicules, dans leurs protos-formes aliens minuscules comme dans leurs métamorphoses bodybuildées championnes de basket. D'un bout à l'autre du film, ces aliens sont des idiots écervelés dont on ne croit pas un seule seconde sur leur dangerosité. En même temps, l'intrigue elle-même de Space Jam est complètement crétine. Le destin d'esclavage des Looney Tunes est en effet lié au résultat d'un match de baseball truqué, avec comme unique chance d'être sauvé que par le héros Michael Jordan. Dans les grandes lignes, Space Jam contredit donc intégralement la mythologie des Looney Tunes qui ont toujours, par l'intermédiaire d'esbroufes et d'escroqueries, réussit à se dépatouiller de situations délicates par eux-mêmes dans leurs nombreux courts métrages.
A moins d'être au courant avant de voir le film, on ne reconnait jamais non plus Danny DeVito caché derrière le méchant Swackhammer. Encore plus en version française où le choix vocal se porte sur Daniel Beretta, excellente voix au demeurant, mais très éloignée de la personnalité du grand petit bonhomme qu'est DeVito. Pour le reste, Space Jam tente de mettre le basket-ball à l'honneur dans la plupart de ses scènes, en tentant, sans y parvenir une seule fois, de les rendre drôles ou palpitantes. On est surtout très heureux que le supplice s'arrête lorsque surgit enfin le générique de fin.
Pour ce qui concerne la bande originale, reconnaissons qu'on a entendu mieux de la part de James Newton Howard, bon sang, c'est lui qui est derrière Dinosaure et Atlantide, l'empire perdu quand même !! Là, le compositeur nous offre un style musical affreusement puéril, accentuant la mauvaise impression que laisse Space Jam dans son sillage, si tant est que sa musique n'est pas totalement noyée par le brouhaha de l'action ou des dialogues. Peu à peu, on se rend donc compte que la bande originale est très clairsemée, voire absente, durant une grande partie du film. Les seuls sons qui restent en mémoire ne sont simplement pas du fait de James Newton Howard, puisqu'il s'agit simplement de reprises orchestrées des grandes thèmes musicaux des Looney Tunes. Pas de quoi sauter au plafond donc. Ça et là, le reste de la bande originale est complétée par de nombreuses chansons Pop ou RnB, dont le désormais très dérangeant "I Believe I Can Fly", titre mémorable en son temps et spécialement écrit pour le film, entaché depuis par les scandales sexuels de R. Kelly.
Pour ce qui concerne la version française, bien qu'elle soit moins gênante aujourd'hui pour les nouveaux spectateurs nés après la sortie du film, Space Jam a été la première grande occasion de Warner France de dévoiler les nouvelles voix des personnages, faisant suite à une grande campagne de redoublage de l'intégralité de ses courts métrages, ainsi que ceux de Hanna-Barbera, fortement dénoncée et critiquée au milieu des années 1990. A l'époque, ces nouvelles voix avaient causées le même grand désarroi chez les fans que ceux causés par les redoublages Disney, sans que Warner France n'est jamais justifié son choix. Tout juste peut-on spéculer quelques explications, dont les raisons sont vraisemblablement identiques aux choix adoptés par Disney France pour ses oeuvres.
Plus de vingt ans après sa sortie en salle, Space Jam reste incontestablement un énorme acte manqué. Entre son intrigue invraisemblable, son premier degré risible, son animation 3D effroyable, ses interactions entre l'univers réel et celui des toons quasiment inexistantes, sa tête d'affiche désormais inconnue des nouvelles générations (qui n'aura jamais marqué le cinéma de toute façon puisque c'est un unique "vrai" rôle) et, surtout, le fait d'avoir relégué les Looney Tunes à de la figuration rend l'ensemble de l'oeuvre complètement caduque.
Mauvais film sympathique pour certains, effroyable navet pour d'autres, qu'on se le dise, Space Jam échoue sur tous les tableaux. Il ne reste populaire que dans la mémoire des jeunes enfants qui l'appréciaient autrefois et ont grandi depuis, lui accordant sans nul doute une affection purement nostalgique, si ne n'est plutôt de la compassion, brimant probablement volontairement leur esprit critique devant un si mauvais film qui n'est conçu ni à la gloire des Looney Tunes, trahis par leur propre studio, ni à celle du basket-ball, discipline sportive complètement ridiculisée ici. Space Jam est juste un film raté, qui plus est remplit de placements de produits transformant l'expérience en monstrueuse publicité géante, mais sans l'audace légendaire ni le second degré caractéristique des Looney Tunes. Bref, à oublier.
Olivier J.H. Kosinski - 21 juin 2019
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Doublage (France - 1996)
Michael Jordan : Thierry Desroses
Bugs Bunny : Gérard Surugue
Daffy Duck : Patrick Guillemin
Stan Podolak : Marc Alfos
Swackhammer : Daniel Beretta
Porky Pig : Michel Mella
Nawt : Michel Mella
Sylvestre : Patrick Préjean
Sam le Pirate : Patrick Préjean
Titi : Patricia Legrand
Lola Bunny : Odile Schmitt
Bill Murray : Richard Darbois
Juanita Jordan : Marie-Christine Darah
James Jordan : Med Hondo
Larry Bird : Emmanuel Jacomy
Mémé : Barbara Tissier
Elmer Fudd : Albert Augier
Charlie le Coq : Benoît Allemane
Marvin le Martien : Jean-Loup Horwitz
Pépé le Putois : François Carreras
Commentateur sportif : Benoît Allemane
Charles Barkley : Bruno Dubernat
Hubie : Guillaume Orsat
Larry Johnson : Jacques Martial
Bang : Régine Teyssot
Pound : Marie-Charlotte Leclaire
Blanko : Marie-Charlotte Leclaire
Bupkus : Sophie Arthuys
Nawt : Joëlle Guigui
Pound : Saïd Amadis
Bang : Michel Barbey
Le receveur de baseball : Jean-Jacques Nervest
Un journaliste : Guy Chapelier
Un journaliste : Bruno Choël
La voyante : Liliane Gaudet
La voix-off du documentaire : Robert Darmel
Le coach des Lakers : Serge Blumental
Sources :
Planète Jeunesse