Initialement initulé Tarzoon, la honte de la jungle lors de sa sortie en salle en France le 4 septembre 1975, le long métrage a été rebaptisé La honte de la jungle, par l'inermédiaire d'un communiqué de presse en 1978, pour faire suite au procès des héritiers de Edgar Rice Burroughs qui ne souhaitaient pas voir associé le célèbre homme-singe Tarzan à ce film.
Bien qu'il connu un certain succès en salle, La honte de la jungle a fait l'objet de controverses, particulièrement aux Etats-Unis où le film, proposé en version censurée, devint le tout premier long métrage d'animation classé X. Côté français, le film n'a pas subi les foudres de la censure mais a été interdit aux moins de 13 ans.
Dans sa caravane perchée dans les arbres, Shame coule des jours heureux en compagnie de June sa femme, et Flicka, son singe. Un brave garçon dont il n'y a rien à dire. Mais, non loin de là, vit la reine Bazonga, protégée dans son royaume souterrain par une armée de créatures phalliques, les Zombits. Prête à conquérir le monde, elle n'a qu'un souci : sa calvitie. Seule une greffe pourrait la sauver et, justement, June a les cheveux qu'il lui faudrait...
La sexualité, bien qu'elle soit omniprésente dans la vie quotidienne, est un sujet tabou qui fâche tout un chacun à divers degrés, encore plus lorsqu'elle est traitée sous forme d'animation, à l'exception peut-être des documentaires éducatifs. Pour autant, l'animation et la sexualité ont toujours vécus côte à côte au fil des décennies. Ce qui pose en réalité le plus problème, c'est que l'animation est souvent considéré, à tort et à raison, comme une forme d'art réservée aux enfants. Dès que l'on sort de la zone de confort éducative, toute production animée mettant en avant la sexualité est régulièrement classé X à travers le monde. De nos jours, et depuis que l'animation existe, les bonnes moeurs ont finalement assez peu évoluées. La sexualisation des personnages ne s'est donc pas vraiment accentuées pour ne pas franchir une certaine ligne rouge, à l'exception notable des personnages féminins qui sont passés de la simple potiche (Blanche-Neige) à la vamp hyper-sexualisé (Jessica Rabbit, même si ce n'est pas sa faute comme elle le dit si bien) sans de véritable nuance entre les deux : c'est d'un extrême à l'autre ou bien, pour faire au plus simple, un personnage féminin asexué qui est proposé.
Plus étonnant encore, l'anatomie masculine est actuellement quasiment inexistante sur les personnages masculins en animation. On n'échappe bien entendu jamais à tous les clichés prétextant une virilité du personnage masculin (pilosité, musculature, voix caverneuse...), sauf pour les parties anatomiques propres au genre masculin qui y sont systématiquement oubliées. Je n'avais pas vu ce phénomène avant qu'on me fasse récemment une remarque anodine autour du personnage de Hans dans La Reine des neiges. "Avec son costume aussi serré près du corps, je me demande où il les cache", m'a-t-on lancé. "Hein, quoi ?" me suis-je entendu répondre avant qu'on ne m'explique cette chose évidente, difficilement dissimulable, qui pourtant n'étaient effectivement pas présente à l'écran. Et là lui d'enchaîner "Tu n'avais jamais remarqué ? Pourtant c'est difficile à cacher dans la réalité. Aucune chance de ressembler à Peter Pan si tu enfiles des collants comme lui". Sur l'instant j'ai ri. Puis, cette idée insidieuse a commencé à germer, au point de me décider à enquêter et de réaliser qu'il avait raison. Dans le monde de l'animation, tout comme dans l'industrie du jeu-vidéo, les personnages masculins sont tous, sans exception aucune, de parfaits eunuques. Cinquante ans plus tard, la révolution sexuelle n'aura donc rien changé.
La révolution sexuelle parlons-en justement puisqu'elle est à l'origine de la création du long métrage qui nous intéresse aujourd'hui et qui est l'un des rares à dépasser la ligne rouge : La honte de la jungle. Entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, la France s'affranchit des contraintes liées à une forme de sexualité interdite, cachée et conspuée. C'est également durant cette même période qu'est redéfinie la pornographie. Avant cette période, toute production quelque peu sensuelle, voire explicitement érotique était obligatoirement réservée aux adultes. Durant les années 1970, de nombreux artistes vont s'engouffrer dans la mouvance de cette époque, offrant des films quelques peu débridés, parfois même tout public. La honte de la jungle est de ceux-là, même si avec le recul, le long métrage restera toujours considéré comme exclusivement réservé aux adultes alors qu'il rencontra un certain succès en son temps. Car il faut admettre que les réalisateurs Picha et Boris Szulzinger vont extrêmement loin dans la métaphore. La honte de la jungle enchaînant sans cesse des scènes fortement explicites, dont certaines sont là par pure gratuité sans cohérence aucune avec le déroulement du récit. Shame n'est rien de plus qu'un animal à peine plus évolué que la moyenne. Il n'a aucune réelle compétence dans aucun domaine particulier, y compris pour satisfaire sa femme June qui l'humilie constamment, lui préférant son singe Flicka.
Frustrée une nouvelle fois, June chasse Shame hors de chez eux. C'est à ce moment que la Reine Bazonga décide de la kidnapper, par l'intermédiaire de son armée ithyphalle, dans l'espoir de lui voler ses cheveux ! Ainsi s'achève le pitch de départ de l'intrigue de La honte de la jungle, qui se démène ensuite à faire tout et n'importe quoi, au point d'en oublier complètement son objectif initial. Le long métrage se contente principalement de dépeindre, de façon plus ou moins imagée, différentes activités sexuelles. Sauf que la plupart des métaphores s'égarent toutes dans l'excès, à l'image du kidnapping de June qui se déroule pendant les deux tiers du film et dont les cris du personnage sont à l'extrême opposé de ce qu'on considère comme un cri de détresse... Pire, La honte de la jungle enchaîne les fausses bonnes idées. Là où l'on pourrait y lire une dénonciation de l'esclavage, le film semble jouer de racisme le plus vil. Quand il tente de dénoncer le capitalisme, le film propose de la violence morbide. Bref, La honte de la jungle propose une atmosphère des plus pesantes du début à la fin.
La honte de la jungle accuse également très douloureusement le poids des années. L'animation est très mauvaise, largement en deçà d'un Astérix le Gaulois déjà peu folichon, pourtant produit huit ans plus tôt en Belgique également. Non seulement l'animation du film laisse affreusement à désirer, mais le découpage des scènes est d'une telle lourdeur que l'on s'ennuie fermement d'un bout à l'autre de chacune d'entre elles. La plupart des gags ayant peu de cohérence entre eux, les rares moments drôles du film perdent tout intérêt en étant bêtement répété plusieurs fois. Du côté de la bande originale, là encore, ce n'est guère agréable. La honte de la jungle comporte ainsi trois styles sonores. Le premier, c'est l'absence totale de fond musical dans la majorité des scènes. C'est peut-être bien les moins mauvaises du film. Le second, ce sont quelques airs populaires de musiques classiques, détournées de façon parodiques mais sans l'once du génie d'un bon cartoon Warner. Le troisième enfin ajoute des chansons originales dans un style Soul et Rock atypiques qui ne cassent pas trois pattes à un canard et se révèlent d'un goût douteux à l'image quand on les entend. Sans être un vrai supplice, cela ne s'avère donc jamais drôle.
Aujourd'hui, la réputation sulfureuse de La honte de la jungle est-elle toujours justifié et justifiable ? Oui et non, car le long métrage est résolument plus proche du gros navet que du bon nanar. S'il n'y avait pas ces innombrables scènes graveleuses, à l'intérêt artistique et comique franchement limité, il y a de très fortes chances que tout le monde aurait depuis longtemps oublié La honte de la jungle. Moi, en tout cas, je l'ai trouvé totalement dispensable, tant il se révèle incapable d'être intéressant, drôle ou même émoustillant. A réserver à la génération des soixante-huitards nostalgiques sans nul doute.
Olivier J.H. Kosinski - 11 août 2017
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Doublage (France - 1975)
Shame : Georges Aminel
June : Arlette Thomas
Reine Bazonga : Paule Emanuele
Professeur Cédric Addlepate : Guy Pierauld
Steffanie Starlet : Laurence Badie
Brutish : Marc De Georgi
Chef M'Bulu : Claude Bertrand
Le gourou belge : José Geal
Nurse : Lita Recio
Journaliste radio : Philippe Dumat
Siamois : Pierre Trabaud
Standardiste police : Pierre Trabaud
Général : Roger Carel
Colonel : Roger Carel
Lieutenant : Pierre Trabaud
Sergent : Pierre Trabaud
Siamois : Roger Carel
Short : Roger Carel
Narrateur : Bernard Dheran
Sources :
Forum Doublage France