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Hercule est un long métrage que j'apprécie assez moyennement, principalement parce qu'il saccage la mythologie grecque. Par contre, Hercule est un long métrage qui reste très soigné pour ses deux doublages francophones. Mais, surtout, ce qui différencie ce film à plusieurs de ses contemporains Disney, c'est qu'il existe pour une fois une assez faible variation au niveau de leurs adaptations francophones, y compris sur les chansons. Certes, les versions québécoise ou française font des choix de mots, de dialogues ou de vers parfois différents, mais ces variations sont souvent insignifiantes et ne dévient presque pas de la version anglaise originale. C'est assez remarquable dans la mesure où plusieurs films l'ayant précédé avaient fait des choix d'adaptation français parfois discutables. "Ce rêve bleu" notamment dans Aladdin, que j'ai déjà évoqué à plusieurs reprises, est sans nul doute l'exemple le plus connu. Mais on peut aussi citer "C'est la fête" qui n'a absolument rien à voir avec le "Be Our Guest" originel. Quelques années plus tôt, les deux équipes francophones s'étaient aussi cassées la tête autour de "Part of Your World" dont l'un fait le choix de "Parmi ces gens" et l'autre "Partir là-bas". La principale difficulté d'une adaptation musicale vient de la rythmique imposée par la mélodie accompagnant la chanson. "Be Our Guest", c'est trois syllabes et pas une de plus. Et si l'on entend bien Lumière préciser à BigBen que Belle "c'est notre invitée", les trois syllabes fatales ont contraint Claude Rigal-Ansous à choisir "C'est la fête" pour garder le rythme, même chose avec "Can You Feel the Love Tonight?" qui est devenu "L'amour brille sous les étoiles" en 1994.
Dans Hercule, le problème de rythmique se pose tout autant que les précédentes comédies musicales animées de Disney de cette époque, auquel s'ajoute l'inévitable problème de synchronisation labiale. Même avec la plus grande attention de coller au plus près d'un texte anglais, le phrasé, l'intonation, la fréquence vocale, l'intention et les mouvements de bouches ne sont pas forcément les mêmes en français. Un vrai casse-tête donc, dont Disney s'est toujours très bien tiré et s'en est même fait une spécialité reconnue mondialement. Hercule se retrouve avec exactement la même problématique. Ainsi, si la plupart des refrains ont vu leur contenu se différencier entre France et Québec, l'adaptation française du long métrage a cette fois pour particularité de rester globalement proche du texte anglophone, ce qui était jusqu'alors surtout une spécialité des doublages québécois. La France a toujours eu une préférence métaphorique d'une chanson où l'on entend le même message mais dissimulé entre les lignes, là où le Québec s'efforce d'éviter les fantaisies lyriques afin de coller au plus près de l'intention anglophone. En même temps, c'est assez logique vu que la province francophone est entourée d'anglophones, tout comme ils ont une culture forcément proche, voire commune. Le cas du doublage de Hercule est donc intéressant dans ses limitations françaises, car le film d'animation Disney enchaîne quelque peu les adaptateurs dans leurs choix respectifs. Il faut dire que Hercule regorge de dialogues à double sens et de nombreux calembours, ce qui laisse au final assez peu de liberté aux deux adaptateurs francophones, y compris dans les chansons. On se retrouve régulièrement devant des traits d'esprits assez similaires d'une doublage à l'autre, même si, comme de coutume, la version française se permet parfois quelques libertés, souvent bien senties.
L'autre particularité des deux doublages de Hercule réside dans le choix des comédiens de doublages. Même s'il est désormais courant que Disney Character Voices International impose volontairement des comédiens *star talent*, principalement par pur esprit de marketing viral, il laissait autrefois assez régulièrement toute liberté aux directeurs de plateau pour choisir leurs comédiens et chanteurs chaque fois qu'un film était doublé dans chaque pays. La particularité de Hercule est d'avoir choisi des acteurs, sans forcément se consulter entre eux, ayant des timbres de voix qui s'avèrent extrêmement similaires d'un doublage à l'autre. Une constatation que l'on remarque dès l'ouverture du film où le timbre vocal des chanteuses jouant les muses est très similaire sur chacune d'elles en France comme au Québec. Un choix qui découle sans nul doute du style Gospel adopté pour l'intégralité de leurs chansons. Un peu plus loin, on constate également une similarité dans les voix de Zeus, Marcel Sabourin au Québec et Benoît Allemane en France, dont les voix caverneuses, à la fois douce et forte, apportent tous deux quasiment le même ressenti autour du personnage. Même chose concernant Hadès, respectivement joué par Jean-Luc Montminy au Québec et Dominique Collignon-Maurin en France. Les deux comédiens ont la particularité d'être associés à deux grands acteurs américains dont ils sont régulièrement les voix francophones. Le premier est ainsi associé à Bruce Willis, tandis que le second à Nicolas Cage. Deux comédiens américains dont leur jeu d'acteur n'est franchement pas le même quand ils jouent à l'écran et qui ne sont pas doublés de la même manière non plus. Pour autant, les deux comédiens francophones livrent une interprétation décalée et quasiment similaire de Hadès qui se révèle à la fois malicieux et diabolique dans les deux doublages du film.
J'approuve aussi les choix pour les personnages principaux, que ce soit pour les dialogues que pour les chansons, dont le timbre vocal est presque équivalent d'un doublage à l'autre. À savoir Hugolin Chevrette et Emmanuel Garijo sur Hercule adolescent, Céline Bonnier et Mimi Felixine sur Megara. Les versions québécoise et française se démarquent toutefois sur deux point, en confiant les dialogues de Hercule adulte à Antoine Durand au Québec, dont le changement vocal entre l'ado et l'adulte est à peine perceptible pour une oreille néophyte, tandis que la France fait le choix de conserver Mimi Felixine au chant sur Megara. Pour le chant, Joël Legendre et Emmanuel Dahl sont tout aussi bons l'un que l'autre sur l'unique chanson de Hercule adolescent, "Le Monde qui est le mien" ou "Je crois en mon destin" selon le doublage écouté. Dominique Faure s'en sort aussi très bien au chant pour Mégara au Québec. Le choix vocal est tout aussi bon sur Peine et Panique, où les deux serviteurs incompétents de Hadès sont très amusants à écouter. La version québécoise se démarque toutefois sur deux points : d'abord, respectant la version anglaise, ce sont deux comédiens qui jouent les rôles (Bernard Fortin sur Peine, François Sasseville sur Panique), là on il n'y en a qu'un seul pour les deux en France (Éric Métayer) ; ensuite, Bernard Fortin donne un côté nettement plus retord à Peine, qui est clairement ici la tête pensante du duo, là où Éric Métayer propose une version miroir à la Timon & Pumba où c'est plutôt Panique le plus futé et opportuniste des deux.
Pour ce qui est des chansons, comme évoqué un peu plus tôt, les deux adaptations francophones sont vraiment très bonnes. Mais surtout, très proche dans leurs textes respectifs, ce qui est particulièrement inhabituel côté français qui aime bien faire des digressions d'habitude. Certes, les mots utilisés ne sont pas toujours les mêmes, mais le sens du texte ne varie pas vraiment d'un doublage à l'autre. Je me suis d'ailleurs amusé à faire une démonstration en publiant avec cette analyse un mixage entre Joël Legendre et Emmanuel Dahl, en trichant un tout petit peu au niveau des raccords audio, pour démontrer que les deux textes s'accordent vraiment bien entre eux sur "Go the Distance" notamment. Mais j'aurais pu faire la même chose avec toutes les autres chansons du film. On ressent par exemple la même amertume de Meg tiraillée entre son ancien amour perdu et son refus de s'ouvrir à un nouvel amour. On rigole tout autant devant l'apprentissage compliqué de Hercule par Phil. On se laisse tout autant entraîner par le rythme endiablé de "Zéro à Héros". Bref, c'est un sans faute sur toutes les adaptations francophones des chansons. De fait, les infimes variations sont à trouver dans des points de détails par-ci, par-là. Par exemple, même si la réplique est culte en France, j'ai une large préférence pour le "Qui m'a décoiffé ?" en accord avec le contexte, plutôt que "J'ai la flammèche éteinte". A contrario, le "Et ça rime en plus" est plus percutant en France que le "Et c'est en vers, oh la la". La version française triche aussi avec Phil en lui faisant prononcer tout un tas de héros en "zé", ce qui est effectivement plus drôle que la version québécoise. Mais c'est vraiment de l'ordre de la broutille dans les deux cas, puisque les deux doublages font vraiment jeu égal dans leur interprétations respectives.
Alors Hercule, ça vaut le coup dans quel doublage ? Pour moi les deux sont des adaptations réussies que l'on peut apprécier tout autant même quand on est plus familier de l'une que de l'autre. Les amoureux des doublages et les fans du long métrage ne devraient donc pas passer à côté de l'expérience en lançant la version non connue jusque-là. Cela vous offrira une relecture inédite du film, avec une saveur différente tout comme similaire en même temps. Et ensuite ? Vous ne saurez plus vraiment laquelle préférer, si ce n'est de jouer au jeu des sept différences !
Nota Bene : La liste des comédiens ayant contribué à ces doublages francophones est disponible dans la fiche dédiée du film. Merci de vous y reporter.
Olivier J.H. Kosinski - 20 août 2024