Aya et la sorcière est un téléfilm d'animation produit par le studio Ghibli. Devant initialement être dévoilé au Festival de Cannes de 2020, la pandémie COVID-19 l'en empêche. Il est alors proposé au Festival Lumière de Lyon en avant première mondiale le 18 octobre 2020. Ayant récupéré les droits de tous les films Ghibli depuis septembre 2020, l'éditeur français Wild Bunch envisage de le proposer en salle, mais cette sortie est à nouveau compromise par la fermeture des salles en 2021. Le téléfilm rejoint alors le catalogue Netflix plus d'un an plus tard, le 19 novembre 2021 accompagné d'un doublage français.
Aya a grandi dans un orphelinat douillet depuis qu'elle est bébé et ne sait pas que sa mère avait des pouvoirs magiques. Aimée et choyée, la fillette de 10 ans n'a jamais voulu quitter son cocon et son cher ami Custard. Espiègle, rusée, elle mène son petit monde par le bout du nez ! Lorsqu'un couple étrange vient l'adopter, Aya se rebelle et suit sa nouvelle famille à reculons... Mais que peuvent bien cacher ce mystérieux Mandrake et cette inquiétante Bella Yaga ? Au rythme des enchantements, une aventure extraordinaire attend l'adorable effrontée... car ses prétendus parents ne sont autres que des sorciers !
Nous vivons une époque quelque peu malheureuse. Pendant près d'un siècle, le studio d'animation de Walt Disney a toujours été à la pointe de la technologie d'animation 2D avant de faire un virage plus ou moins heureux vers la 3D. Sauf que, désormais, lorsque Disney tente de revenir à la 2D, le résultat visuel est souvent désastreux. Plus personne ne sait animer correctement en 2D en même temps. Il n'y a d'ailleurs plus le moindre talent en interne, vu que la quasi-totalité de leurs réalisations 2D sont désormais confiées à des studios extérieurs qui n'ont ni les moyens, ni l'ambition de faire quelque chose aussi à la pointe que Walt Disney le voulait en son temps. A l'inverse, le Japon a été - et reste encore - un mastodonte du secteur asiatique de l'animation 2D, tout en se montrant relativement hermétique à l'animation 3D. Une culture du non changement sans doute liée à la difficulté de retranscrire convenablement en 3D leurs innombrables personnages de mangas. Il n'empêche, plusieurs studios se sont lancés dans l'animation 3D et, dans la grande majorité des cas, c'était des expériences cinématographiques assez horribles. Qui se souvient de Les Chevaliers du Zodiaque - La Légende du Sanctuaire en 2014 ? Je vois que vous en avez un haut-le-coeur rien que de vous en rappeler. Ou encore du plus récent Mewtwo contre-attaque - Évolution ? Un frisson d'effroi vient de parcourir votre colonne vertébrale ? Quand c'est le mastodonte du secteur, à savoir le studio Ghibli, en pause depuis plusieurs années, qui s'y colle, on se dit que, peut-être, ce coup-ci, ça allait enfin réussir. Grossière erreur !
Derrière Aya et la sorcière se cache Goro Miyazaki qui compte déjà à son actif deux longs métrages pour le studio Ghibli, Les contes de Terremer et La colline aux coquelicots, ainsi qu'une série d'animation, Ronja, fille de brigand. Certes, aucune des trois oeuvres n'est extrêmement mémorable, mais les trois valent la peine d'être vues, surtout la série télévisée qui se rapproche le plus dans l'esprit de ce qu'Aya et la sorcière semble vouloir proposer au premier abord. Même en sachant que l'animation 3D et le Japon ce n'est pas forcément toujours une grande réussite, particulièrement dans le monde télévisuel (rappelons qu'Aya et la sorcière est à l'origine un téléfilm non destinée à une diffusion en salle), cela laisse au premier abord un sentiment de confiance, d'autant plus merité par la seule marque Ghibli, gage de qualité jusque là. Dès l'instant où le long métrage commence, le niveau émotionnel ressenti se transforme pourtant en profonde consternation. Goro Miyazaki fait un choix des plus hasardeux : il applique les codes d'animation 2D habituels de Ghibli dans l'animation 3D. Malheureusement, ça ne fonctionne, pour ainsi dire, jamais ! Personne n'a pensé à le lui dire ? Il en résulte des personnages affreusement brouillons, avec des expressions corporelles hasardeuses, voire horribles, empêchant constamment de croire en eux. Le plus drôle, c'est que si l'on met en pause le long métrage, l'image figée donne l'illusion d'une certaine qualité, qui s'évapore totalement dès qu'elle se remet en mouvement. Il en résulte des personnages froids, non crédibles, aux expressions faciales outrancières, si ce n'est pas carrément surréalistes. Exemple type : quand Aya se met à rire à gorge déployée, elle se transforme littéralement en bouche géante grande ouverte à la place d'une tête. Ça aurait probablement pu être drôle dans une animation 2D, c'est juste affligeant en 3D.
On pourrait alors se dire que, studio Ghibli oblige, même en trouvant toutes les bonnes excuses sur les graphismes douteux, on pourrait au moins se rattraper à la branche du scénario. Grossière erreur numéro 2 ! La très grande majorité des longs métrages Ghibli ont toujours proposé des intrigues qui, dans les grandes lignes, étaient souvent d'une banalité à pleurer. Mais il y a aussi toujours eu cette petite étincelle qui rendait chacune de leurs expériences fascinantes. Car leurs films, bien que traitant souvent de la banalité du quotidien, rendaient le tout finalement très humain et, donc, très universel. Aya et la sorcière souffre d'une multitude de problèmes de forme comme de fond dans son récit. Cela commence déjà par Aya elle-même, premier véritable personnage antipathique de leur filmographie. Déjà peu aidé par une technique animée 3D qui laisse à désirer, Aya n'est jamais une seule fois attachante. Contrairement à Kiki, dont on appréciait l'évolution psychologique pour devenir magicienne, Aya s'échine à tordre le coup de tout le monde pour les faire rentrer dans le rang comme elle le désire. Elle n'apprend rien, elle impose sa loi aux autres au point de devenir une vraie pimbêche. Impossible de croire un seul instant qu'Aya appartient à la même famille que Chihiro, Sheeta, Ponyo, Shizuku voire même Ronja !
Plus gênant, Goro Miyazaki ne parvient jamais à caractériser convenablement les autres personnages du long métrage. Tout au plus ont-ils un rôle fonctionnel, mais les enjeux du film nous échappe complètement. Qu'on soit au début, au milieu ou à la fin, on ne saisit pas une seule fois ce que le film veut raconter. Pire, non seulement Aya et la sorcière ne raconte quasiment rien, mais celui-ci s'achève sur un énorme cliffhanger appelant à une suite qui n'existe tout bonnement pas. Et quand le générique apparaît à l'écran, on passe tout son temps à se poser des questions dont on n'obtiendra finalement jamais la réponse. Qui sont-ils ? Que font-ils là ? Qui sont leurs clients ? Pourquoi sont-ils en froid ? Pourquoi a-t-il fallu dix ans pour qu'un personnage revienne ? En gros, on a l'impression d'être placé devant le pilote d'une future série posant juste de grandes pistes sans but précis, mais qui fut finalement avortée faute d'avoir été convenablement travaillée. C'est très désagréable et inconfortable, surtout pour un film issu du studio Ghibli dont aucun d'entre eux n'avait jamais laissé ce sentiment d'amertume et de perte de temps jusque là.
La révolution 3D annoncée par Goro Miyazaki s'avère donc au final un concept totalement foireux. Si l'on excepte quelques jolis décors, tant que ceux-ci restent figés et ne subissent aucune animation parasite, Aya et la sorcière est une oeuvre extrêmement froide, sans vie, sans but, sans saveur et avec des personnages excessivement antipathiques. On passe de longues minutes à se demander quand le film va enfin commencer, puis tout le reste du temps à se demander quand tout cela va bien vouloir se finir. Preuve de mauvais goût, la scène finale fait en sorte de ne pas refermer du tout l'intrigue, renforçant d'autant plus le sentiment de gros gâchis. En d'autres termes, Aya et la sorcière est l'antithèse totale de tous les précédents films produits par le studio Ghibli, que même ses origines télévisuelles ne peuvent sauver. Les seules bonnes choses de l'oeuvre sont en réalité les génériques d'ouverture et de clôture... animés façon 2D. Superbement ironique.
Olivier J.H. Kosinski - 23 mars 2023
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Doublage (France - 2021)
Aya : Élina Solomon
Bella Yaga : Sylvia Bergé
Mandrake : Thierry Hancisse
Thomas : Micha Lescot
Directrice de l'orphelinat : Hélène Babu
Thelma : Marlène Goulard
Custard : Anatole Jamet
Mère d'Aya : Rafaëlle Cohen
Sources :
Carton Générique