Détective Conan - The Scarlet Bullet, littéralement La balle écarlate en français bien que le distributeur Eurozoom n'a pas fait le choix de le traduire dans notre langue, est le vingt-quatrième long métrage inspiré du manga créé par Gosho Aoyama. Initialement annoncé le 17 avril 2020 au Japon, le film est décalé au 16 avril 2021 suite à la pandémie de COVID-19. En France, il est le tout premier film de la saga proposé au cinéma. Il est initialement annoncé le 21 avril 2021, puis finalement décalé au 26 mai 2021, une semaine après la réouverture effective des salles de cinéma. Le film dispose d'un doublage français, réalisé en Belgique, et qui reprend la majorité des acteurs ayant participé au doublage de la série télévisée. A l'heure actuelle, le film n'est pas distribué au Québec.
N.B. : Si l'envie vous en prend d'alterner la lecture du manga avec les films, sans tenir compte de la série télévisée, j'ai établi une Chronologie Films / Mangas où je préconise de placer celui-ci entre les dossiers 3 et 4 du volume 99.
Le tout nouveau train à très grande vitesse Hyper Linear, surnommé "Japanese Bullet", est le premier au monde à opérer dans un tunnel entièrement sous vide. L'inauguration de ce bijou de la technologie japonaise, capable d'atteindre 1000km/h, marquera l'ouverture des Jeux Sportifs Mondiaux lors de son arrivée à Tokyo. Alors que la fête de lancement bat son plein, des sponsors sont kidnappés les uns après les autres. Quand le père de Sonoko disparait à son tour, Conan part immédiatement à sa recherche. Il découvre alors que ces étranges kidnappings ont visiblement un lien étroit avec une affaire similaire qui s'est déroulée aux Jeux Sportifs Mondiaux de Boston 15 ans auparavant...
Il aura donc fallu attendre 25 ans, un quart de siècle, pour que le célèbre Sherlock Holmes en miniature bénéficie enfin des honneurs d'une large diffusion sur grand écran en France. Plus de 14 ans après la première tentative de Kazé de proposer les 5 premiers longs métrages en DVD, puis un peu plus d'un an après Black Box qui avait remis en scène l'ensemble des 22 premiers films, ainsi que deux téléfilms bonus, là encore uniquement en Blu-Ray et DVD, sans oublier quelques mois seulement après l'arrivée de la série télévisée sur Amazon Prime Vidéo, on doit cette grande première au distributeur de cinéma indépendant Eurozoom spécialiste, depuis sa création, dans la distribution de longs métrages d'animation japonais. En tant qu'amateur du manga créé par Gosho Aoyama, on a énormément de mal à comprendre pourquoi il aura fallu autant de temps pour que cela devienne enfin possible. En même temps, Détective Conan est finalement assez mal connu dans l'hexagone, tout du moins par le grand public. Il faut dire que la série télévisée a été particulièrement malmenée en France. Entre la censure voulue par France Télévision, l'édulcoration des épisodes et la fronde des parents acceptant difficilement que leurs enfants regardent un programme mettant en avant des meurtres, Détective Conan a tôt fait de disparaître des écrans. La dernière diffusion sur une grande chaîne de la TNT coïncidait ainsi avec les Jeux Olympiques de 2008 en Chine. Depuis août 2008, on ne l'a donc plus revu sur aucune chaîne gratuite.
Alors, certes oui, la série télévisée a suivi son chemin ailleurs, sur le câble, le satellite et désormais via les box des opérateurs Internet. Mais cela s'est accompagné de deux revers. En plus d'avoir perdu sa diffusion sur une chaîne gratuite de grande écoute, la série a également perdu en route son doublage français. Certes, ça n'est pas une immense perte, la version japonaise restant évidemment incontournable, mais la combinaison de ces deux arguments a vite fait de détourner toute l'attention du grand public pour Conan Edogawa. A cela ajoutons que, depuis sa toute première diffusion en date sur France 3, Détective Conan s'est vite vu coltiner une image de manga pour enfants, on obtient alors le triplé gagnant qui a fait passer l'oeuvre de Gosho Aoyama totalement sous les radars. Un comble quand on sait qu'il est l'un des cinq mangas les plus vendus au monde ! Paradoxalement, dans le milieu des fans, le manga reste toujours très populaire. Si cela n'avait pas été le cas, il y aurait bien longtemps que Kana aurait abandonné la licence. Surtout qu'il s'agit d'une histoire au très long cours et que déjà 98 volumes ont été traduits en français. Il y a donc toujours du public derrière, certes très spécialisé et plus pointu, échaffaudant tout un tas de théories sur l'organisation des hommes en noir, mais toujours aussi fidèle et bouillonnante. Détective Conan - The Scarlet Bullet constitue à la fois un gros risque pour Eurozoom mais également un évènement sans précédent en France.
Car il faut garder en tête que les longs métrages Détective Conan sont une véritable institution au Japon depuis 25 ans, parmi les plus gros succès du box office chaque année. Toutes les graines du succès ont été plantées dès le tout premier film, Le gratte-ciel infernal (Le gratte-ciel à retardement depuis la nouvelle commercialisation en 2020). Depuis lors, film après film, les longs métrages Détective Conan ont fait preuve d'un crescendo impressionnant. Une montée en puissance qui s'est accompagnée d'un élargissement de plus en plus conséquent de l'audience de son public. Si la franchise n'a jamais perdu de vue ses fans, les longs métrages se sont ouverts à un public de plus en plus large, faisant de Détective Conan une grande franchise tout public mélangeant les genres. De l'intrigue policière de base s'est depuis greffé tout un large panel de genres, allant du film catastrophe au récit d'aventure. Une maturation progressive qui a, année après année, conduit à une véritable consécration cinématographique, notamment avec le film 18, Le Sniper dimensionnel, petit bijou d'ingéniosité narrative qui s'avère, dans l'esprit, assez proche de Détective Conan - The Scarlet Bullet. Bref, on en prend plein la vue et on en a généralement pour son argent, que l'on soit néophyte ou non, face à chacun des films de la franchise.
Lorsque l'on découvre Détective Conan - The Scarlet Bullet, on est particulièrement surpris. Déjà, par deux facteurs externes au film lui-même. D'abord par sa diffusion sur un écran de cinéma, avec un son spatial, qui déconcertent vraiment car on n'a jamais eu l'habitude de voir un seul film dans ces conditions en France. Ensuite, il y a aussi ce retour inattendu de presque tous les comédiens francophones qui officiaient à l'époque de la diffusion de la série télévisée, ce qui perturbe tout autant les sens même si l'habitude auditive revient très vite et ne s'avère à aucun moment vraiment génante, sauf peut-être sur Kogoro qui n'a pu pu retrouver Emmanuel Liénart, disparu en 2015. Tatillon comme je suis, j'aurais d'ailleurs, à choisir, préféré réentendre Gérard Malabat qui l'interprétait très bien dans les films doublés par Kazé, plutôt que de lui octroyer la nouvelle voie de Franck Fischer qui le rajeunit un peu trop et le rend moins dépravé qu'il ne l'est d'ordinaire, même en version japonaise. Quant au film en lui-même, il surprend par l'ampleur impressionnante de nombreux personnages secondaires faisant pour la première fois leur apparition dans un film. Si ce foisonnement de rôles secondaires est un vrai bonheur pour le fan, dans des rôles sur mesure débordant de clins d'oeils à l'univers du petit détective, cela rend quand même Détective Conan - The Scarlet Bullet particulièrement dense pour le néophyte qui va, sans nul doute, assez vite se perdre dans les conjectures s'il se met à se poser des questions sur le rôle de chacun d'entre eux. Curieusement, le 23e film, Le Poing de Saphir Bleu, était finalement bien plus facile à aborder pour un néophyte, alors que celui-ci est pourtant réalisé par la même réalisatrice, Chika Nagaoka.
L'autre élément qui surprend avec Détective Conan - The Scarlet Bullet, c'est qu'il s'agit d'un film purement et intégralement policier. Alors oui, évidemment, toute la franchise a toujours tourné autour de cette thématique. Mais, dans la très grande majorité des cas, c'était l'affaire qui venait à Conan, souvent de manière fortuite, et non Conan qui était placé directement au coeur de l'intrigue dès le début du film. Ici c'est, comme avec le film 23, la famille de Sonoko qui se trouve embrigadé par une sombre affaire, mais cette-fois dès le prologue. Conan ne peut s'empêcher d'enquêter et découvre immédiatement l'ampleur du problème. Dès lors, le long métrage va broder une intrigue sous la forme d'un énorme jeu de dupes qui va évoquer, avec une grande malice comme Gosho Aoyama l'a toujours fait, le très célèbre roman policier d'Agatha Christie A.B.C. contre Poirot. Dans celui-ci, Hercule Poirot recevait des mystérieuses lettres où un étrange tueur se débarrassait de ses victimes dans un ordre alphabétique scrupuleux, dont la première lettre de leur nom de famille et du nom du village correspondait (Nom de famille avec un A dans une ville ayant aussi un A, puis nom B dans ville B, etc.). Détective Conan - The Scarlet Bullet va plus loin dans cette idée puisque la série de kidnapping et un meurtre irrésolu des années auparavant par le FBI semblent ressurgir, soit par un imitateur très bien informé du dossier, soit par le couplable originel lui-même qui aurait donc refait surface. Et au coeur de ce drame se trouve le nouveau train magnétique révolutionnaire japonais, inspiré par la vrai ligne Shinkansen Chuo, qui va donner lieu à la sempiternelle, tout autant qu'intense, séquence catastrophe des longs métrages Détective Conan.
Contrairement aux autres films de la franchise, Conan n'est cette fois pas seul maître à bord battant la mesure de l'enquête. C'est d'ailleurs là où se joue à la fois l'ingéniosité du film et la difficulté de compréhension des néophytes. Pour ceux qui connaissent soit le manga, soit la série, Détective Conan - The Scarlet Bullet fait preuve d'une excellente fidélité à l'intrigue générale. On y retrouve énormément d'éléments pertinents, cohérents, s'emboitant parfaitement avec tout ce que Gosho Aoyama a instauré jusqu'à ce film. Mieux, certains points du film poussent le vice encore plus loin, apportant un regard neuf sur certains moments clés de l'intrigue du manga. C'est particulièrement vrai pour Masumi Sera notamment, dont il ne fait désormais plus le moindre doute qu'elle n'est plus qu'à deux doigts de confondre Shinichi Kudo. Shukichi Haneda est tout aussi intéressant à voir dans le film, c'est d'ailleurs la seconde fois, telle une consécration sur grand écran, que son talent pour le jeu de Shogi, son sens de la déduction logique et, surtout, sa mémoire photographique servent, de manière magistrale, à résoudre un épineux problème. Ce que les fans peuvent comprendre, mais probablement pas les nouveaux spectateurs qui sortiront probablement perdu à la fin de la séance. Détective Conan - The Scarlet Bullet est donc cette fois, nettement plus que le film précédent, un film dont l'équilibre narratif penche plus en faveur des connaisseurs que du grand public. Mais dans tous les cas, tous ces à côtés, qui correspondent à une énorme valeur ajoutée pour les fans, ne peinent pas la compréhension générale de l'intrigue pour tous les autres.
Sur l'aspect visuel, j'ai été particulièrement déconcerté, puis finalement marqué par le choix audacieux fait par l'équipe artistique sur le prologue qui se déroule 15 ans auparavant à Boston. Déstabilisant est sans nul doute le meilleur mot pour décrire cette courte introduction dont le style est radicalement différent de celui utilisé par toute la franchise ainsi que le reste du film. Passé ce prologue, Détective Conan - The Scarlet Bullet retrouve la touche habituelle de la saga, avec ses bons et ses mauvais côtés. Ne vous y trompez pas, tout y est toujours très soigné mais, comme c'est de coutume avec une grande majorité des longs métrages animés japonais, ce qui pêche concerne systématiquement l'utilisation de l'imagerie informatique 3D. Depuis quelques temps, les films Détective Conan ne s'embêtent plus vraiment, seuls les personnages principaux sont animés traditionnellement en 2D, alors que tous les rôles figuratifs sont en 3D. Ce n'est pas toujours très heureux de faire cohabiter les deux styles, surtout dans certaines scènes de foule. Cela saute d'ailleurs encore plus aux yeux sur grand écran. Paradoxalement, nombre de scènes ne seraient pas réussies sans ce recours aux effets spéciaux. Comme chaque film Détective Conan, l'intrigue passe systématiquement toujours un cap durant lequel l'intrigue s'emballe jusqu'au dénouement. Détective Conan - The Scarlet Bullet n'y coupe pas, il offre de grands moments spectaculaires qui contrebalancent les désavantages de la technologie. Je ne dirais pas grand-chose concernant la partition musicale, toujours aussi efficace en accompagnement de fond, et qui reste encore supervisée par Katsuo Ono, gage de fidélité auditive. J'ajouterai juste que la version française assure assez efficacement et que Eurozoom a finalement été avisé de rappeler les anciens comédiens, même si la plupart d'entre eux semblent un peu moins investis qu'il y a 15 ans, certainement parce que les mécanismes vocaux ont été perdus entre temps. D'ailleurs, à la fin du film, on n'y fait même plus attention, preuve que c'était une riche idée.
Comme de coutume, Détective Conan - The Scarlet Bullet reste incontestablement une oeuvre très palpitante pour tout amateur d'intrigue policière. Le long métrage est efficace, construit son histoire à la manière d'un puzzle, fait jouer un rôle important à chacun des principaux protagonistes, s'offre même quelques moments purement burlesques (Merci Yumi) et fait même doucement avancer l'intrigue générale du manga en faisant quelques focus très intéressants. On se laisse donc prendre au jeu. Ma seule réserve concerne finalement un problème de mixage, dont j'ignore s'il s'agit d'un problème dans la salle où je suis allé ou s'il est généralisé, mais les voix françaises étaient souvent étouffées par les bruits ambiants lors de grosses scènes d'action, ainsi que la légère édulcoration de la version française qui préfère évoquer une pilule, plutôt que de parler d'un poison ou d'une drogue tel que l'APTX 4869 est nommé dans le manga. Toujours est-il que ce fut un immense plaisir de découvrir Détective Conan pour la première fois au cinéma.
Olivier J.H. Kosinski - 03 juin 2021
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Doublage (Belgique - 2021)
Conan Edogawa : Ioanna Gkizas
Shinichi Kudo : Bruno Mullenaerts
Ran Mori : Marie-Line Landerwijn
Kogoro Mori : Franck Fischer
Sonoko Suzuki : Jennifer Baré
Hiroshi Agasa : Thierry Janssen
Ai Haibara : Laetitia Liénart
Ayumi Yoshida : Béatrice Wegnez
Mitsuhiko Tsuburaya : Marie-Line Landerwijn
Genta Kojima : Thierry Janssen
Shuichi Akai : Lucas Fanchon
Subaru Okiya : Reda Brissel
Masumi Sera : Audrey Di Nardo
Shukichi Haneda : Brice Montagne
Mary Sera : Juliette Degenne
Yumi Miyamoto : Adele Esseger
James Black : Rémi Barbier
André Camel : Olivier Piechaczyk
Jodie Starling : Celia Torrens
Miwako Sato : Tiphaine Devezin
Wataru Takagi : Dominique Marini
Ellie Ishioka : Magaly Teixera
Maiko Shirahato : Nadège Monnett
Osamu Inoue : Fabrice Colombéro
John Boyd : Mö Sbiri
Alan Mackenzie : Tom Seale
Shiro Suzuki : Michel Royer
Sources :
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