Détective Conan - L'étoile à 1 million de dollars est le 27e long métrage inspiré du manga créé par Gosho Aoyama. Il sort en salle au Japon le 12 avril 2024. Tandis que Eurozoom était tenté de jeter l'éponge après trois grosses déconvenues successives, TMS Entertainment a toutefois souhaité quand même proposer une sortie en salle de ce film en France. Pour limiter les pertes, Eurozoom a cependant été contraint de renonçer à faire doubler le film, qui n'est donc cette fois diffusé qu'en version originale sous-titrée. Il est proposé au cinéma à partir du 19 juin 2024 dans certains cinémas acceptant de le proposer. Il n'est pas distribué au Québec.
N.B. : Si l'envie vous en prend d'alterner la lecture du manga avec les films, sans tenir compte de la série télévisée, j'ai établi une Chronologie Films / Mangas où je préconise de placer celui-ci entre les dossiers 2 et 3 du volume 106.
Hakodate, région d'Hokkaido. Une carte de Kaito Kid est retrouvée dans les entrepôts du groupe Onoe. En même temps, un cadavre tailladé d'une croix à la poitrine est découvert dans le quartier des entrepôts de Hakodate. La piste mène l'enquête au "vendeur de mort", un Américain d'origine japonaise opérant comme marchand d'armes dans le bassin asiatique. Place à une chasse au trésor épique !
La confrontation cinématographique de Conan avec Kaito Kid est toujours en soit un gros évènement, tout comme c'est une grande tradition dans l'univers de fiction créé par Gosho Aoyama. Leur rivalité est d'autant plus succulente quand on sait que Kaito Kid est né six ans avant Détective Conan et que les personnages du premier sont, plus ou moins devenus malgré eux, des prototypes involontaires du second. D'où le fait que Kaito et Conan se ressemblent énormément. A sa décharge, Magic Kaito paru en 1988 n'a pas rencontré le succès escompté, le manga s'est donc rapidement interrompu au bout de 2 seuls volumes, Gosho Aoyama mettant alors à profit son temps sur un autre titre, Yaiba, qui, lui, va rencontrer le succès. Quand Yaiba s'interrompt au bout de six ans, Gosho Aoyama reprend la publication partielle de quelques nouveaux chapitres de Magic Kaito, qui ne rencontre malheureusement pas plus de succès, mais c'est surtout le lancement de Détective Conan en 1994 qui va tout changer. Le plébiscite autour du petit détective faussement binoclard est alors unanime. Gosho Aoyama doit, à nouveau et à regrets, ranger le costume de Kaito Kid, qu'il affectionne pourtant beaucoup parce qu'il est, d'après la légende, une sorte de caricature de Gosho Aoyama par lui-même. Il faut dire que Détective Conan est un peu né de plusieurs idées initialement dévouées à Magic Kaito. Une sombre organisation criminelle d'hommes en noir, un protagoniste avec un sens éguisé pour la déduction, une petite amie un peu tête en l'air mais doté d'un fort caractère et dont le père est policier, un meurtre mystérieux qui sert de fil rouge narratif, une pierre précieuse dont on raconte qu'elle permettrait la vie éternelle... Bref, autant d'éléments à peine aménagés qui ont été repris pratiquement tels quels pour Détective Conan. Pour autant, la formule d'enquête policière a été bien mieux accueillie par le public japonais, puis international, que celui du voleur transformiste. Il faut dire aussi que Conan n'avait pas vraiment à faire face à un tout aussi célèbre Lupin III qui joue un peu sur le même terrain de prédilection que Magic Kaito. Conan a eu un boulevard qui s'est ouvert devant lui, sans aucun concurrent sérieux pour lui ravir le trône.
Pas du tout revanchard, Gosho Aoyama a toutefois profité de la notoriété de Détective Conan pour y réintroduire son personnage fétiche. Une introduction par la grande porte, en faisant quelques menus aménagements, qui intervient dès le chapitre 156, que l'on trouve désormais dans le volume 16 du manga, où Gosho Aoyama s'amuse - déjà - de la physionomie commune entre Shinichi et Kaito. Ran se laisse d'ailleurs avoir pour leur frappante ressemblance. Ils ressemblent tellement à des jumeaux que, depuis plusieurs décennies maintenant, cela sert de gag de répétition sans jamais qu'aucune explication logique ne soit apportée aux lecteurs des mangas et aux spectateurs de l'univers animé (jusqu'à ce film du moins !), si ce n'est qu'ils sont nés sous la plume de Gosho Aoyama qui, dans ses jeunes années, avaient tout simplement un peu de mal à varier ses personnages. On trouve d'ailleurs le même "problème" avec Yaiba qui ressemble lui aussi beaucoup à Shinichi et Kaito, ce que Gosho Aoyama s'amusera beaucoup en l'introduisant à son tour dans Détective Conan. Dans un sens, avec le temps, Détective Conan est devenu pour Gosho Aoyama une sorte de crossover géant de toutes ses réalisations. Preuve en est qu'il a eu une très bonne idée de le faire car, au fil du temps, Kaito Kid est devenu un personnage aussi emblématique que incontournable dans Détective Conan. Il faut aussi dire que Kaito Kid est le seul antagoniste de l'univers du détective qui s'avère aussi régulièrement un allié. Malgré son côté taciturne, Kaito Kid suit une sorte de code d'honneur, ne tue jamais personne et prend régulièrement un malin plaisir à provoquer des criminels afin de les mener droit vers la justice. Ce que Conan lui reconnaît comme qualité, même s'il reste à ses yeux un voleur qui doit quand même être arrêté selon ses propres convictions. On pourrait les considérer comme frères ennemis mais qui se respectent l'un l'autre.
L'étoile à 1 million de dollars s'inscrit dans cette grande tradition où Kaito Kid met le nez dans un grand mystère et s'allie malgré lui avec Conan pour en percer son secret. Sans pouvoir entrer trop dans les détails, sous peine de dévoiler le twist final du film, le long métrage s'inscrit dans deux contextes historiques réels. D'abord, durant la période trouble du Shinsengumi où le Japon se déchirait entre une ouverture vers le monde extérieur et ceux qui, au contraire, souhaitaient âprement refermer les frontières. Ensuite, principalement autour de l'année 1944 où l'empire japonais connaît une importante déroute militaire et cherche une solution efficace pour contrecarrer l'avancée des Occidentaux. Pour relier ces deux évènements historiques, le long métrage développe une intrigue qui repose sur une arme militaire qui aurait pu changer à jamais le cours de l'histoire japonaise. Pour autant, L'étoile à 1 million de dollars s'avère un peu moins patriotique dans son approche narrative que ne l'avait été Un détective privé en mer lointaine, beaucoup plus autocentré à la gloire de l'armée japonaise. Ce 27e long métrage est plus ouvert à la réflexion et à l'interprétation, mais sans parti pris. Comme toujours, l'intrigue mêlant Kaito Kid impose que le film commence par le vol d'un objet précieux. Sauf que, ce coup-ci, Kaito Kid ne vise pas une pierre précieuse ce qui, pour les fans comme moi, mettent tout de suite leurs sens en éveil. C'est inhabituel pour le personnage, on comprend donc dès le début que l'intrigue sera forcément hors norme.
Comme il est de coutume avec Détective Conan, l'intrigue, qui mèle complot, assassinat, résolution d'énigme, scènes d'action dantesque, s'avère une fois encore une aventure principalement collégiale. Conan n'est pas le seul maître du jeu, puisqu'il est épaulé par son grand ami et rival Heiji Hattori, mais également par tout un tas de personnages secondaires qui vont les mener tous deux à résoudre ce grand jeu de piste. Même Kaito Kid prend une grande part active à la résolution de l'intrigue, épaulant adroitement les deux détectives. Dans un sens, on retrouve la touche de Chika Nagaoka qui avait déjà réalisé le très bon film Le Poing de Saphir Bleu, malheureusement toujours inédit dans nos contrées, qui réussit à proposer un long métrage alternant avec ingéniosité une enquête rondement menée et du pur fan service adroitement intégré au reste. L'étoile à 1 million de dollars est en effet un long métrage qui fait constamment écho à de nombreuses péripéties vécues auparavant par les personnages, dont la plus cocasse d'entre elle reste évidemment ce "presque baiser" entre Heiji et Kaito déguisé en Kazuka, qui sert de ressort comique au film. L'autre particularité du long métrage est d'avoir mêlé au scénario un haut lieu culturel japonais. A savoir le Fort de Goryokaku qui existe réellement, au centre de la ville de Hakodate et qui fut le lieu historique de la défaite du Shogunat Tokugawa en 1868, marquant la fin de la période Edo au profit de l'ère Meiji. Il est de tradition que Détective Conan vante les grands lieux touristiques dans ses films.
Sur le plan technique, nous sommes en terrain connu. L'étoile à 1 million de dollars s'inscrit dans la droite lignée de ce que les précédents films avaient proposé. C'est propre, fluide, très soigné, y compris au niveau des décors. Comme d'habitude, l'animation 3D fait parfois un peu tâche (cette technologie n'est décidément vraiment pas le point fort des japonais) , mais elle est utilisée avec parcimonie. Le long métrage alterne, comme de coutume aussi, des moments très calmes, voire bavards mais importants pour l'enquête, avec des moments du pur emballement invraisemblables. La saga Fast & Furious peut clairement aller se rhabiller, car Détective Conan s'est depuis bien plus longtemps fait une spécialité dans les scènes d'actions parfois décérébrées. Je ne saurais pas vraiment l'affirmer avec certitude, car cette démesure a toujours accompagné chaque film de la franchise, mais je serais prêt à dire que c'est avec le 15e film, Les quinze minutes de silence, que Conan, surfant avec style sur une énorme avalanche, a franchi un énorme cap dans la démesure. Parfois, il en fait même un peu trop, comme la scène finale assez surréaliste de La fiancée de Shibuya. Mais, dans les faits, chaque scène d'action de la saga est devenue un moment incontournable comme attendu. L'étoile à 1 million de dollars n'y coupe pas, en proposant cette fois cinq grosses scènes d'action, chacune utilisant un engin motorisé différent (train, vespa, voiture, téléphérique et avion). C'est chaque fois totalement absurde mais extrêmement défoulant à regarder.
L'étoile à 1 million de dollars est une nouvelle fois une très belle oeuvre animée de Détective Conan. La réalisation de Chika Nagaoka est extrêmement soignée, donnant même un rôle utile aux très nombreux personnages que compte le film, et on l'applaudira aussi pour son usage astucieux du fan service, puisque le long métrage, sans nul doute appuyé par Gosho Aoyama, prend la peine de résoudre certaines gros mystères lors de séquences tout bonnement hilarantes (notamment la raison de la ressemblance entre Shinichi et Kaito, ne partez pas avant la scène post-générique !) sans pour autant noyer le spectateur néophyte. Toutefois, il est indéniable qu'il vaut mieux maîtriser un peu le sujet pour comprendre toutes les subtilités du long métrage, le traditionnel monologue d'ouverture de chaque film ne suffisant pas toujours à parfaitement saisir le contexte. Dans les bémols, on regrettera bien sûr la décision d'Eurozoom d'avoir abandonné tout doublage en français, alors que cela avait été un beau cadeau pour les fans dans les trois précédents films, même si l'on comprend totalement les raisons de ce choix purement économique et destiné à limiter au maximum les pertes car, malheureusement, Détective Conan n'est pas du tout rentable pour le distributeur. Un étonnant paradoxe quand on sait que la franchise défonce chaque année le box office au Japon. Mais tant pis, même en l'absence de version française, pouvoir avoir accès à L'étoile à 1 million de dollars de manière légale, même s'il faut constamment chercher quels cinémas veulent bien le proposer, c'est un bonheur des plus précieux car L'étoile à 1 million de dollars est réellement taillé pour être vu sur grand écran. Ne vous en privez donc surtout pas ! D'autant plus qu'il est à craindre qu'il soit le dernier distribué sur grand écran en France.
Olivier J.H. Kosinski - 26 juin 2024
La lecture des vidéos directement depuis le site nécessite l'installation des cookies "eXperience" et "Catalogue" ainsi que des cookies tiers "Youtube" et "Vimeo". Conformément à la décision de la CNIL datant du 27 juillet 2016, votre consentement est donc nécessaire pour activer cette fonctionnalité.