Le premier film de Doug sort en salle le 26 mars 1999 au Québec, puis le 28 juin 1999 en France renommé pour l'occasion Doug, le film. Probablement parce que la série ne bénéficie d'aucun doublage au Canada, c'est la version française qui est proposée sur les deux territoires. Notons qu'après une unique distribution VHS, le film n'a plus jamais été commercialisé en version française. Il est toutefois disponible sur Disney+.
Doug Fripon et son ami, Moustique Valentine, croient savoir qu'un monstre hante les eaux profondes de Bouffonville. Les deux ados en acquièrent la conviction lorsqu'ils se retrouvent nez à nez avec celui-ci ! Malgré une allure sauvage, le mastodonte se révèle plutôt sympathique ! Surnommée Herman Melville, la bête se prend même tellement d'affection pour les deux gamins qu'elle ne les lâche bientôt plus d'une nageoire ! Doug et Moustique doivent alors déployer mille et une astuces pour dissimuler leur gentil monstre aux yeux de leur entourage. Mais il n'est pas simple de trouver en permanence des cachettes pour un tel géant !
Doug, le film a deux particularités. D'abord, il n'était à l'origine pas du tout conçu, ni pensé, pour être diffusé sur des écrans de cinéma. Ensuite, Doug n'est à la base pas un personnage Disney. Par ailleurs, je pourrais ajouter une troisième particularité, qui repose sur une hypothèse de ma part, Disney ambitionnait visiblement de produire d'autres longs métrages dérivés autour du personnage car la traduction littérale du titre indique qu'il s'agit du premier film de Doug, impliquant mathématiquement un second opus, voire un troisième dans la foulée du potentiel succès du premier. Dans tous les cas, preuve en est que ce long métrage n'a pas fait très long feu dans la mémoire collective, car les ambitions initiales de Disney semblent s'être crachées avant même que le long métrage ne puisse réellement briller, à cause des choix marketing hasardeux. Pourtant, Doug revient de loin, puisqu'il s'agit d'une série animée qui fut repêchée par Disney alors qu'elle était déjà en perte de vitesse à l'époque chez la concurrence. Car la série Doug, comme indiqué plus haut, est initialement née sur Nickelodeon, filiale pour enfants du groupe Paramount Pictures avant d'être rachetée par Disney quelques années plus tard. Mais revenons au début de cette histoire.
Doug est ainsi imaginé par James "Jim" Jinkins. Mais les origines de sa conception sont particulièrement insolites. Bien qu'ayant commencé tôt à travailler dans le milieu de l'industrie pour enfants, Jim Jinkins commence à développer les premiers contours de son futur personnage pour les besoins de publicités télévisées. Il imagine alors un jeune garçon ordinaire accompagné d'un chien, les futurs Doug et Fino en français (les adaptateurs ayant sans nul doute fait un clin d'oeil à l'Inspecteur Gadget en choisissant ce nom). En 1990, Jim Jinkins développe un épisode pilote, Doug Can't Dance dont on trouve une version crayonnée sur YouTube, qu'il soumet à Nickelodeon. Contre toutes attentes, cet épisode pilote reçoit des louanges et la chaîne donne immédiatement son feu vert pour lancer une série animée hebdomadaire. Jim Jinkins en profite alors pour fonder la société Jumbo Pictures afin de pouvoir concevoir la série. Bien que la plupart des caractéristiques et de l'entourage du personnage soient déjà en place, la série animée met en scène un jeune garçon typique du début des années 1990, mais un peu à contre-courant des ados rebelles que l'on avait l'habitude de voir. Plutôt introverti, Doug a surtout une imagination débordante où il s'imagine en héros quand il se trouve face à un dilemme. Bref, un jeune garçon de 11 ans qui se cherche encore mais manque encore de maturité pour pouvoir aborder la vie sereinement. La plupart des épisodes de la série sont d'ailleurs présentés façon journal intime, où Doug nous raconte ses tourments intérieurs.
Parmi les choix surprenants faits autour de la série télévisée, Doug propose des personnages assez bigarrés qui étaient assez inhabituels en ce temps-là. Hormis ses contemporains les Simpson avec leur jaune criard caractéritique, Doug propose toute une panoplie de personnages aux couleurs trés variées qui vont du rose au violet, en passant par le vert, le brun ou l'orange. Une façon habile de rendre l'univers varié et noyer, avec trente ans d'avance, les polémiques multiculturelles. Dans les grandes lignes, Doug reste toutefois dans l'esprit des séries américains du début des années 1990, avec son cortège d'écoliers plutôt clichés dont la vision a particulièrement été influencée par Sauvés par le gong notamment. On y trouve le rigolo-désaxé-incompris dans Moustique, on a Patti, la jeune fille charmante dont le héros s'éprend mais qui a le chic de changer d'avis comme de chemise, Roger, le trouble-fête-punk qui passe son temps à rabrouer le héros, Bibi qui se croit le centre de l'univers, Judy, la grande soeur BCBG, Bud le vieux confident pas totalement sorti de l'enfance comme soutien moral, Bob, le maire un peu excentrique, sans oublier les parents un peu dépassé par leur adolescent. Bref, quelque chose d'assez classique dans les années 1990.
Doug fait ses premiers pas sur les écrans américains de Nickelodeon les 11 août 1991, aux côtés de deux autres séries qui font leurs débuts au même moment : Ren et Stimpy et, surtout, les célèbres Razmoket. Alors que personne ne s'y attend, la bande de bambins en couches va rapidement venir bousculer les prévisions initiales de Doug, alors portée comme série majeure sur les trois. Au fil des semaines, puis des mois qui suivent, Les Razmoket vont devenir un vrai phénomène de société qui, comme toujours, est assez difficile à expliquer même après plusieurs années de recul. Les Razmoket sont à la base une série plutôt à destination des pré-scolaires, là où Doug s'adresse à un public d'enfants plus âgés. Mais, curieusement, Casse-Bonbon et sa bande vont réussir à se faire apprécier par toutes les tranches d'âge, y compris les adultes. Dès lors, Doug finit par se faire damer le pion mais aussi, dans une moindre mesure, par Ren et Stimpy. Si Nickelodeon envisage un temps de concevoir un film dérivé pour Doug, en signant un partenariat avec 20th Century Fox en 1993, l'idée est finalement sabordée avant même d'être concrétisée à peine un an plus tard. Viacom entre dans la danse cette année-là, en rachetant Paramount Pictures et toutes ses filiales, ce qui condamne définitivement l'idée de produire un film. Viacom fait d'ailleurs en même temps le ménage, découvrant que Doug n'est pas populaire, ce qui condamne également la série qui s'arrête au bout de 52 épisodes.
Ayant perdu son contrat et la plupart de ses financements, Jim Jinkins et son associé David Campbell sont dès lors obligés de mettre en vente leur société Jumbo Pictures. C'est Disney qui s'en porte finalement acquéreur en 1996, récupérant au passage les droits autour de Doug, tout du moins pour tout ce qui sera produit à partir de cette année-là. Les épisodes originaux restant, définitivement, dans le giron de Paramount Pictures. Sentant le potentiel caché derrière le personnage, Disney redonne alors sa chance à la série animée et commande 3 saisons supplémentaires. Quelques aménagements sont effectués pour cette reprise. En premier lieu, chaque épisode va désormais durer 22 minutes et proposer une seule intrigue, là où la première série était plutôt un amalgame de plusieurs scénettes. Disney flanque également dans les pieds de Doug une petite soeur, fait plusieurs bouleversements dans la personnalité des personnages afin d'éviter tout potentiel contentieux juridique avec Nickelodeon et remet sur les rails la série le 07 septembre 1996 sur ABC. A l'exception des changements conceptuels, et d'une montée naturelle en compétence graphique, la nouvelle série Doug ressemble finalement énormément à la première. Ce qui est logique puisque c'est la même société Jumbo Pictures qui continue de réaliser les nouveaux épisodes. Ainsi réaménagée, Disney espère pouvoir concurrencer Les Razmoket restées chez le concurrent.
Ce sera évidemment totalement peine perdue, Les Razmoket étant à ce moment là au sommet de leur popularité mondiale, qu'aucune autre série, si ce n'est une célèbre éponge carrée jaune, n'arriveront à surpasser. Pour autant, Disney considère les audiences de Doug comme très bonnes, c'est même le plus gros succès de la chaine ABC. Suffisamment en tout cas pour réamorcer l'idée d'en produire un grand long métrage de conclusion, long métrage envisagé dès 1993 mais abandonné suite au rachat de Paramount Pictures par Viacom. Toutefois, Disney est encore à ce moment là plutôt raisonnable dans son approche, Doug, le film sera destiné au marché vidéo. Sauf qu'une fois encore, Les Razmoket viennent bousculer les prévisions initiales. Leur premier film au cinéma est un immense succès commercial. De ce succès, Disney n'y perçoit pourtant que les chiffres, mais pas les ambitions cachées derrière : faible budget de conception, massives retombées économiques. Certes, Nickelodeon n'a pas alloué un énorme budget, mais Les Razmoket, le film a été pensé et conçu pour être projeté au cinéma. Ce n'est pas du tout le cas de Doug, le film dont le destin change en cours de route, mais sans la montée de budget adaptée. Dès lors, Doug, le film se trouve coincé entre deux chaises. Il n'a clairement pas les épaules taillées pour le cinéma, mais se trouve propulsé en tête d'affiche forcé par Disney. Pire encore, en faisant ce choix, le public s'attend à une qualité supérieure, au moins à l'image de La bande à Picsou, le film - Le trésor de la lampe perdue et Dingo & Max, alors à l'époque les deux premiers films Disney animés inspirés de séries télévisées. Quand Doug, le film déboule en salle, tout le monde déchante complètement, à la fois les non connaisseurs qui sont parachutés dans une intrigue nébuleuse sans introduction convenable, tout comme les fans qui n'y voient rien d'autre qu'un long épisode maladroitement étiré en longueur. Plus gênant encore, la qualité graphique du film est assez vivement critiquée par tous.
Ma découverte de Doug, le film est également fortuite à la base. Pendant longtemps, je n'ai pas su qu'il existait un film tiré de la série télévisée. Diverses raisons à cela. L'une d'elle, c'est parce que je n'ai jamais été grand amateur de cette série, souvent rediffusée mais que je trouvais brouillonne, voire insipide. Je trouvais Doug insupportable dans sa façon d'être, son monde de rêverie, son manque d'ambition et ses tourments existentiels qui me passaient au-dessus de la tête. Je n'ai jamais non plus réussi à rentrer dans la série, vis-à-vis de son doublage français que j'ai toujours trouvé extrêmement agaçant, particulièrement celui de Christophe Lemoine sur le personnage principal. Enfin, bien que ce fut assez brièvement mon ambition au tout début de la création du site, je n'ai jamais particulièrement aimé aucune série animée Disney. Ça a toujours été un paradoxe chez moi, grand amateur des longs métrages Disney mais incapable d'apprécier la moindre de leurs séries animées. De fait, Doug, le film m'est passé sous le nez durant des années, sans que j'y trouve à y redire. C'est Zuzu de ChroniqueDisney qui m'a fait découvrir ce film il y a quelques années déjà. Je n'en ai pas gardé un souvenir mémorable, puis l'ai enfouit dans les tréfonds de ma mémoire. Est alors venu le temps de l'élargissement de la ligne éditoriale du site en 2012, où j'ai continué de faire l'autruche en repoussant l'analyse de ce film. J'ai lancé une saison 2, puis une saison 3 en faisant constamment l'impasse sur lui. En 2019, pour la saison 4, je me suis dit qu'il serait enfin temps. Il m'aura fallu cinq ans pour en voir le bout !
Pourquoi ai-je tant de mépris pour Doug, le film ? Objectivement, il n'y a vraiment rien de si répréhensible dans ce long métrage qui fait plutôt bien son boulot dans l'ensemble. C'est donc purement subjectif : je n'arrive pas à rentrer dans cet univers. Même les horreurs produites par Richard Rich ne m'ont pas autant rebutées comme Doug puisse le faire. Car, dans les grandes lignes, Doug, le film tente, à sa manière, d'apporter une morale à ses spectateurs. Le scénario traite d'un sujet merveilleux (la rencontre avec un être fantastique), lorgne du côté des intrigues complotistes à la X-Files, met en avant les dérives capitalistes, pose un regard intéressant sur les conséquence de la pollution, Doug, le film essaie même de répondre à certaines questions laissées en suspens dans la série, tout en apportant quelques gags de-ci, de-là. Mais à part ça, le film est globalement ennuyeux dans sa construction, on est parachuté dans une intrigue qui ne prend jamais le temps d'introduire son univers et, à moins d'être un fan attentif, on passe à côté de la totalité des références à la série. Bref, malgré toutes ses bonnes volontés, Doug, le film restera un long métrage que je ne parviendrais sans doute jamais à apprécier.
Olivier J.H. Kosinski - 19 avril 2024
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Doublage (France - 1999)
Doug Fripon : Christophe Lemoine
Moustique Valentine : Eric Chevallier
Patti Mayonnaise : Amélie Morin
Fino : Sophie Deschaumes
Herman Melville : Adrien Antoine
Guy Graham : Thierry Wermuth
Roger Klotz : Charles Pestel
Bill Bouffon : Daniel Beretta
Beebe Bouffon : Sybille Tureau
Monsieur Dink : Claude Nicot
Père de Doug : Jacques Bouanich
Mère de Doug : Dominique Bailly
Judy Fripon : Virginie Ledieu
M. White : Jean-Claude Donda
Robot Bousilleur : Brigitte Virtudes
Claudie Benge : Charlyne Pestel
Moo Slech : Cédric Dumond
Charly : Marc Séclin
Briar Langolier : Elisa Bourreau
Madame Dink : Sophie Deschaumes
Ned : Adrien Antoine
Boomer : Adrien Antoine
Willie : Adrien Antoine
Swirley : Claude Nicot
le narrateur de Cailleman : Claude Nicot
Phil : Jacques Bouanich
Theda : Dominique Bailly
Mlle Perigrew : Dominique Bailly
Larry : Jean-Claude Donda
1er assistant de M. Bouffon : Jean-Claude Donda
Lincoln : Cédric Dumond
Elmo : Cédric Dumond
1er agent de M. Bouffon : Marc Séclin
Sources :
Planète Jeunesse