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Sélection Gulli
Jack et la mécanique du coeur

Jack et la mécanique du coeur est un long métrage d'animation français inspiré par l'album studio La mécanique du coeur du groupe Dionysos, lui-même inspiré par le roman du même nom écrit par Mathias Malzieu. D'abord proposé en avant première mondiale au Arras Film Festival le 17 novembre 2013, il sort officiellement en salle le 05 février 2014 en Europe francophone. Au Québec, comme sur le reste du continent Nord-Américain où il n'est pas proposé en salle, il est directement distribué en vidéo à partir du 07 septembre 2014. Le film ayant été réalisé en France, il ne dispose que d'un unique doublage français.

Le film intégre la collection numérotée Gulli le 02 novembre 2014 où il porte le numéro 58. Il s'agit officieusement du dernier film de cette collection numérotée car les numéros suivants ont été annoncés mais, finalement, n'ont jamais été distribués dans le commerce, expliquant l'absence incongrue des numéros 59 et 60 probablement réservés à deux films qui n'ont finalement jamais été dévoilés.

L'intrigue

Né le jour le plus froid du monde, Jack se retrouve avec le coeur gelé. Il survivra grâce à une horloge mécanique montée à la place de son coeur, mais devra absolument respecter 3 lois : ne pas toucher à ses aiguilles, maîtriser sa colère et surtout ne JAMAIS tomber amoureux. Sa rencontre avec Miss Acacia va alors précipiter la cadence de ses aiguilles. Prêt à tout pour la retrouver, Jack se lance dans une quête amoureuse qui le mènera d'Edimbourg à Paris, jusqu'aux portes de l'Andalousie...

Analyse de l'oeuvre

Je m'attendais à toute autre chose quand j'ai lancé la projection de Jack et la mécanique du coeur. Il faut dire que l'emballage et le résumé ont été particulièrement trompeurs. Je ne m'étais d'ailleurs pas renseigné au préalable sur les véritables origines de l'intrigue. Ce n'est qu'à la suite d'un certain malaise ressenti devant le long métrage que j'ai commencé à creuser un peu plus la question. Et plus j'ai fait de découvertes sur son compte, plus mon mal-être s'est exacerbé au point de finir par me dire que cette histoire avait un gros problème dont la version animée, pourtant très fortement édulcorée, n'a pas du tout réussi à en dissimuler les contours. Mais revenons au début avant de poursuivre. A l'origine de tout, il y a donc un livre écrit par Mathias Malzieu, membre du rock français Dionysos dont je dois reconnaître n'avoir jamais connu leur répertoire jusqu'à ce jour. Comme quoi on peut passer à côté de certains artistes sans même s'en rendre compte. Toujours est-il qu'il imagine une intrigue mettant en scène un jeune homme au destin des plus intrigants : il a une horloge mécanique implantée dans sa poitrine qui bat à la place de son coeur. Parmi les influences évidentes, les prémices de contour de l'intrigue semblent puiser du côté des univers oniriques à la Tim Burton. Sauf que c'est là que commence la première phase de désillusion autour de l'oeuvre. On s'attend dans un premier temps à plonger dans un univers proche d'Edward aux mains d'argent dans une esthétique stop motion à la Coraline qui sied si merveilleusement à ce genre d'univers. Mais ce n'est malheureusement pas du tout le cas de ce film entièrement tourné en 3D terne et triste. De plus, Mathias Malzieu n'a clairement pas du tout la même sensibilité, ni la même approche et encore moins la capacité de proposer un imaginaire onirique, ce qui rend son oeuvre à la fois trop bavarde et trop fouillie.

La mécanique du coeur semble, au premier abord, être un conte pour enfant gentillet, en témoigne sa couverture d'origine et son contenu qui ne compte qu'une centaine de pages. Pourtant, chapitre après chapitre, je me suis vite rendu compte que son contenu était loin de ce qu'on est supposé y trouver. Au fur et à mesure, j'ai eu la désagréable impression de lire une histoire érotique à peine dissimulée sous ses faux airs gentillets et mignons. L'intrigue, assez mal écrite en fin de compte, parle d'un amour obsessionnel, disons même d'un désir ardent, quasiment à sens unique (forçage de situation, méthode amoureuse cavalière), pour la conquête d'une femme sans chercher une seule fois son consentement et sur un ton très pressant (Jack n'ayant que pour seul but de "la mettre dans son lit" littéralement dans le roman), le tout porté avec un langage régulièrement très vulgaire ("ce con") emplit d'allusion sexuelles même pas déguisées ("Ce n'est pas mon nez qui s'allonge", la phrase la plus soft du texte) et bourrée d'anachonismes qui nous sortent constamment du récit, tout comme ses innombrables illogismes qui questionnent sur le manque évident de cohérence du roman. Alors que La mécanique du coeur voudrait être un beau voyage initiatique, Mathias Malzieu en oublie de le décrire. Au fil des pages, le récit ressemble au journal intime d'un vieil homme en fin de vie, limite pervers comme on en trouve dans beaucoup de mangas japonais, qui se remémore sa jeunesse, s'épanchant avec tristesse sur ses lourds regrets du début de sa vie sexuelle. Le lecteur que je suis se sent dès lors totalement exclu d'une intrigue à laquelle je n'arrive jamais à me sentir impliqué. Jack, et l'auteur par extension, limites dépressifs, semblent coincés dans un passé révolus dont ils se retrouvent piégés et n'arrivent pas à en sortir. Comme une sorte de nostalgie malsaine.

Quant au voyage lui-même, je le cherche encore. L'aventure est précipitée, passe sous silence tous les endroits que traverse Jack durant son périple, à l'exception de clichés très brefs sur quelques villes étapes. La mécanique du coeur n'invite clairement pas le lecteur à imaginer quoi que ce soit, ni d'avoir une idée précise sur une quelconque situation. Le roman est bavard, mais ne raconte rien, ne permet jamais d'imaginer quoi que ce soit et ne décrit rien. Une problématique que l'on retrouve aussi dans Jack et la mécanique du coeur qui, désespérément, crée des séquences oniriques caches-misères jamais une seule fois connectées entre elles. Tout est visuellement décousu, sans cohérence aucune, si ce n'est un semblant de mince fil conducteur dont je cherche toutefois la logique. Un train accordéon ? Oui, c'est joli avec la chanson mais, sérieux, quel est le rapport avec le reste qui cherche le réalisme ? Et Jack l'éventreur ? Il fait quoi dans cette galère puisque sans rapport avec l'intrigue ? De fait, Jack et la mécanique du coeur ressemble à un grand bricolage de vidéoclips maladroitement reliés entre eux. Le roman, comme le long métrage, passent du coq à l'âne sans transition aucune, rendant l'ensemble affreusement décousu. Le long métrage, comme le roman, restent constamment à la surface des choses, tout est fonctionnel, tout est artificiel mais n'a rien de poétique, de fait tout devient factice. Quelque chose est là juste parce qu'il faut que ce soit là. L'intrigue manque cruellement de consistance. Heureusement, Jack et la mécanique du coeur réaménage de nombreuses scènes assez problématiques, la conclusion s'avère d'ailleurs complètement différente par rapport à celle du roman, même si elle ne reste pas dans les annales elle non plus.

La principale modification entre La mécanique du coeur et Jack et la mécanique du coeur tient au fait que la version animée fait le choix d'adapter l'intrigue à la façon d'un conte pour enfant, se débarrassant de tous les épisodes explicitement "sensuels" du roman. Par certains côtés, La mécanique du coeur ressemble à une très mauvaise fiction soap que le groupe AB Production n'aurait pas reniée durant les années 1990 : je t'aime, moi non plus, rival, trouble de personnalité, caca nerveux, je t'aime plus mais je t'aime quand même, je te déteste pas mais je te pique ta femme, duel, black out, réveil à la réalité, déprime, rideau, serial killer… euh, je m'égare. Quoi que, le roman enfonce bien le clou en y ajoutant une mère toxique dans la droite lignée de Norma Bates, qui saccage le peu de bonheur qui restait à l'intrigue, ce qui aurait largement pu engendrer un Norman Bates psychopathe plutôt qu'un Jack névrotique.  Au contraire, Jack et la mécanique du coeur essaye de se rapprocher du conte "à la Disney", en faisant de Jack un être rejeté par la vie qui tente de triompher dans l'adversité. Enfin, si l'on oublie la superbe mauvaise foi de Joe qui prétend en chanson avoir complètement changé mais s'échine à torpiller la relation amoureuse de Jack pour lui faire le plus de mal possible, tout comme la conclusion où, en bel égoïste qu'il finit par devenir, Jack préfère renoncer à la vie et faire souffrir la seule personne qu'il aimait jusque là. Tout comme Joe s'est entiché de détruire la vie amoureuse de Jack, Jack s'est amusé à jouer durement avec les sentiments de Miss Acacia qui n'avait rien demandé et vivait bien sa vie avant de le revoir. La preuve, elle avait même réussi à tomber amoureuse d'un parfait "inconnu" à en oublier son premier amour fugasse. Je ne sais pas vraiment où les scénaristes voulaient en venir en rectifiant la fin déprimante initiale du roman, mais elle s'avère du coup encore plus absurde dans le film.

Jack et la mécanique du coeur souffre également d'un gros problème de casting. Je comprends parfaitement la logique d'avoir convié tous les protagonistes ayant, de près comme de loin, travaillés autour de La mécanique du coeur sauf que cela crée une énorme dichotomie dans le film. La plupart des protagonistes sont de très jeunes enfants, mais ils sont systématiquement joués par des acteurs bien trop vieux. On ne croit, jamais, à ces voix qui ressemblent, en exagérant à peine, à des vieillards piégés dans des corps d'enfants. La voix de Mathias Malzieu ne colle absolument pas au personnage de Jack, ce n'est pas mieux pour Grand Corps Malade qui déblatère du rap en alexandrin avec Joe. Olivia Ruiz s'en sort peut-être un peu mieux, mais Miss Acacia est tellement un personnage prétexte qu'on finit par l'oublier bien vite. Seuls Marie Vincent et, plus étonnant, Jean Rochefort, bien qu'il se mette parfois à bafouiller d'enthousiasme, sortent leur épingle du jeu avec une certaine malice, faisant réellement corps avec leurs personnages. Une chose est sûre, Jean Rochefort s'amuse beaucoup dans ce film. Quant aux autres personnages, il faut obligatoirement se tourner vers le roman pour avoir un semblant de consistance à leur encontre, tant leur présence est limitée et peu explicitée à l'écran. Jack et la mécanique du coeur se concentre uniquement sur Jack, passant sous silence tout ce qui gravite autour de lui.

Reste une dernière chose, la bande originale. J'avais laissé de côté cette information, mais entre le roman et le film, il y a également eu un album studio. L'album et le roman sont d'ailleurs étroitement liés entre eux, le film devenant simplement la synthèse des deux. La mécanique du coeur de Mathias Malzieu a servi de base à la construction "audio" de l'intrigue. Une approche artistique des plus intéressantes, je dois le reconnaître. Dans le milieu culturel, artistique comme dans la fiction, on a toujours aimé relier ses créations entre elles. Parfois c'est juste un thème général, parfois c'est une grande idée, d'autres fois on crée un grand folklore, ou bien c'est simplement une question de sensibilité, ce qui aboutit toujours à une sorte de cohérence générale. Dans le monde de la fiction animée, Daft Punk s'y est d'ailleurs déjà essayé il y a déjà 20 ans avec Interstella 5555: The Story of the Secret Star System. Mathias Malzieu a lui préféré construire un album entier gravitant autour du roman, piochant ici et là les idées à partir du texte pour leur donner une sonorité particulière. Même si je n'ai pas vraiment accroché au contenu de l'album, je dois admettre qu'à travers ce seul média, l'histoire de Jack fonctionne, tout du moins si l'on fait fi des accents "franglais" et "frañol" catastrophiques de ses interprètes. Cette histoire aurait d'ailleurs dû rester cantonnée à cet unique média, construite à partir d'une même mythologie générale mais non publiée en librairie. Clairement, l'existence même du roman fait du tort aussi bien à l'album qu'au film d'animation.

Alors que Jack et la mécanique du coeur semble naturellement s'imposer comme un beau conte romantique, il suffit d'un peu trop gratter la surface pour se rendre compte que le message du film passe au contraire totalement à côté de l'idée initiale. Pire, l'intrigue est en total contresens avec ce qu'on tente de nous vendre. Car, reconnaissons-le, la pauvre Miss Acacia est réduite à une proie asservie par deux hommes manipulateurs et menteurs, qui jouent sans vergogne avec ses sentiments sans jamais une seule fois chercher à savoir ce qu'elle veut vraiment. Si le film d'animation élude totalement la tentative de reconquête amoureuse victorieuse de Joe, tout aussi questionnable sur la manipulation de la jeune femme, et le forçage de Jack d'avoir des rapports non consentis par elle, Jack s'impose en véritable victime alors qu'il est la cause première de la dispute avec Miss Acacia. Il lui a délibérément caché les véritables raisons de sa fuite vers l'Andalousie. Dans le roman, Miss Acacia finit d'ailleurs par complètement le rejeter pour ses nombreux mensonges (même s'il continue constamment à lui tourner autour tel un ex éconduit n'ayant pas accepté la rupture, c'est assez glauque), ce qui a bien plus de sens que d'abandonner sa dulcinée à ses questionnements et à la souffrance, sans même chercher à s'expliquer comme le propose le film d'animation. Au final, Jack et la mécanique du coeur se résume à la conquête de deux hommes pour rien de plus qu'un gros lot d'une loterie qui n'a pas son mot à dire sur la question, joué par des comédiens bien trop vieux par rapport à l'âge des protagonistes apparaissant à l'écran, et qui semblent projeter leurs anciennes rancoeurs de n'avoir pas réussi leur coup. On finit par se poser des questions sur l'inspiration de cette intrigue qui serait possiblement tirée du véritable vécu de Mathias Malzieu. Or, un film d'animation, c'est avant toute chose une aventure animée artistique qu'on s'attend à voir, mais définitivement pas une expérience de type visual novel japonais de simulation de drague.

Olivier J.H. Kosinski - 21 octobre 2023

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La voir sur Youtube

Voxographie Francophone

Doublage (France - 2013)

Jack : Mathias Malzieu

Georges Méliès : Jean Rochefort

Miss Acacia : Olivia Ruiz

Joe : Grand Corps Malade

Madeleine : Marie Vincent (Dialogues)

Madeleine : Emily Loizeau (Chant)

Arthur : Arthur H

Luna : Rossy de Palma

Anna : Babet

Homme qui pleure : Cali

Brigitte Heim : Dani

Jack l'Éventreur : Alain Bashung

Petite fille blonde : Moon Dailly

Jeune mère : Chloé Renaud

Sources :
Carton Générique

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