Kubo et l'épée magique sort en salle au Québec le 19 août 2016, puis le 21 septembre 2016 en France sous le titre Kubo et l'armure magique. Visiblement, les adaptateurs francophones ont tous deux fait un choix contradictoire avec l'intention des auteurs américains, puisqu'il est question de "cordes" dans le titre original (Kubo and the Two Strings) qui sont centrales dans l'intrigue, nettement moins que les deux pièces d'équipement qui sont mises en avant par les deux titres en français. Pour garder un semblant de titre plus raccord, le choix aurait du se porter par exemple sur Kubo et les deux liens, se rapportant à la fois aux deux cordes de l'instrument de Kubo et à ses deux accompagnateurs, même si cela paraît forcément moins vendeur.
Kubo, un jeune garçon aussi intelligent que généreux, vit avec sa mère dans un petit village de bord de mer. Il gagne sa vie grâce à son don pour conter des histoires en donnant vie à des origamis. Mais cette existence paisible est bouleversée quand il oublie de rentrer chez lui avant la tombée de la nuit. Il déchaîne alors la fureur d'un roi démon qui désire s'emparer de son oeil, le réceptacle de sa puissante magie. Kubo doit alors se lancer dans une quête épique pour percer le secret de ses origines...
Pour leur cinquième long métrage animé, le studio Laïka s'inspire de légendes japonaises auxquelles il entremêle aussi la mythologie chinoise. Les récits contant l'existence d'un peuple sur notre Lune sont très anciens, on en compte un certain nombre dans tous les pays du monde. C'est particulièrement vrai en Asie, où il existe différentes versions les mettant en scène. Kubo et l'armure magique forge son récit en empruntant et en combinant plusieurs d'entre elles. Ainsi, on trouve la légende japonaise de Tsukuyomi, la divinité lunaire qui règne sur la nuit. Plus familier du public occidental grâce à son adaptation par le studio Ghibli, le récit de la Princesse Kaguya évoque un peuple perché sur le satellite dont toute émotion n'a plus aucune forme d'existence. Du côté chinois, c'est principalement la légende de Chang'E qui vient à l'esprit, car récemment adaptée dans un film d'animation sur Netflix et dont existent plusieurs variantes. L'une d'entre elles évoque son époux Yi. Dans cette légende chinoise, Yi est le fils de l'Empereur Céleste immortel. Archer émérite dont les exploits sont innombrables, Yi tombe finalement amoureux d'une jeune humaine. A tel point qu'ils se marièrent et que Yi en oublia de retourner sur la Lune. Pris de fureur, l'Empereur Céleste renia son fils et lui ferma à jamais la porte de son Royaume. Mais, malgré tout le bonheur d'une vie maritale, Yi commença à regretter sa condition de mortel. Il chercha alors un moyen de retourner sur la Lune avec Chang'E, qu'il trouva dans une potion d'immortalité convoité par l'un de ses disciples. Mais c'est elle qui fut contrainte de l'utiliser, s'envolant alors vers le ciel sans lui, tout en pleurant de voir Yi assassiné par ce disciple.
Kubo et l'armure magique propose une grande histoire fantastique qui mélange en grande partie ces divers éléments pour servir de base à son récit. De l'un, le scénario emprunte la relation amoureuse entre un membre de la communauté céleste et celle d'un humain, en inversant simplement le contexte. C'est la femme qui descent de la Lune et l'homme qui vit sur Terre. Des autres, le récit emprunte l'histoire du Roi tyrannique qui se voit dépourvu de la moindre émotion, auquel s'ajoute la forte symbolique des liens du sang, très ancrée en Asie. En découle alors une intrigue, assez simple, mais très efficace : le Roi de la Lune cherche à retrouver son lointain héritier afin de le ramener sur la Lune où il pourra vivre une longue vie immortelle débarrassée de toutes les faiblesses humaines. A cela s'ajoute la symbolique du voyage initiatique où le jeune héros va devoir affronter diverses épreuves pour transfigurer sa condition humaine, propre à tous les jeux de rôles asiatiques. Kubo va donc devoir, tour à tour, découvrir la vérité sur ses origines, subir des pertes tragiques, récupérer des objets mystiques, affronter toutes sortes de créatures mythologiques, sans oublier de subir quelques twists.
Pour mettre en forme son long métrage animé, Laïka réemploi de nouveau la technique d'animation en volume, en la combinant à la technologie informatique. Les équipes vont toutefois un peu plus loin que dans leurs films précédents puisque, en dehors des images animées en 3D, ils utilisent cette fois aussi des maquettes géantes animées par ordinateur. Ce sont en quelque sorte des animatroniques de taille XXL qui nécessitent d'être manipulées avec soin et, surtout, une précision chirurgicale comme on peut justement le voir dans le générique de fin. Laïka pousse d'ailleurs le soin du détail à un niveau rarement vu en animation en volume, puisque l'équipe a conçu de très nombreux costumes, dont la grande majorité sont uniques, pour chacun de leurs petits personnages, même secondaires. Le studio s'amuse aussi à reproduire à plusieurs reprises le principe du plan-séquence tout en rendant également très fluide les diverses transitions entre chaque scène du film. Laïka s'inspire aussi beaucoup de l'histoire de l'art japonais, en utilisant régulièrement les cinq couleurs les plus fréquentes parmi les estampes japonaises, à savoir le vert, le brun, le rouge, le blanc et le bleu. Si vous y prêtez attention, vous remarquerez que chacune des grandes scènes du film est marquée par l'une de ces cinq couleurs, voire par l'opposition de deux d'entre elles.
L'autre particularité de Kubo et l'armure magique est de mettre en avant le Tsugaru Shamisen, l'instrument à trois cordes typique du Japon avec lequel on joue avec une sorte de racloir très caractéristique. L'instrument de musique joue d'ailleurs un rôle majeur dans le récit, ce qu'aucun des adaptateurs ayant choisi les deux titres francophones n'a visiblement saisi. Kubo et l'armure magique s'inscrit également dans l'esprit traditionnel du théâtre Kabuki où sont mis en avant les conflits moraux et les relations nébuleuses entre les membres d'une même famille. On pourrait d'ailleurs reprocher à Kubo et l'armure magique de manquer de consistance, voire de clarté à ce sujet. C'est indéniable, le long métrage n'explique pas vraiment les choses, il ne dessine que les grands principes aux mépris de certaines logiques narratives. Il ne faut pas se poser les questions sur le pourquoi du comment (par exemple, que fait l'armure au fond de l'océan), ce genre de considération n'a pas lieu d'être au théâtre Kabuki. C'est l'aboutissement et le cheminement de la quête qui sont importants. D'ailleurs, Laïka parvient assez habilement à noyer le poisson à ce sujet, puisque ce n'est qu'après coup, à la fin de la projection donc, que l'on se met à repenser à ces détails. Preuve que la narration fonctionne, même si la causalité est en grande partie inexplicable. Notons aussi que Kubo et l'armure magique s'amuse aussi à rendre hommage à l'origami, plus particulièrement à la légende des mille grues et de son voeu de parvenir un jour à trouver le bonheur.
Bien que le thème principal du film repose en partie sur elles, il lui manque une toute petite étincelle d'émotions qui empêche de pleinement s'attacher aux différents personnages dont on ne parvient pas pleinement à apprécier. La faute au manque de contextualisation, même en ayant connaissance des mythologies dont le récit s'inspire. De plus, la plupart des révélations du long métrage sont assez prévisibles et manquent assez fortement d'impact. Malgré tout, l'aventure de Kubo et l'armure magique, menée tambour battant, s'avère tout de même très palpitante, ce qui sauve les apparences. L'animation en volume n'est jamais à prendre en défaut, tout comme l'outil informatique utilisé avec ingéniosité, ce qui sert l'intrigue de façon très efficace. Ce qui n'est pas si mal en fin de compte.
Olivier J.H. Kosinski - 30 mars 2023
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Doublage (Québec - 2016)
Kubo : Frédéric Larose
Karasu : Kim Jalabert
Washi : Kim Jalabert
Hanso le scarabée : Frédérik Zacharek
Raiden le Roi Lune : Frédéric Desager
Mari : Elia St-Pierre
Hashi : Antoine Durand
Hosato : David Laurin
Sariatu : Camille Cyr-Desmarais
Kameyo : Chantal Baril
Doublage (France - 2016)
Kubo : Kylian Rehlinger
Sariatu : Sophie Broustal
Singe : Sophie Broustal
Scarabée : Jérome Pauwels
Le Roi Lune : Bernard Lanneau
Les Soeurs : Julie Cavanna
Kameyo : Frédérique Cantrel
Hashi : Jean-Jacques Nervest
Hosato : Patrick Simon
Mari : Eve Lorrain