Le conte de la Princesse Kaguya devait à l'origine être diffusé en salle en même temps que Le vent se lève, cependant en raison de retard accumulé par Isao Takahata pour achever convenablement son film, sa sortie fut repoussée au 23 novembre 2013 au Japon. Il s'agit de la toute dernière oeuvre du réalisateur. En France, il fut projeté en salle à partir du 25 juin 2014. Le film n'a jamais été distribué en salle au Québec et ne dispose pas non plus de version québécoise.
Une minuscule princesse est découverte dans la tige d'un bambou. Élevée par un vieux coupeur de bambou et son épouse, elle devient une séduisante jeune femme. De la campagne lointaine jusqu'à la grande capitale, sa beauté suscite l'engouement auprès de tous ceux qui la rencontrent et fascine en particulier cinq nobles prétendants, qui vont devoir relever d'impossibles défis dans l'espoir d'obtenir sa main. Le temps venu, elle devra finalement affronter son destin...
Isao Takahata semble affectionner la dramaturgie dans la plupart de ses oeuvres. Pour son dernier film, il nous invite à nous plonger dans un immense cahier à dessin dont chaque crayonné prend vie pour nous raconter la trop courte vie d'une jeune fille née dans un bambou. Il cultive également un goût prononcé pour le mystère puisqu'il distille avec parcimonie les tenants et aboutissements du récit pour nous conduire vers une révélation finale ingénieuse, pour ma part inattendue. D'une certaine manière le réalisateur nous y avait déjà préparé. On retrouve dissimulé dans ses quatre précédents films des choses que l'on retrouve magnifié dans Le conte de la Princesse Kaguya. D'autant que son choix artistique d'en faire un film à l'aspect crayonné lui donne un cachet intemporel irrésistible. Par quel aspect dois-je commencer pour évoquer ce long métrage d'animation ? Par son magnifique récit ? Par sa magnifique musique ? Par sa magnifique mise en scène ? Par son magnifique graphisme ? La vie est injuste quelquefois. Alors, parlons de l'histoire de la jeune fille, tout en évoquant tout le reste au fur et à mesure, puisque tout est reliée à elle.
Nous avions déjà eu l'occasion d'apercevoir le conte du coupeur de bambou très rapidement évoqué dans la scène d'introduction de Mes voisins les Yamada. Il en est également de même du peuple de la Lune qui défilait parmi tant d'autres figures mythiques japonaises dans Pompoko. Le conte de la Princesse Kaguya s'inspire du plus ancien récit médiéval japonais connu à ce jour. Il existe cependant plusieurs variantes sur les raisons de l'arrivée de la jeune fille sur Terre : dans l'une elle fut chassée et condamnée à expier sa faute parmi les humains de la Terre ; dans l'autre elle fut envoyée sur Terre par son père pour échapper à un conflit céleste ; dans une autre encore, elle fut envoyée sur Terre pour apporter joie et bonheur à tous ceux qui la rencontreraient. Isao Takahata choisit une approche complètement différente sur les raisons de son arrivée sur Terre que je ne révélerai pas ici, vous laissons le plaisir de le découvrir par vous même. Dans tous les cas de figure, l'introduction de l'histoire est toujours la même. Un coupeur de bambou, qui n'avait jamais pu avoir d'enfant, découvre dans le coeur d'un bambou une petite fille pas plus grande qu'une main qu'il décide immédiatement d'adopter, voyant là un présage divin. Une histoire qui nous en rappelle une autre, celle de Poucette dans le conte écrit par Hans Christian Andersen, qui fut adapté en film d'animation par Don Bluth en 1994 sous le nom de Poucelina en France. Mais ce sera leur seul véritable point en commun, les deux histoires n'ayant pas vraiment les mêmes aboutissements.
Ramenant la jeune enfant auprès de sa femme, le petit être se transforme finalement en un bébé. Mais celui-ci est inhabituel, grandissant plus rapidement que tous les autres. L'enfant devient une jeune adolescente qui va découvrir la vie simple de fermier, l'amitié, la nature et même le début d'une romance, le tout enrobé de musiques entraînantes. Par la suite, le vieil homme reçoit un nouveau signe. Du coeur de nouveaux bambous jaillit d'abord de l'or puis des étoffes de haut rang. Le vieil homme interprète alors dans ses signes divins de faire de la jeune fille une véritable Princesse. Il l'emmène donc à la capitale. Pour la jeune fille, l'univers qu'elle s'était construit s'effondre soudainement, quelque chose que l'on retrouve dans les tons plus foncés, plus grisés, qu'adopte le film à ce moment là. Mais la jeune fille a des ressources, elle réussit à retrouver sa joie de vivre en faisant tourner en bourrique sa nouvelle gouvernante. Le conte de la Princesse Kaguya rayonne à nouveau par des dominantes colorées, retranscrivant à l'écran les diverses émotions ressenties par la jeune fille. Malheureusement, le protocole que lui impose son père la rattrape vite, trop vite. Lors d'un immense banquet, elle finit par craquer. La jeune fille devient officiellement la Princesse Kaguya. Sa frustration rejaillit dans une séquence superbement mise en scène, qui n'est composée que d'esquisses. A partir de ces crayonnés informes, voire même désordonnés, le spectateur comprend pourtant tout de suite le malaise qu'elle ressent.
A partir de ce moment, l'aura de Kaguya dépasse alors les frontières, elle attire désormais la convoitise de tous les hommes du Japon jusqu'à devenir l'unique centre d'intérêt de cinq prétendants. N'aspirant qu'à une vie simple sans protocole, elle ne comprend pas pourquoi elle provoque autant de fascination autour d'elle. Pour s'amuser, car ne souhaitant absolument pas se marier, elle trouve alors d'astucieux artifices pour repousser les avances de ces prétendants. A nouveau malicieuse, elle se plaît à leur torturer l'esprit pour les éloigner. Mais sa facétie vire au drame, et à nouveau Kaguya vacille, à nouveau son esprit s'embrume, à nouveau le long métrage devient grisâtre. Kaguya perd dès ce moment toute joie de vivre. Le pire reste encore à venir. Même si elle a réussit à repousser tous ses prétendants, la renommée de le Princesse Kaguya est arrivée jusque dans la cour impériale. L'empereur lui-même va tout mettre en oeuvre pour ajouter ce prestigieux trophée à sa collection, jusqu'à s'emparer littéralement d'elle.
Cette fois, s'en est trop, le coeur de Kaguya se brise. Elle hurle son désespoir à Lune, scellant de fait à jamais son destin. Le conte de la Princesse Kaguya n'adopte plus aucune couleur joyeuse jusqu'à son dénouement, hormis lors d'un ultime retour aux sources où elle renoue avec la passion et l'amour. Mais hélas, il est trop tard pour Kaguya. Quoi qu'elle fasse, sa déchéance est désormais totale. Là, sous nos yeux de spectateurs impuissants, nous assistons à la fin de la vie terrienne de Kaguya. Descendant sur un étrange nuage depuis la Lune, son peuple vient la chercher et l'on sait qu'elle ne pourra échapper à son destin. Isao Takahata fait jaillir en nous un sentiment de frustration intense que la joyeuse musique du peuple de la Lune accentue d'autant plus, car elle résonne comme furieusement atroce à nos oreilles. La fin du film semble pourtant vouloir donner un peu d'espoir au spectateur, puisqu'en repartant la Princesse Kaguya va oublier toute sa vie passée. On est alors amené à penser qu'en ayant tout oublié de sa vie sur Terre, la jeune fille retrouvera sa joie de vivre.
Kaguya va pourtant jeter un dernier regard vers la Terre, comprenant enfin la profondeur de ses sentiments et tout ce à quoi elle a renoncé. Le conte de la Princesse Kaguya va donc inévitablement bouleverser n'importe quel spectateur un tant soit peu sensible, et de forcer celui-ci à s'interroger sur ce qu'il vient de vivre derrière l'écran : Le conte de la Princesse Kaguya n'est-il qu'une histoire d'une courte vie gâchée ? De mon point de vue, je dirais que non. Tout au contraire, en vibrant à l'unisson avec le destin de Kaguya à travers ses joies et ses peines, Isao Takahata a sans aucun doute voulu proposer une ode à la vie pour inciter ses spectateurs à vivre la leur pleinement. Le réalisateur nous livre donc un immense trésor, couronnant superbement sa longue carrière dans l'animation.
Olivier J.H. Kosinski - 13 mars 2015
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04 mars 2015
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Doublage (France - 2014)
Kaguya : Claire Baradat
Okina (Vieil homme) : Achille Orsoni
Ona (Vieille femme) : Hélène Otternaud
Sutermaru : Donald Reignoux
Otsu : Pauline Brunner
Ko : Catherine Desplaces
Ishitsukuri : Jérôme Cachon
Dame Sagami : Monique Nevers
Le Prince Kuramochi : Patrice Dozier
La Servante : Adeline Chetail
Abe Ministre de la droite : Xavier Béjà
Akita : Pierre Baton
Forgeron : Patrice Mellenec
Narratrice : Hélène Otternaud
Voix additionnelles :
- Coralie Thulier
- Myrtille Richardot
- Pierre Baton
- Benjamin Bollen
- Ambre Foubert
- Maïa Constantin
- Jaynelia Coadou
- Alban Thuilier
- Patrice Melennec
- Catherine Artigala
- Patrick Béthune
- Yoann Sover
- Mailk Issolah
- Thierry D'Armor
- Igor Chometowski
- Julien Meunier
- Tugdual Rio
- Francis Benoît
- Isabelle Desplantes
- Nathalie Bleynie
- Emma Garnet
- Victoire Villepin
- Jean-Luc Atlan
Sources :
Forum Doublage France