La légende de Sarila est un film d'animation canadien réalisé par Nancy Florence Savard. La sortie en salle au Québec, qui était initialement fixée au 22 février 2013, a été repoussée au 1er mars 2013 afin de coïncider avec l'ouverture du 2e festival de cinéma pour enfants. Longtemps resté inédit en France, le film a été diffusé pour la première fois en exclusivité sur Canal J le 3 juin 2015, puis pour la première fois en clair sur Gulli le 20 août 2015. Il est ensuite comercialisé le 20 octobre 2015. Le film n'existe qu'en version québécoise des deux côtés de l'Atlantique.
En France, l'exploitation grand public des deux premiers films de 10th ave Productions a été inversée. Le Coq de St-Victor a été commercialisé dès juillet 2014, alors que La légende de Sarila a d'abord été diffusé à la télévision en juin 2015, puis commercialisé en octobre de la même année. Aux Etats-Unis, le distributeur Phase 4 films, ayant fortement douté du potentiel de ce long métrage sur son territoire, a préféré sortir le film en vidéo sous le titre Frozen Land. Ni une, ni deux, Disney a immédiatement porté plainte contre l'éditeur qui souhaitait visiblement attirer l'attention du public en utilisant à son avantage la campagne publicitaire de La Reine des neiges (Frozen en version originale).
Le Grand Nord, automne 1910. Dans un campement de nomades inuits, la famine sévit. Même Croolik, le vieux chaman, semble impuissant à contrer le fléau. Saya, sage-femme et guérisseuse du clan, rappelle une légende : celle de Sarila, une terre promise où abonde le gibier. Trois jeunes du clan, Poutoulik, Apik et Markussi, choisis par le corbeau Kouatak, l'âme damnée de Croolik, acceptent de partir à la recherche de Sarila pour sauver leur tribu. Mais, sentant son pouvoir menacé, le vieux chaman va tout faire pour multiplier les obstacles et entraver la mission des trois jeunes Inuits.
La légende de Sarila revêt une importance particulière dans le monde de l'animation puisqu'il est le premier long métrage 3D (et 3-D!) à avoir été porté à hauteur de 70 % par la province francophone du Québec. Pour être tout à fait honnête, il s'agit même du premier film animé produit exclusivement au Canada ! Explications : en 2009, au tout de la production, les 30 % du financement manquant devaient initialement être apportés par le studio Montpelliérain Shax France et le studio Mexicain Los Hijos de su Madre. Le studio français devait ainsi se charger de modéliser les personnages et les décors à partir des dessins conceptuels de Philippe Arseneau Bussières tandis que le studio mexicain aurait été chargé d'animer l'ensemble. Mais entre temps, un problème de santé mondiale vient compromettre cet accord de principe : le virus H1N1. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, la France et le Mexique se retirent alors de la table des négociations. L'avenir de La légende de Sarila semble ainsi compromis, car il s'agit déjà de la troisième tentavive de financement. Mais l'équipe du film ne se laisse pas pour autant démonter, elle tente de trouver les financements manquant par d'autres moyens. Contre toute attente de nombreux partenaires, tous exclusivement canadiens, se sont finalement mobilisés pour boucler les 30 % restant, portant ainsi le budget du film à hauteur de 8,5 millions de dollars canadiens ! Une sorte de conte de fée moderne pour Nancy Florence Savard qui aura passé plus de dix années de sa vie à tenter de porter à l'écran cette histoire dont les premières idées remontent à 2001.
Devenu film entièrement canadien, la conception de La légende de Sarila est confié au studio montréalais ModuxFX. Sans doute un bon choix, car seul un studio canadien pouvait prétendre porter convenablement à l'écran les mythes et légendes Inuit. L'histoire du long métrage se déroule dans les terres gelées du Grand Nord et nous présente un peuple de nomade Inuit. Sur fond de vengeance personnelle, de rite de passage et de quête vers une terre mythique, La légende de Sarila brosse un portrait fin et intéressant de ce peuple du grand froid. A contrario, le film ne fait pas vraiment dans la grande finesse pour son scénario bien qu'il se base sur une véritable légende, mais j'y reviendrais plus loin. Pour l'instant, contentons-nous de nous attarder sur les détails. Remarquons par exemple que les coutumes Inuit sont respectées : une petite communauté où chacun a un rôle spécifique, du chef au shaman, en passant par la sage-femme, sans oublier l'essentiel rôle du chasseur. Lorsque la famine sévit, ils se tournent vers la spiritualité, plus particulièrement vers la déesse Sedna. Son histoire, tragique et particulièrement violente, est l'une des plus célèbres du peuple Inuit. Pour résumer dans les très grandes lignes, Sedna fut abandonnée sur une île par son père. Après quelques humiliations et mutilations, il la rejette une nouvelle fois dans l'eau. Au lieu de se noyer, elle finit par se transformer en un être moitié humain moitié poisson et devient la gardienne des animaux marins. On retrouve ce personnage tout au long de La légende de Sarila, c'est même elle qui provoque le départ des animaux après que le vieux shaman Croolik l'ait renié. Parmi les autres emprunts aux êtres mythologiques Inuit, on retrouve également Amarok, l'esprit loup qui prend un plaisir malsain à dévorer les chasseurs solitaires sur la banquise.
Si les légendes, les personnages, les coutumes, les accessoires, l'habitat, la banquise et le soin apporté aux vêtements Inuits sont globalement respectés, La légende de Sarila fait aussi, un petit peu, dans la trahison. La terre mythique de Sarila en elle-même n'est pas présente dans la mythologie Inuit. Certes, il existe chez les Inuits, comme partout dans le monde, des croyances autour de divers mondes terrestres, marins ou aériens inaccessibles aux simples mortels. Mais seuls les shamans sont capables de voyager à travers leurs rêves ou leurs visions dans l'un de ces mondes de l'au-delà ; aucun de ces mondes ne portent d'ailleurs un nom. Sauf signification particulière cachée derrière la langue Inuktitut, Sarila est donc une totale invention de Pierre Tremblay, professeur d'histoire de l'art ayant vécu dans le Grand Nord et expert dans la culture inuite, et de Roger Harvey, auteur à succès de livres pour enfants, qui ont cosigné le scénario de ce long métrage. Il ne faut cependant pas y voir une idée fantasque, puisque le mythe de Sarila s'appuie sur la quête universelle vers l'inconnu. Atlantide, Shambhala, Hyperborée ou encore Agartha, tous ces lieux mythiques décrivent une contrée idéale, idyllique et inaccessible aux communs des mortels. Dans la plupart des récits qui les mentionne, le but à accomplir est toujours le même : se dépasser et prouver qu'on mérite d'y accéder. La légende de Sarila c'est la même chose. Plus que Sarila en elle-même, qu'ils finissent bien évidemment par atteindre, c'est bien le voyage accompli par Poutoulik, Apik et Markussi qui compte.
Avec tout ce soin apporté à l'ambiance et à la fidélité des mythes Inuits, on ne peut qu'être d'autant plus chagriné par le problème majeur rencontré dans La légende de Sarila : ses personnages. Manquants cruellement de consistance, ils ne débordent jamais réellement du cadre des clichés habituels pour les films de ce genre : un méchant manichéen que seule sa quête de vengeance pourra satisfaire ; un chef de village bon mais facilement manipulable ; un gentil héros qui refuse d'endosser le rôle qu'il est appelé à jouer ; sans oublier le sempiternel triangle amoureux même s'il se justifie ici en partie. En dehors de dialogues peu engageant, les visages de tous les protagonistes restent souvent aussi froid que la banquise. C'est parfois triste et sans émotion. Leur animation, très « robotique » comme l'a déclarée Nancy Florence Savard lors d'une interview, n'aide pas non plus à permettre une réelle empathie pour eux. Une situation qui déplaira aux adultes trop exigeants, mais devrait satisfaire le plus jeune public. Autre élément jouant en défaveur de La légende de Sarila, ses deux chansons. Tandis que la bande originale est d'une d'excellente qualité, l'interprétation des chansons en version francophone est maladroite. L'adaptation n'est pas fautive, on ressent nettement qu'Elisapie Isaac est beaucoup moins à l'aise avec le français que l'anglais. D'où ce sentiment de tremblotement dans sa voix, inexistant en anglais qu'elle interprète également, et qui gêne l'oreille sur la version française. Rien de rédhibitoire cependant, même si j'avoue que j'aurais largement préféré découvrir une version Inuk de ces chansons, elles auraient sans doute beaucoup mieux imprégné le récit !
Au final La légende de Sarila, première production 3D animée entièrement canadienne, nage dans un malheureux entre deux. La richesse du contexte, le soucis du détail et la musique réjouissante sont contrebalancés par un scénario prévisible, des personnages rigides et des chansons peu mémorables, surtout pour la version française. Malgré tout, le long métrage apporte une saveur rafraîchissante en mettant en scène un peuple de nomade Inuit crédible et leur quête pour mettre fin à la famine, ponctuée de scènes aux consonances fantastiques, ne laisse pas totalement de glace. Cela reste donc quand même un film d'animation à connaître, au moins pour notre propre culture générale.
Olivier J.H. Kosinski - 20 août 2015
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Doublage (Québec - 2013)
Markussi : Guillaume Perreault
Apik : Mariloup Wolfe
Poutulik : Maxime Le Flaguais
Croolik : Mario St-Amand
Saya : Dorothée Berryman
Itak : Rémy Girard
Mipouluk : Sarah-Jeanne Labrosse
Sedna : Elisapie Isaac
Ukpik : Florent Vollant
Jiniak : Marina Orsini
Kwatak : James Kidnie
Kimi : Sonja Ball
Arlok : Paul Amharani
Uliak : François Trudel
Kauji : Sylvain Hétu
Sources :
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