La légende du tigre est un long métrage d'animation spécialement proposé par la plateforme Paramount+ dont il rejoint le catalogue à partir du 02 février 2024 au Canada, puis le 06 juin 2024 en France. Comme c'est malheureusement quasiment toujours le cas avec les plateformes de vidéo à la demande, un seul doublage, réalisé en France, est proposé sur ce film.
Tom Lee découvre qu'il appartient à une lignée de protecteurs magiques appelés les Gardiens. Grâce à l'aide d'un tigre mythique nommé Hu et de guerriers animaux du zodiaque, Tom s'entraîne pour affronter une force maléfique qui menace l'humanité...
Quand on pense à Paramount Animation, on ne peut s'empêcher de se dire que ce studio américain est une drôle d'énigme. En 1939, c'était pourtant le premier studio à lancer la riposte contre Disney en produisant avec les frères Fleischer le second long métrage d'animation colorisé et sonorisé de l'histoire américaine, à savoir Les voyages de Gulliver. Après une seconde tentative un peu moins heureuse en 1941 avec Douce et Criquet s'aimaient d'amour tendre, Fleischer Studios finit par éclater et le studio Paramount s'éloigne finalement assez vite du monde des longs métrages d'animation. Il y a bien eu quelques nouvelles tentatives par la suite, mais à chaque fois, c'était principalement sur le mode de la distribution de films produits par des studios partenaires ou bien, plus récemment, des longs métrages inspirés de séries télévisées à succès. Le jackpot aura évidemment été le contrat lucratif avec Dreamworks Animation qui aura finalement incité à la véritable création de la division Paramount Animation. C'était en 2011, tout récemment en fin de compte, presque un siècle entier après Les voyages de Gulliver. Depuis, Paramount Animation reste un studio assez solide dans ce qu'il propose, même s'il ne cherche pas vraiment à entrer en concurrence avec les autres gros mastodontes américains.
L'autre particularité tient au fait de l'émergence de Netflix dont le succès a forcément fait de nombreux jaloux. Si Disney+ fut sans nul doute le service qui aura fait le plus de bruit lors de son arrivée en 2019, en raison de son énorme passif historique, absolument tous les autres studios américains ont fini par le suivre. Et, dans tous les cas, pour parvenir à appâter le chaland, la seule possibilité de retrouver le catalogue entier de la marque ne suffit généralement pas. Tous sont confrontés à ce besoin de renouvellement et de nouveauté, afin de pouvoir grignoter les parts de marché de leurs concurrents. Ainsi, dès que Paramount+ est annoncé, plusieurs productions originales spécialement créées pour la plateforme sont annoncées en même temps. Pour la partie familiale et jeunesse, La légende du tigre en fait partie. Avant de poursuivre, il faut encore rajouter un dernier élément. De nos jours, la concurrence des plateformes en ligne est devenue si forte qu'attirer de nouveaux abonnés est devenu un véritable défi financier. Or, le monde occidental ne suffit plus. Tous les studios américains doivent inclure le monde asiatique dans leurs modèles économiques, principalement la Chine qui, presque à elle-seule désormais, est capable de confirmer un succès ou faire un flop au box office mondial. Il ne fait aucun doute que La légende du tigre a été pensé et conçu principalement pour un public chinois, car on retrouve à peu près tous les poncifs des productions chinoises produites sur le territoire américain.
Ainsi, c'est quasiment toujours une tradition, chaque production chinoise part du principe qu'il est inutile de s'encombrer d'explications. Pour une raison qui m'échappe, mais qui doit sans nul doute avoir une explication culturelle, les productions chinoises aiment particulièrement éluder le contexte, estimant que tout le monde connaît déjà les bases de leurs mythologies. Sans que leurs scénarios soient totalement hermétiques pour autant, le néophyte se retrouve très vite dépassé par ce qu'il voit. Il n'a pas vraiment le temps de bien assimiler ce qui se passe à l'écran, car la fiction est déjà passée à autre chose depuis longtemps. A moins d'avoir un esprit ouvert, ou de connaître la plupart de leurs traditionnels poncifs, La légende du tigre souffre incontestablement de ce défaut où l'action est souvent privilégiée sur tout le reste. Du coup, le long métrage enchaîne les clichés : Tom est un marginal, rabroué à l'école, il se découvre un pouvoir en voulant se rebeller, rencontre une fille gothique, le méchant lui tombe dessus, puis le gentil lui apprend à développer ses pouvoirs, et ainsi de suite pendant une heure et demie. La légende du tigre aurait-il gagné à bénéficier de quelques dizaines de minutes supplémentaires ? Je pense tout de même que non, cela n'aurait servi à rien. Une fois que l'on accepte que le long métrage est avant tout une expérience visuelle, comme un manège en sensations fortes plus que tout autre chose, on se rend finalement compte que la formule fonctionne. Quitte à ce que tout soit particulièrement téléphoné.
Bien que La légende du tigre bénéficie finalement de bons personnages, dont certains sont même plutôt charismatiques, il souffre cependant d'un manque flagrant d'identité. Certes, le film est très joli, particulièrement coloré, à un point tel qu'il semble avoir été conçu comme une démonstration technique, plutôt que comme un film de divertissement. Le problème, c'est que le long métrage a un mal fou pour se démarquer de la masse de production américano-asiatiques du même genre. Dans les grandes lignes, La légende du tigre fait penser à un malheureux plagiat de Le gardien du manuscrit sacré, un film tourné il y a déjà plus de 20 ans et qui mettait en scène Chow Yun-fat (excusez du peu), Seann William Scott et Jaime King. On frise parfois même le copier/coller entre les deux oeuvres. Alors oui, la référence va sans doute passer sous le nez d'un très grand nombre de spectateurs, particulièrement pour un film d'arts martiaux fantastique qui n'avait pas vraiment fait déplacer les foules à l'époque, au point d'avoir été, plus ou moins, caché sous le tapis depuis lors. Malheureusement, cela ne m'a pas échappé, car j'ai une culture de la fiction américaine assez bigarré dont je retiens parfois certaines oeuvres plus facilement que d'autres.
Malgré ces quelques griefs, La légende du tigre reste quand même agréable, alors que cela semble assez paradoxal avec tout ce que j'ai décrit auparavant. C'est sans doute pour cela que la plupart des productions chinoises du genre fonctionnent alors qu'elles se ressemblent toutes. La formule, qui semble immuable, est tout simplement efficace. Du coup si, de base, on apprécie de la suivre même s'il l'on sait à quoi on va assister dans les grandes lignes, on se laisse forcément plus facilement entraîner par l'aventure dont on cherche surtout à trouver les infimes variations. C'est un peu comme la sempiternelle histoire de l'enfant rencontrant un être merveilleux dans les oeuvres occidentales : E.T., l'extra-terrestre, Abominable, Le géant de fer, Dragons, même Monstres & cie quand on y pense, alors que le propos est inversé entre l'humain et le monstre dans son cas, c'est finalement un petit peu toujours la même chose. La légende du tigre c'est exactement ça. Soit on adhère dès le départ au concept, mainte fois vu par ailleurs dans beaucoup d'oeuvres, soit on n'y adhère pas et il ne sert alors à rien d'essayer de se forcer. De mon côté, j'ai trouvé dans l'ensemble La légende du tigre plutôt sympathique (ça vaut le coup rien que pour la chèvre explosive !), surtout quand on retient que la production du film fut particulièrement chaotique, mais en ayant toujours eu cette impression que le film aurait mieux fonctionné en tant que pilote d'une série télévisée à suivre, qui aurait alors été une accroche très efficace, plutôt qu'un long métrage de fiction autonome qui ne transcende pas une formule éculée.
Olivier J.H. Kosinski - 08 novembre 2024
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Doublage (France - 2024)
Tom : Tom Trouffier
Hu : Eilias Changuel
Sidney : Hugo Brunswick
Mme Lee : Annie Le Youdec
Mistral : Myrtille Bakouche
Loo : Anne Plumet
Rav : Alicia Hava
Nü Kua : Laëtitia Godès
Voix additionnelles :
- Jade Phan-Gia
- Aurélien Raynal
- Antoine Ferey
- Nathalie Homs
- Louisa Lacroix
- Jean-Christophe Quenon
- Florent Pochet
- Diam Nguyen
- Sai Ko Mimeur
- Inas Chanti
- Audrey Le Bihan
Sources :
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