Les Muppets sort en salle au Québec le 23 novembre 2011. En France, après avoir un temps été annoncé, le film est finalement relégué exclusivement au marché vidéo le 2 mai 2012 sous le titre Les Muppets, le retour. Les Muppets ayant toujours fait de très mauvaises entrées en salle, ce qui a conduit à cette décision de Disney France qui n'a pas cru à leur succès. Les éditions vidéos n'étant pas soumises à l'obligation de disposer d'un doublage exclusivement réalisé en Europe, contrairement aux films projetés en salle, c'est le doublage québécois qui est proposé à la place. Bien que certains sites évoquent un doublage français, si tant est qu'il ne s'agit pas d'affabulation, il n'a jamais été exploité en France.
Un homme d'affaires est sur le point d'acheter le théâtre des Muppets. Ces derniers doivent rapidement trouver dix millions de dollars pour le conserver. Sur les conseils de Walter et de ses deux amis Gary et Mary, la grenouille Kermit part à la recherche de ses anciens compagnons de scène. S'il arrive à mettre la main sur Fozzie, Gonzo et Miss Piggy, il doit néanmoins trouver un réseau de télévision qui acceptera de diffuser leur téléthon. Pour y arriver, il lui faut absolument trouver une personnalité vedette, mais plus personne ne veut d'eux...
Officiellement nés en 1976, bien que plusieurs des membres de la joyeuse troupe préexistaient déjà auparavant, dans le célèbre show qui portera leur nom, les Muppets ont connu une carrière somme toute assez inhabituelle. Ils ont en effet traversé les décennies en renouvelant leur style à chaque fois. Lors de leurs bouillonnants débuts à la télévision à la fin des années 1970, l'impertinence tout comme le délire ambiant caractérisaient leurs traits de caractères. Lors de la transposition sur grand écran dans les années 1980, les Muppets ont tenté de se réinventer. Il en a résulté trois longs métrages dont les approches narratives sont sensiblement différentes. On est passé d'un road movie sans prise de tête à un film totalement déluré, pour en terminer par un film qui conciliait les deux approches tout en apportant un sentiment de conclusion à leurs aventures. Au milieu de l'année 1990, alors que Disney était en négociation pour racheter les droits des personnages, Jim Henson disparaît. Ses ayants droits préfèrent alors repousser l'échéance, mais s'associent tout de même à Disney pour produire deux nouveaux longs métrages. A cette occasion, les Muppets vont considérablement s'assagir, presque à en renier leurs origines. Désormais, les Muppets peuvent être drôles, mais doivent surtout rester politiquement corrects. Toutefois, le succès est largement moindre qu'autrefois. Après Les Muppets dans l'espace, qui fait un énorme flop en salle, et le très dispensable Kermit, les années têtard, la carrière des Muppets semble bel et bien terminée. Disney en profite pour finaliser le rachat des personnages en 2004 mais, en dehors de l'évident coup marketing tonitruant du rachat des Muppets, ne sait franchement pas quoi faire d'eux par la suite. Les Muppets vont entamer une longue traversée du désert, jusqu'à ce qu'un acteur, Jason Segel, pousse la porte des studios avec une proposition de long métrage.
Fan des Muppets depuis son plus jeune âge, Jason Segel imagine un scénario qui va réintégrer les Muppets dans la réalité de l'époque contemporaine. Chaque personnage du Muppets Show a toujours été considéré par Jim Henson comme des êtres vivants à part entière. Ce n'étaient donc pas vraiment des acteurs de composition, chacun jouait son propre rôle. Ce que les deux premiers films des années 1990 produits par Disney n'avaient pas vraiment respecté, sans que cela retire pour autant leurs qualités. Tout au contraire, Jason Segel imagine un scénario qui correspond entièrement à la réalité du moment : les Muppets sont désormais des laissés pour compte, oubliés de la majorité des spectateurs, mais dont la trace est quand même restée dans le coeur de leurs fans. Même s'il joue lui-même dans le long métrage un rôle principal, il transfère sa passion pour les Muppets sous la forme d'un étonnant transfuge : Walter, le nouveau Muppet en devenir qui va permettre de lancer le récit. Walter est en effet un petit personnage effacé, qui n'a quasiment pas de vie propre, mais voue une passion sans borne pour le Muppets Show. Quand l'occasion lui est donnée de visiter les mythiques studios de la joyeuse troupe, il saute littéralement de joie avant de constater l'amère vérité. Non seulement le studio n'est désormais plus que ruines, mais toute la joyeuse bande est désormais séparée pour de bon. Plus grave, un investisseur sans scrupule compte bien racheter le studio pour le raser et en exploiter ses ressources cachées.
Quand Les Muppets, le retour déboule sur le grand écran américain (Disney France ayant totalement boudé le film), le scénario du film fait entièrement écho au contexte réel des personnages. L'ingéniosité de la première moitié du récit joue d'ailleurs à fond sur cet état de fait. La désillusion est entièrement palpable, et par les acteurs, et par les Muppets, et par les spectateurs. Habilement, le récit repousse autant que possible l'apparition de chacun des Muppets, leur donnant une aura mythologique qui nous amène, doucement, à vouloir au plus vite que ces derniers apparaissent à l'écran. Tout le monde a perdu espoir. Tous, sauf Walter. Et cela les rend d'autant plus désirables. Cela fonctionne d'autant mieux que le scénario de Jason Segel reprend absolument tous les codes propres au Muppets Show. On y retrouve pêle mêle des chansons entraînantes dont de grandes reprises d'airs bien connus, des hommages appuyés au passé glorieux des Muppets jusque dans les moindres recoins des décors comme l'incontournable scène à vélo, des parodies en tout genre, des invités de marque qui ne servent absolument à rien mais font d'invraisemblables apparitions, des personnages qui brisent régulièrement le quatrième mur en invitant le spectateur à intégrer la grande farce que représente le film, des comédiens ayant parfaitement conscience d'être en train de jouer un rôle mais se lâchent en faisant semblant d'oublier la caméra, sans compter une très fine dose d'émotions, réelles et palpables. Ainsi réunies, associées à une intéressante mise en abyme, toutes ces particularités font mouche et offrent un merveilleux retour aux Muppets sur grand écran.
Les Muppets, le retour introduit aussi un thème qui s'était un peu perdu en cours de route : le récit musical. Le Muppets Show a toujours été imprégné d'une très grande concentration de chansons, la plupart parodiant des grands airs de l'époque ou servant de toile de fond à une parodie façon cartoon, mais qui rayonnait par delà le cadre originel de la dite chanson. Un principe qui existait déjà bien avant, lorsque les joyeuses marionnettes n'étaient alors que des invités dans diverses émissions. C'est par exemple ce qui est arrivé le 30 novembre 1969 dans le cadre de l'émission The Ed Sullivan Show lorsque trois marionnettes de Jim Henson se sont lancées dans une furieuse parodie d'un morceau tiré d'une obscure docu-fiction sulfureuse italienne, Suède, enfer et paradis, sorti un an plus tôt : "Mah-nà Mah-nà" de Piero Umiliani et Alessandro Alessandroni. Le succès de la reprise fut si énorme qu'elle fut ensuite maintes fois réutilisée partout ailleurs, souvent dans le cadre de séries burlesques (Benny Hills), jusqu'à tout récemment dans le cadre d'une publicité française pour une enseigne de bricolage en ligne, voire carrément adaptée en français par Henri Salvador. Le succès de la version Muppets fut tellement populaire qu'une version révisée et réarrangée sera réintroduite dès le tout premier épisode du Muppets Show en 1976. C'est d'ailleurs cette même séquence que l'on voit brièvement apparaître au début du film, avant qu'elle fasse elle-même l'objet d'une furieuse parodie dans la séquence burlesque finale.
Le Muppets Show, c'était aussi parfois des chansons originales spécialement écrites pour eux. "Rainbow Connection", qui ouvrait le tout premier film en 1979, était l'une d'elles. Composée et écrite par Paul Williams et Kenneth Ascher, avec la voix de Jim Henson (qui a joué le rôle de Kermit jusqu'à la fin de sa vie), la chanson fut à l'origine inspirée par "Quand on prie la bonne étoile" de Pinocchio. Les deux compositeurs aimaient beaucoup l'introduction chantée de Jiminy Cricket dans le film Disney, qu'ils trouvaient à la fois touchante et puissante. Ils voulaient offrir un hymne tout aussi mémorable à Kermit. Un pari réussi puisque la chanson fut si populaire qu'elle croule désormais sous d'innombrables reprises. D'illustres chanteurs tels Barbra Streisand, parfois en solo, parfois en duo avec Kermit lui-même, se sont succédés pour chanter ce classique musical devenu universel dans le monde anglophone, beaucoup moins malheureusement en francophonie. Quelques notes toutes simples au banjo, mais un texte profond et subtil, qui ont transformé cette chanson en hymne universel au point de la faire entrer au National Recording Registry américain l'année dernière. La grosse astuce, sans doute la plus réussie, de Les Muppets, le retour est d'avoir réussi à utiliser la trame générale de la chanson pour l'accorder à celle du scénario du film. L'arc-en-ciel dont il est question symbolisant l'espoir des Muppets de renouer les liens avec leur public d'autrefois. Et cela fonctionne terriblement bien, l'arc-en-ciel servant aussi de pont entre les anciennes générations de spectateurs et les nouvelles.
Car Les Muppets, le retour, même s'il a recours à un hommage très appuyé au passé des personnages, ne tombe jamais dans la nostalgie excessive. Si ça avait été le cas, j'aurais fuit à toutes jambes. Le scénario et les personnages savent parfaitement qu'ils sont entrés dans un nouveau siècle. L'intrigue fait certes appel au passé, mais c'est pour mieux s'inscrire dans le présent. Les Muppets ne cherchent absolument pas à réinventer la roue, mais tentent de retrouver la magie qui faisait leurs caractéristiques et leur différence. En l'occurrence, faire front commun dans la joie et la bonne humeur, dans le seul et unique but de divertir son auditoire. Les Muppets, le retour ne perd jamais ce point de vue, même si une grande partie du film relève de la farce pure et dure. Le long métrage fait le choix de reformer une famille séparée depuis longtemps, en reconnectant leurs coeurs ensemble... comme dans la chanson "Rainbow Connection". Ne l'avais-je pas déjà dit ? Il en résulte un film très léger et festif, avec quelques jolis moments d'introspection, qui finit par donner du baume au coeur. On ressort inévitablement l'esprit en fête une fois Les Muppets, le retour terminé qui fait presque un sans faute.
A mon sens, le seul grain de sable du long métrage vient du sauveur des Muppets lui-même : Jason Segel n'est absolument pas un acteur comique. Son jeu n'est ni subtil ni aussi réjouissant que peut l'être celui de sa partenaire à l'écran. Amy Adams a une énorme potentiel d'autodérision à revendre et chacune de ses scènes sont de petits bijoux de subtilité. Un sourire en coin, un simple regard, sa retenue de voir son amant filer entre ses doigts, sa difficulté de concilier son amour pour lui et la passion de Walter, Amy Adams, capable de passer du rire au larme avec brio, rayonne continuellement là où le jeu de Jason Segel est systématiquement maladroit et forcé, ce qui décrédibilise son personnage. Ajouté à cela le fait qu'il n'est visiblement pas un très bon danseur, vu comment il esquive royalement toutes ses chorégraphies, cela fait de son personnage le plus gros défaut du film. Est-ce une volonté assumée de sa part ? J'ai des doutes. Même Chris Cooper, complètement à contre-courant des rôles qu'on lui connaît d'habitude, réussit haut la main à surprendre ses spectateurs, jusqu'à offrir un moment burlesque inattendu lorsqu'il se met, lui aussi, à pousser la chansonnette. Délicieusement invraisemblable.
Après de nombreuses années de disettes, tout en autodérision, rendant hommage au passé, mais en s'inscrivant dans la modernité, Les Muppets, le retour réussit le tour de force de concilier toutes les époques des Muppets de façon équilibrée tout autant que réjouissante. Bref, un renouveau tonitruant des célèbres personnages de Jim Henson !
Olivier J.H. Kosinski - 14 janvier 2022
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Doublage (Québec - 2011)
Gary : Tristan Harvey
Walter : Éric Paulhus
Mary : Éveline Gélinas
Kermit : Nicolas Charbonneaux-Collombet
Miss Piggy : François Godin
Tex Richman : Denis Gravereaux
Veronica Martin : Catherine Proulx-Lemay
Sam l'aigle : Jean-François Blanchard
Sgt. Floyd Pepper : Patrick Chouinard
Lew Zealand : Patrick Chouinard
Fozzie : Daniel Picard
Gonzo : Jean-François Beaupré
Neil Patrick Harris : François Godin
Scooter : Hugolin Chevrette
Crazy Harry : Hugolin Chevrette
Pepe : Sylvain Hétu
Sweetums : Sylvain Hétu
Animal : Jean-Jacques Lamothe
Choeurs :
- Pierre Bédard
- Luc Campeau
- Virginie Cummins
- Sylvie Desgroseillers
- Dominique Faure
- Nancy Fortin
- Mario Fraser
- Catherine Léveillé
- José Paradis
Sources :
Doublage au Québec