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Netflix
Pinocchio

par Guillermo del Toro

À l'exception de quelques sorties limitées au cinéma dans certains festivals à travers le monde, Pinocchio est proposé par Netflix le même jour le 09 décembre 2022 sur tous les territoires. Le long métrage ne possède qu'un unique doublage francophone, réalisé en France.

L'intrigue

Durant la période d'entre deux guerre, en Italie, un vieux sculpteur de bois nommé Geppetto perd tragiquement son unique enfant. Après une décennie à se morfondre de la perte de son cher gaston, il défie le ciel de le lui ramener à la vie. N'obtenant aucune réponse, il décide de concevoir son propre garçon à partir du bois d'un grand pin. Le matin, il découvre que son pantin de bois a pris vie, qu'il ne passe son temps qu'à faire des bêtises et n'obéir à aucun de ses ordres. Mais Pinocchio doit apprendre à ses dépens que le monde regorge de mauvaises influences...

Analyse de l'oeuvre

Pinocchio est un monument de la littérature italienne devenu, depuis sa publication originale en 1881 sous la plume de Carlo Collodi, un conte majeur connu à travers le monde entier. On en a tiré une quantité impressionnante d'adaptation de toutes sortes dont l'une est célèbre pour avoir été le second long métrage d'animation proposé par Walt Disney en 1940 que j'apprécie particulièrement. Pour autant, parmi les innombrables adaptations, j'ai toujours eu une affection particulière pour la mini-série italienne de 1972, Les aventures de Pinocchio, désormais devenue introuvable en version française dans son format d'origine, dont la musique du générique de fin, "Birichinata", est devenue iconique. Plusieurs raisons à ma préférence pour cette adaptation. D'abord, je l'ai connu enfant et elle m'avait marqué. Ensuite, il s'agit d'une des rares adaptations de l'oeuvre au format télévisé composé de plusieurs épisodes. Généralement, toutes les adaptations contemporaines se cantonnent à un seul long métrage. Enfin, c'est surtout l'une des rares adaptations où Pinocchio garde sa réputation de sale gosse. Contrairement à la version Disney, qui a très fortement aseptisé la personnalité du pantin de bois, au point d'être conspuée à l'époque, sans que cela ne retire de qualité à l'oeuvre, Les aventures de Pinocchio respectait ce trait de caractère du personnage. Pinocchio n'était, au départ, pas pensé pour devenir un gentil garçon. C'est principalement sous la pression du jeune lectorat et de leur parent que Carlo Collodi l'avait finalement transformé en vrai garçon sage et obéissant.

Pratiquement un siècle et demi après son avènement, et des centaines de versions différentes proposées sous toutes les formes, c'est donc le tour de Guillermo del Toro de s'attaquer au personnage. Il décide d'apporter sa touche personnelle, en remaniant assez profondément l'intrigue originale. Ainsi, il réintroduit une dimension religieuse et mystique à l'oeuvre, ce que Carlo Collodi avait volontairement écarté lors de la rédaction. Le personnage de Gepetto se métamorphose en un homme pieu qui a déjà un fils, mais qui disparaît de façon tragique au tout début du film. Il devient alors dépressif, alcoolique, tout en reniant sa foi. Dans un moment de rage, il tente de le ressusciter sous la forme d'un pantin. Intervient alors une fée bleu qui n'a plus rien d'angélique, puisqu'il s'agit désormais d'un esprit forestier, presque monstrueux en apparence, qui va lui accorder ce souhait. Commence alors une nouvelle vie remplie de tracasseries pour le pauvre Geppetto, car Pinocchio lui en fait voir de toutes les couleurs. Dans un sens, Guillermo del Toro chamboule complètement Geppetto en le forçant à faire le deuil de son fils qu'il reniait jusque-là. Dans la plupart des autres adaptations, Geppetto est surtout représenté comme un vieil homme solitaire, quasiment passé à côté de sa vie, mais qui espère encore avoir un enfant. Dans ce long métrage, le propos est complètement inversé puisqu'il a connu l'amour mais à tout perdu dans un moment dénué de tout sens logique.

L'autre modification majeure de Pinocchio est d'avoir placé le récit dans un contexte plus réaliste. Certes, dès 1881, Carlo Collodi avait inscrit les aventures de son pantin de bois dans le contexte de son époque. Mais il y avait une grande part d'imaginaire, le récit s'inscrivait dans un genre fantasmagorique, ce que de nombreuses adaptations ont conservé par la suite. Guillermo del Toro fait démarrer l'histoire durant les batailles particulièrement meurtrières de l'Isonzo qui opposaient l'Italie et l'Autriche-Hongrie durant la première guerre mondiale, plus précisément durant l'année 1916. Passent ensuite dix longues années où Geppetto se morfond et perd goût à la vie. Durant ce long intervalle, le destin de l'Italie va beaucoup changer. Après avoir pris la tête du pays, Benito Mussolini le fait entrer dans l'ère du fascisme. Sur le modèle allemand, il décide à son tour de créer l'Opera Nazionale Balilla, la version mussolienne des jeunesses hitlériennes. Là, tous les jeunes garçons sont priés de suivre l'endoctrinement physique et moral des pensées fascistes pendant plusieurs heures par semaine. Pour le film d'animation, les personnages ne vont pas craindre Pinocchio, même s'il semble au premier abord être né d'une force maléfique. Tout au contraire, il vont voir en lui une arme de destruction massive et immortelle qu'il convient d'enrôler dans leur milice. Le pantin trouvant d'ailleurs, durant un moment, que c'est particulièrement amusant de jouer à la guerre avant de réaliser plus tard la portée de tout cela. Plusieurs autres remaniements de l'intrigue sont effectués par Guillermo del Toro, un peu plus à la marge que les deux présentées jusque-là, dont une part plus importante est accordée au cirque de Volpe, tandis que certains évènements, comme la transformation en âne, ne sont pas abordés. Mais l'ensemble de ces changements s'accorde finalement assez bien avec la quête de Pinocchio qui mène vers un final particulièrement chamboulé même s'il reste intéressant et audacieux.

D'un point de vue technique, ce Pinocchio a été tourné en animation en volume. Un procédé minutieux qui permet de filmer image par image des objets inanimés qui réussissent pourtant à prendre vie à l'écran. Les choix esthétiques sont particulièrement réussis, surtout les personnages dont le design est particulièrement élaboré. Ils bénéficient tous d'un travail vraiment très minutieux, à un point que cela donne envie de mettre le film en pause pour espérer pouvoir admirer le travail effectué sur chacun d'eux. On appréciera tout autant la richesse des décors, assez typique des productions en stop motion, qui regorgent souvent de tout un tas d'objets qui rendent l'ensemble très crédible. C'est tellement bien fait que les rares effets spéciaux nécessitant d'avoir recours à l'outil informatique nous sortent parfois du film, comme s'ils avaient été placés là de façon malvenue, alors que c'est évidemment un mal nécessaire pour restituer certaines scènes complexes. Au-delà de son aspect visuel, Pinocchio est aussi une grande comédie musicale. Je dois admettre que je les trouve un peu superflus. Beaucoup d'entre elles, bien qu'assez agréables à entendre, ne sont que trop rarement nécessaires. Je n'ai pas réussi à m'ôter de la tête que les chansons ont été mises là à la fois pour rendre hommage et apporter un côté parodique au film de Walt Disney. Malgré tout, elles ne sont jamais encombrantes, elles ne constituent à mon sens que le seul bémol du long métrage.

En fin de compte, Guillermo del Toro offre sans nul doute une très innovante relecture de Pinocchio qui découvre le sens de la vie et ses valeurs durant une époque fortement troublée en Europe. Les deux intrigues entremêlées s'accordent étonnamment bien entre elles. Particulièrement soigné et inventif, le long métrage est très appréciable et mérite d'être connu du plus grand nombre.

Olivier J.H. Kosinski - 24 décembre 2024

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La voir sur Youtube

Voxographie Francophone

Doublage (France - 2022)

Pinocchio : Gaël Raës

Geppetto : Pierre Santini

Comte Volpe : Jacques Verzier

Criquet : le criquet

Podesta : Thierry Hancisse

L'esprit de la forêt : Anne Alvaro

La Mort : Anne Alvaro

La Mèche : Aloïs Agaësse-Mahieu

Carlo : Gaël Raës

Prête : Jérémy Prévost

Voix additionnelles :

- Déborah Perret

- Emmanuel Curtil

Sources :
Carton Générique

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