Analyse de l'oeuvre
Lorsqu'on se lance dans une production signée Bob l'éponge, on sait d'avance que durant toute la durée de la projection, on est assuré que notre cerveau aura depuis bien longtemps sauté par la fenêtre. Il n'est d'ailleurs pas étonnant, alors que cela semble un paradoxe à la vue de son extraordinaire longévité, que des associations parentales, principalement américaines, se plaignent fréquemment du programme. Pour eux, Bob l'éponge est si hystérique qu'il rend leurs enfants idiots. Alors oui, Bob l'éponge, c'est littéralement absurde, c'est dans son ADN, même si l'on a parfois droit à quelques envolées émotionnelles. Mais justement, Bob l'éponge fait rire pour sa profonde débilité, sous couvert d'un personnage jaune et carré finalement très attachant dans sa maladresse. L'argument est aussi valable pour la plupart de ses acolytes, qui semblent pour la plupart tous avoir un grain de folie. Plus ou moins, Sandy l'écureuil était l'exception. Scientifique accomplie, très érudite, même si ces inventions sont souvent abracadabrantes, Sandy était jusqu'ici le personnage le plus censé de l'univers. Pour autant, elle est la seule à ne pas être une créature aquatique. Toujours affublée d'un costume de cosmonaute version marine, Sandy a toujours vécu dans sa petite bulle. Il n'y a d'ailleurs jamais eu de relation amoureuse avec Bob, ni même le début d'une relation tout court, bien qu'ils s'apprécient tous deux. S.O.S. Bikini Bottom - Une mission pour Sandy Écureuil, quatrième long métrage tiré de l'univers des personnages, s'amuse à apporter du contexte à la présence de Sandy au fond de l'océan, tout en s'amusant à prouver... qu'elle est finalement tout aussi déglinguée que ses comparses !
Bien que cela n'ait jamais été officiellement affirmé, il a toujours été implicite que l'univers de Bikini Bottom, et toute la série qui en a découlé, est la résultante fictive des essais nucléaires américains qui ont eu lieu entre 1946 et 1958 dans les Îles Marshall. Comme la naissance du géant japonais Godzilla, ce sont ces essais nucléaires qui ont métamorphosé les animaux marins de l'atoll de Bikini, peut-être même que c'est pour ça qu'ils sont aussi tous dingues. Le célèbre maillot de bain, que porte d'ailleurs très fréquemment Sandy dans la série et dans ce film, est d'ailleurs lui-même inspiré de cet atoll. De fait, la raison scientifique de la présence de Sandy dans le monde aquatique, proposée dans S.O.S. Bikini Bottom - Une mission pour Sandy Écureuil, a théoriquement toute sa légitimité. Evidemment, c'est sans compter sur les scénaristes qui vont transformer l'expédition scientifique en une opération marketing complètement loufoque. Avouons-le, S.O.S. Bikini Bottom - Une mission pour Sandy Écureuil est un long métrage qui n'a pas la moindre logique, c'est invraisemblable d'un bout à l'autre de l'intrigue. A un tel point d'ailleurs que l'on finit par se dire que le film s'adresse principalement au très jeune public, sauf que non, la bouffonnerie est totalement assumée par tous les personnages et les comédiens. Pour parvenir à produire autant de séquences insensées, il faut être franchement capable d'une énorme dose d'autodérision. Car ce que réserve les scénaristes à Wanda Sykes (Sue Nahmee), Matthew Cardarople (Kyle) et Ilia Isorelýs Paulino (Phoebe) est inimaginable. Les trois humains réussissant à être encore plus débiles que tous les autres personnages réunis. On frôle presque la nanardise assumée avec eux.
Contrairement aux trois premiers longs métrages, S.O.S. Bikini Bottom - Une mission pour Sandy Écureuil est considéré comme un spin-off centré autour de Sandy. Ce n'est pas faux, puisqu'elle est effectivement le centre d'attention de l'intrigue, mais je pense qu'il vaut mieux considérer ce long métrage comme un filler, c'est à dire une sorte d'épisode long qui s'inscrit dans la continuité de la franchise mais faisant principalement un focus sur Sandy, comme il en regorge dans la série télévisée. Bien que l'intrigue tourne autour d'elle, Bob l'éponge la suit dans toutes ses pérégrinations et a un rôle de premier plan tout aussi important qu'elle. C'est d'ailleurs ce qui marche le mieux dans ce long métrage, leur duo décoiffe en étant vraiment très complémentaire. Au-delà de l'aspect invraisemblable de l'enlèvement de tout Bikini Bootom, le long métrage cherche avant tout à donner plus de consistance à la famille terrestre de Sandy. L'écureuil a toujours été un personnage bizarre, même s'il semble souvent moins fou que ces comparses, mais on comprend dans S.O.S. Bikini Bottom - Une mission pour Sandy Écureuil qu'elle aussi vient d'une famille plutôt inhabituelle. On connaissait déjà ses neveux qui avaient fait quelques apparitions dans la série télévisée, mais un peu moins le reste de sa famille. Avouons qu'on s'attendait à tout mais pas à cette joyeuse famille de saltimbanques, pas totalement sortis de la période yéyé et qui ont visiblement un profond mépris pour les forces de l'ordre.
Avec regrets, dans S.O.S. Bikini Bottom - Une mission pour Sandy Écureuil, les personnages sortent à nouveau hors de l'eau en mêlant prises de vues réelles et animation 3D. Si j'avoue avoir eu très peur en 2015 quand Bob l'éponge avait pour la première fois abandonné temporairement la 2D, il faut reconnaître que l'univers des personnages a finalement trouvé ses aises dans un environnement 3D, Éponge en eaux troubles l'avait prouvé en 2021. Ici, on sent, à tous les étages, que le budget alloué n'a pas été aussi conséquent que pour celui des autres films. Du coup, ne nous leurrons pas, de nombreuses séquences dans le monde réel font vraiment peine à voir, particulièrement le labo scientifique et ses occupants. Mais une fois acquis que tout le monde sait que le budget est manquant et que tout le principe du long métrage repose sur une absurdité, accordons que le délire sous psychotropes du long métrage fait le boulot à peu près correctement. Il passe d'ailleurs mieux la seconde fois que la première, parce qu'on est dans le flou la première fois, mais qu'on saisit mieux les différents choix qui ont été fait lorsqu'on connaît ensuite la conclusion à l'avance.
Au final, S.O.S. Bikini Bottom - Une mission pour Sandy Écureuil c'est un bon gros délire animé qui ne sortira pas indemne selon les regards qui se seront portés sur lui. Sans doute vacciné pour une trop grande quantité d'oeuvres absolument épouvantables (mention spéciale à un certain cygne...) que j'ai dû m'envoyer ces dernières années, j'admets lui avoir trouvé un petit quelque chose. Mais pas assez pour en faire mon oeuvre de l'année, très loin de moi cette idée, mais juste histoire d'avoir eu le loisir de jeter mon cerveau par la fenêtre le temps de la projection. Ça fait parfois un peu de bien de déconnecter. S.O.S. Bikini Bottom - Une mission pour Sandy Écureuil est à prendre ainsi, une oeuvre sans queue ni tête, comptant quelques chansons idiotes tout autant que entêtantes, mais qui ne souhaite rien proposer de plus que ça.
Olivier J.H. Kosinski - 04 octobre 2024
