Souvenirs goutte à goutte est une adaptation du manga Omohide Poroporo publié au Japon en 1988 de Hoaru Okamato et Yûko Tone. Le film est sorti en salle au Japon le 20 juillet 1991. Le film n'a jamais été diffusé en salle ni en France, ni au Québec. Il est originellement distribué dans le commerce par Disney uniquement dans une version sous-titrée. Lorsque Netflix récupère les droits de diffusion, la plateforme propose, d'abord en exclusivité, le film pour la première fois doublé en Français dès le 1er février 2020. Cette version est depuis intégrée à la réédition vidéo du film par Wild Bunch.
Le saviez-vous ? Du 17 février au au 14 mars 1992 s'est tenu le treizième festival du cinéma pour enfants de Corbeil-Essonnes. Le long métrage y fut proposé en exclusivité, ce qui constitue officiellement sa toute première diffusion publique sur le territoire français ! A cette époque, il était connu sous le nom de Les souvenirs ne s'oublient jamais.
Taeko, une jeune citadine de 27 ans décide de prendre un congé sans solde afin de quitter Tokyo et rejoindre la campagne dans la famille de son beau-père. Laissant derrière elle ses préoccupations professionnelles, elle se laisse submerger par ses souvenirs d'enfance, des anecdotes survenues en 1966 alors qu'elle n'avait que 11 ans.
Je me suis toujours demandé si la réputation du studio Ghibli n'était pas surfaite en réalité, car lorsque l'on se penche sur l'ensemble de leurs oeuvres, il y a bien quelque chose d'aussi récurrent que pénible : de nombreuses séquences mettent en scène des tranches de vie où il ne se passe pratiquement rien. Souvenirs goutte à goutte semble être de ceux là, comme l'avait déjà été Mon voisin totoro, Kiki, la petite sorcière ou le seront tout autant après lui Si tu tends l'oreille ou La colline au coquelicots par exemple. Et pourtant, même si l'on doit régulièrement suivre ces situations relativement banales de la vie quotidienne, j'admets volontiers qu'un je-ne-sais-quoi m'attire et m'empêche de détourner le regard. Comme si le studio Ghibli avait cette étonnante capacité à attraper le spectateur par une force mystérieuse pour le retenir face à chacun de leurs films. Souvenirs goutte à goutte est une oeuvre atypique que j'apprécie particulièrement, peut-être parce que je me suis parfois reconnu dans les mêmes interrogations de Taeko presque à la même période de ma vie. Mais ce n'est qu'une supposition car je ne saurai réellement déterminer ce qui me fascine autant dans ce film surtout que je suis de ceux qui n'ont aucune fibre nostalgique.
Souvenirs goutte à goutte met en scène la jeune citadine Taeko dont nous allons peu à peu découvrir deux facettes de sa personnalité. D'un côté l'entêté jeune fille de 11 ans qui fait resurgir dans sa mémoire des évènements marquant de l'année 1966, et de l'autre la jeune femme de 27 ans, coincée dans une routine quotidienne en 1982 qui ne semble pas la satisfaire. Celle-ci décide de prendre un congé sans solde pour se rendre à Yamagata, une région rurale à mille lieu de la frénésie de Tokyo. Nous suivons dès lors le long périple de Taeko, où nous assisterons avec elle à des tranches de vies et à la remontée de ses souvenirs d'enfance. Ce qui frappe le plus lorsque l'on découvre Souvenirs goutte à goutte, c'est pour son réalisme, quasi photo-réaliste même. Pour les faits qui se déroulent en 1982, le film s'efforce avec une étonnante exactitude de retranscrire un univers aussi proche du réel que ne l'aurait été un documentaire, en allant même jusqu'à insérer de multiples détails graphiques fidèles et conforme à cette époque. A contrario, les faits qui se déroulent en 1966 sont traités avec un onirisme propre à un film d'animation. Les deux univers se mêlent d'ailleurs à la perfection sans que l'un des styles utilisés ne dénature l'autre.
Souvenirs goutte à goutte ne s'adresse clairement pas à tous les publics, je dirais même que les enfants et les adolescents feront l'impasse sur ce film sans aucun regret. Il s'adresse vraiment aux jeunes adultes qui démarrent dans la vie active et qui vont certainement se trouver bien des points communs avec Taeko. Cela explique sans doute pourquoi Disney France n'a pas jugé bon de proposer de version française de ce film (une première pour un film d'animation), dont nous devons nous contenter d'une simple version originale sous-titrée, mais qui reste indéniablement de grande qualité. Taeko affronte vraiment une profonde crise intérieure, elle est à un tournant de sa vie, et ne sait réellement pas vers quel avenir se tourner. D'autant que ses innombrables souvenirs tentent de démontrer que régulièrement elle a fait de mauvais choix dans sa vie. Elle ne s'en rend réellement pas compte au début du film, au contraire du spectateur qui a plus rapidement saisie le contexte, et c'est précisément au détour d'une question anodine qu'elle réalise enfin à quel point elle reste mortifiée à l'idée de faire un choix.
Et l'élément déclencheur de ces évènements se nomme Toshio. Le jeune homme a franchi le pas du changement en renonçant à sa vie confortable où il était employé dans une grande société japonaise, pour se tourner vers le monde de l'agriculture, devenue depuis lors une véritable passion. Toshio est réellement un personnage fascinant et intéressant dans l'oeuvre, il est un homme moderne de la jeune génération qui ose braver les tabous du cocon familial pour s'émanciper à sa guise. Dans le même temps, Toshio va devenir une épaule pour Taeko et il saura l'écouter sans jamais chercher à l'influencer dans quoi que ce soit. Leur première rencontre dans le film est parfaitement représentative de cette situation. On assiste en effet à un très long trajet en voiture de presque 20 minutes entre la gare et la ferme qui ne s'avère pourtant pas lourd du tout, cette séquence étant habilement découpée entre conversations intéressantes sur le monde rural, et résurgence des souvenirs de Taeko, auxquels Toshio apporte un tout nouvel éclairage. Involontairement, Toshio provoque donc peu à peu le doute dans la coeur et la tête de Taeko. Quelque chose à laquelle elle n'était pas préparée, et qui remet en cause toutes ses certitudes.
Je l'ai déjà dit un peu plus haut, Souvenirs goutte à goutte ne plaira certainement pas à tous les publics. Entre son absence totale d'action ou de suspense, il s'agit surtout d'un film retraçant une tranche de vie du Japon d'autrefois. Beaucoup de spectateurs seront donc déboussolés par son déroulement mollasson où il ne se passe au final absolument rien de palpitant. Pour autant, ce film reste sans aucun doute possible la meilleure réalisation du studio Ghibli aussi bien en terme de qualité graphique que de narration, car il détonne complètement de tout autre film d'animation réalisé à ce jour. Souvenirs goutte à goutte est ainsi une oeuvre unique en son genre qui entraînera avec lui les spectateurs qui accepteront d'entrer dans l'univers de Taeko. Il est d'ailleurs important de savourer ce film jusqu'à la toute dernière minute du générique de fin !
Olivier J.H. Kosinski - 22 février 2013
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03 juillet 2013
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Doublage (France - 2020)
Netflix et éditions Wild Bunch uniquement
Taeoko : Ludivine Deworst
Toshio : Pierre Le Bec
Taeko enfant : Matilda Acquisto
Mère Taeko : Célia Torrens
Yaeko : Audrey Devos
Tsuneko Tani : Noa Lecot
Nanako : Sandrine Henry
Naoko : Marie Du Bled
Kiyoko : Patrizia Berti
Mami : Monique Clermont
Naoko : Clarisse de Vinck
Père : Franck Dacquin
Sources :
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