Tintin et le mystère de La Toison d'Or est le premier long métrage en prises de vues réelles de l'oeuvre de Hergé et la seconde réalisation pour le cinéma après Le crabe aux pinces d'or en 1947. Il sort en salle en France le 06 décembre 1961. Sa première distribution au Québec est actuellement inconnue.
Je lègue mon bateau à mon vieux camarade, le capitaine Haddock. C'est sur cette phrase anodine, en apparence, que s'achève le testament de l'extravagant loup de mer Thémistocle Paparanic. Il entraîne son nouveau propriétaire et ses compagnons, Tintin, Milou, le Professeur Tournesol et les Dupondt, en Turquie puis en Grèce, à la découverte du mystère de La Toison d'Or...
Vous ai-je déjà dit que Tintin et moi, ce n'était pas vraiment l'amour fou ? Probablement pas, car j'ai essayé d'éluder le problème chaque fois que c'était nécessaire dans toutes les analyses des longs métrages et autres adaptations de Tintin. Pour autant, qu'on se le dise, à l'exception notable de Tintin au Tibet où le personnage sort enfin de son microcosme, je n'ai jamais vraiment réussi à entrer dans l'univers imaginé par Hergé. J'en rentre comme j'en sors avec cette désagréable sensation que l'intrigue est construite au fur et à mesure sans aucune vision à long terme. Ce sentiment n'est pas faux en même temps, Hergé a longtemps travaillé de cette manière et, ce, dès Tintin au pays des soviets où, en panne d'inspiration, il interrogeait ses lecteurs pour y puiser ses nouvelles idées. Bien sûr, je reconnais quand même la qualité narrative des quatre épisodes "aventureux" qui démarrent avec Le secret de la Licorne et s'achève avec Le temple du soleil, mais même là, je n'arrive pas à en garder un souvenir impérissable. Je n'en pense pas mieux de cette fameuse école de la "ligne claire", qui pour moi veut simplement dire "dessin vide", puisque les très beaux arrières plans riches que l'on trouve dans les albums couleurs de Tintin n'ont généralement jamais été de la main de Hergé. Or ses personnages manquent à mes yeux de détails, surtout leurs visages, ce qui me sort de l'histoire.
Bref, quand j'ai imaginé cette rétrospective autour du personnage durant l'été 2019, j'avais des doutes sur ce que j'allais bien pouvoir écrire sur lui. Finalement, je me suis rendu compte que j'étais devenu plus ouvert et tolérant au personnage et à son univers, sans pour autant les apprécier plus qu'auparavant. Il n'empêche, c'est avec cet esprit apaisé que je me suis laissé convaincre de regarder Tintin et le mystère de La Toison d'Or en entier pour la toute première fois. Je n'avais absolument jamais réussi à dépasser les cinq premières minutes auparavant, bien que de nombreuses occasions m'ait été donnée d'aller jusqu'au bout de l'intrigue, notamment via les multiples rediffusions du film sur Gulli et sur 6ter. Au final, l'ensemble se laisse regarder même si le scénario est longuet, la plupart des rebondissements artificiels et que la plupart des comédiens surjouent leurs rôles. Seuls demeurent finalement le côté aventureux, qui rappelle effectivement les albums, ainsi que l'ambiance générale globalement bien retranscrite par le réalisateur Jean-Jacques Vierne.
Contrairement à toutes les adaptations précédentes, Tintin et le mystère de La Toison d'Or part pour la première fois d'un scénario complètement original produit par André Barret et écrit par Rémo Forlani. Ce dernier s'est efforcé de retranscrire avec une certaine fidélité "l'esprit Hergé", à tel point d'ailleurs qu'il en ressort également les mêmes défauts : une aventure, certes, mais très simpliste dans son approche et furieusement linéaire dans son déroulement. On va d'un point A à un point B, on trouve un indice qui nous mène au point C et ainsi de suite jusqu'au dénouement. On n'a pas le temps de s'attarder sur les personnages secondaires, qui disparaissent du paysage dès leur utilité achevée, et on se surprend à peine de voir nos héros réagir comme des personnages de bandes dessinées. Il ne faut pas non plus négliger les scènes d'actions très téléphonés (je suis le méchant, regarde, j'ai un gros couteau !), douteusement chorégraphiées (Tintin fait de la boxe ou bien il danse ?), d'autres sont rigolotes (la course poursuite en moto fonctionne sur le papier, elle est nettement moins crédible ici), voire carrément ridicules (Tintin sait piloter un hélicoptère ! Mais bon, après tout, dans Le crabe aux pinces d'or il sait aussi piloter un hydravion sans connaissance de pilotage, donc bon...). Bref, l'ensemble est effectivement aussi enfantin que ne le laisse supposer l'impression première qui me gênait tant dès les premières minutes de Tintin et le mystère de La Toison d'Or . L'adaptation animée télévisée de 1964 était autrement plus énergique en comparaison.
Du côté des comédiens, j'émets aussi de grosses réserves. Alors oui, c'est indéniable, Jean-Pierre Talbot est physiquement un Tintin des plus fidèles, sans doute le plus réaliste qu'il ait été donné de voir dans un long métrage en prise de vues réelles. Malheureusement, les talents de comédiens sont rarement innés et son interprétation de Tintin sonne surtout comme une grande improvisation. Une chose est sûre, Jean-Pierre Talbot s'amuse beaucoup dans le film, riant d'ailleurs souvent sous cape là où, généralement, Tintin reste le plus souvent imperturbable. Georges Wilson n'est pas trop mauvais dans le rôle du capitaine Haddock, si l'on oublie sa fausse barbe vraiment très moche. On doit toutefois déplorer le gros lissage de la personnalité du capitaine, notamment vis-à-vis de sa très forte dépendance à l'alcool, probablement pour faire en sorte de rendre le long métrage tout public. Georges Loriot n'est pas trop mauvais non plus dans le rôle du Professeur Tournesol, mais là, c'est la présence toute entière de son personnage qui pose question dans le film. Il n'apparaît qu'aux toutes premières minutes du film avant de réapparaître, façon deus ex machina, afin de dépatouiller les personnages à la fin du film. Le reste de la distribution, exclusivement masculine à l'image des aventures de Tintin en album, fait aussi grise mine, dont les frères Gamonal en Dupondt. On s'amusera surtout des accents improbables de certains personnages qui ne correspondent en rien à leurs prétendues nationalités.
On peut tout de même accorder une qualité à Tintin et le mystère de La Toison d'Or. Il s'agit d'une jolie carte postale, certes très vieillotte désormais, mais toujours charmante quand même, puisque Tintin se promène tout autour de la Méditerranée, d'abord en Turquie (où le film a, paraît-il, rencontré un très gros succès en salle à l'époque), puis en Grèce, avant de terminer son voyage sur la Côte d'Azur française. On se balade donc dans des paysages campagnards très années 1960 qui, finalement, se prêtent relativement bien à l'ambiance des aventures de Tintin en album qui sont, pour la plupart, contemporaines à celle retranscrite dans le film. Bien sûr, il n'est pas vraiment possible d'oublier cette forte odeur de naphtaline, comme si l'on venait de retrouver une vieille malle dans un coin reculé de son grenier et qu'on la rouvrait avec ce sentiment de curiosité mêlé d'une certaine gêne sur ce qu'on va y trouver. Tintin et le mystère de La Toison d'Or, dans son ensemble, c'est un peu ça en fin de compte, une veille curiosité retrouvée au fond d'un grenier sombre sur laquelle on jette un regard singulier, mais que l'on finit par remettre dans sa boite car elle est désormais très poussièreuse, sans réelle utilité, ni valeur marchande, mais sans pouvoir se résoudre à la mettre à la poubelle.
Olivier J.H. Kosinski - 31 août 2019
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