L'apprentie sorcière sort au cinéma le 25 octobre 1972 en France, puis revient le 24 juillet 1981 avant de rejoindre la liste des films d'animation Disney constamment approvisionnés dans le commerce. Sa sortie en version francophone au Québec est inconnue. Le film a subi différents montages, tout comme Peter et Elliott le dragon après lui, dont trois sont arrivés jusqu'à nous ainsi que deux doublages différents disponibles en quatre variantes ! Je consacre d'ailleurs un dossier aux différents montage du film.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans le village de Pepperinge Eye situé au sud de l'Angleterre, Charlie, Carrie et Paul, sont placés chez Églantine Price. Si elle parait au premier abord assez froide, elle finit par s'attacher aux trois enfants qui découvrent d'ailleurs très vite ses étonnants pouvoirs. Étudiant assidûment les cours de sorcellerie de l'éminent professeur Emelius Browne, elle se met en quête d'un puissant sortilège capable de renverser le destin de cette guerre. Mais le cours par correspondance est malheureusement interrompu au moment crutial où devait être dévoilé le sortilège tant désiré. Avec les enfants, elle enfourche son lit magique en direction de Londres pour suivre les traces du professeur Browne, seul homme capable de le lui enseigner...
De tous les longs métrages mélangeant prises de vue réelle et animation, plus encore parmi le trio de tête Mary Poppins, Peter et Elliott le dragon et L'apprentie sorcière, c'est sans nul doute possible ce dernier que j'apprécie le moins. Le revoir, qui plus est, dans sa version longue tant qu'à y être, fut, par moment, un véritable supplice tant ce film semble être affreusement décousu. Mon pire moment d'entre tous reste l'effroyable scène à Portobello Road, avoisinant les 10 longues minutes, où toute une ribambelle de personnages anecdotiques se mettent à danser à tout va sur un rythme endiablé et sans queue ni tête. Même si ce n'est pas la première fois que je la vois, mes yeux se sont encore une fois écarquillés devant cette atrocité cinématographique dont je ne parviens toujours pas aujourd'hui à comprendre la logique de sa présence dans le film. Absolument rien ne justifie que ces personnages se mettent à gesticuler comme ça en plein milieu du film. L'apprentie sorcière n'est pas vraiment une pure comédie musicale, comme l'avait été Mary Poppins. Et quand bien même ça aurait été le cas, cette longue scène semble affreusement incohérente aussi bien dans le contexte de l'intrigue où rien n'explique cette soudaine frénésie collective, que de celle de la période des bombardements de Londres durant l'été 1940 où il y avait peu de chances qu'on se mettent soudain à danser ensemble aussi joyeusement. Heureusement, si j'arrive à supporter et, par certains côtés, même réussir à apprécier L'apprentie sorcière, c'est grâce à l'existence des deux versions remontées du film : la version Internationale évidemment mais, surtout, la version télévisée qui recentre parfaitement le récit autour du strict essentiel.
Parmi les choses intéressantes de L'apprentie sorcière, on trouve l'étonnant amalgame de trois sources différentes pour la construction du récit. À peu près tous ceux qui s'intéressent au long métrage savent que celui-ci tire son idée générale de deux romans écrits par l'écrivaine britannique Mary Norton. C'est effectivement là qu'a été puisée l'origine d'Églantine la magicienne et des trois enfants notamment. Mais le long métrage de Disney inscrit son adaptation en pleine Seconde Guerre mondiale, un élément de contexte qui était totalement absent des romans de Mary Norton. Cet ajout, loin d'être anodin, est même l'une des plus astucieuses trouvailles du film car elle rend hommage au folklore anglais ! Lequel me demandez-vous ? Et bien commençons déjà par poser les bases du contexte. À cette époque, l'Allemagne nazie voit dans la Grande Bretagne un ennemi qu'il faut rapidement mettre à terre. Dès le début de la guerre, et même avant que soient décidés les bombardements massifs de Londres, une grande évacuation des civils, surtout des enfants, était organisée vers les campagnes. Ce qui offre une bonne idée pour justifier l'arrivée des enfants chez Églantine. Par la suite, Hitler imagine un plan d'attaque, nommée opération Lion de Mer, destiné à envahir l'Angleterre.
Imaginée dès 1939, cette opération est toutefois décalée au 10 août 1940, avant qu'elle soit finalement annulée. Les éclaireurs allemands envahissant le petit village de Pepperinge Eye fait alors parfaitement sens, puisque le film commence justement en août 1940. Mais, là où cela devient particulièrement croustillant, c'est lorsqu'on ajoute une dimension fantastique à cet ensemble historique. D'après les légendes anglaises, on raconte que si Hitler changea finalement d'avis, c'était par la force d'une confrérie de sorcières qui s'étaient réunies près des côtes anglaises pour empêcher l'invasion ! Une idée qui semble évidemment très tirée par les cheveux, mais qui fut longtemps soutenue par le britannique Gerald Brousseau Gardner, grand adepte d'ésotérisme et fondateur du mouvement moderne de wiccanisme anglophone. Si l'on a toutes les raisons d'en rire aujourd'hui, il est indéniable que les auteurs de l'adaptation de L'apprentie sorcière ont eu connaissance de cette légende et s'en sont inspirés pour l'insuffler dans le scénario de leur film. D'où cette assez intéressante imbrication entre les éléments des romans, la réalité historique et le folklore anglais, permettant d'offrir aux spectateurs une relecture magique amusante dans la pure tradition des films Disney.
Parmi les griefs que je porte envers L'apprentie sorcière, hormis cet éprouvant passage à Portobello Road, il faut également compter celui de la bande originale. Alors qu'ils ont pourtant été de grands artisans de nombreux morceaux mémorables, les frères Sherman affichent ici clairement une démotivation manifeste. Incontestablement, le duo est arrivé au bout de ce qu'ils savaient faire. Probablement parce que Walt Disney n'était plus là pour tirer le meilleur parti d'eux. Il n'empêche, à l'exception de "The Beautiful Briny Sea" ("Dans le bleu de la mer" en français) plutôt agréable mais dont il faut émettre un bémol - le titre ayant originellement été écrit pour Mary Poppins -, l'ensemble des chansons de L'apprentie sorcière sont tout sauf mémorables. On n'en retient absolument aucune. Et, si jamais ce n'est pas le cas, c'est parce qu'elles ressemblent à s'y méprendre à des redites de chansons coupées de Mary Poppins. Quand on entend Emelius Browne chanter les louanges d'Églantine, on se rappelle Bert chantant devant les peintures au sol. "Substitutiary Locomotion" n'est rien de plus qu'une version rabotée du mot bien trop long et parfaitement atroce "Supercalifragilisticexpialidocious" mais sans le génie de Julie Andrews. "The Age of Not Believing" ("L'âge de vos beaux rêves") sonne comme une version révisée de "Feed the Birds" ("Nourrir les p'tits oiseaux") dont le tempo est d'ailleurs tout aussi soporifique. Quant à "Portobello Road", je préfère éluder la question tant cette séquence traumatique repasse devant mes yeux à chaque fois que j'ai le malheur d'y penser. Bref, il ne faut pas vraiment s'étonner que la version télévisée ait presque intégralement supprimée toutes les chansons du film. Un vrai bonheur auditif à titre personnel ! Je pense que même les frères Sherman eux-même ont eu conscience qu'ils avaient fait le tour de la question, ce qui explique leur départ du studio Disney après ce film.
À contrario, L'apprentie sorcière bénéficie de très belles qualités, à commencer par son héroïne principale : Églantine Price. Derrière le rôle, l'immense star intergénérationnelle, Dame Angela Lansbury ! Comme beaucoup de monde, j'ai toujours connue cette actrice à travers son rôle télévisé le plus célèbre, Jessica Fletcher, écrivaine à temps perdu passant surtout le plus clair de son temps à résoudre des affaires policières délicates au nez et à la barbe des plus grands services policiers du monde, dans le cadre de la série Arabesques. Plus près de nous, et sans que je le sache à l'origine, Angela Lansbury s'est également cachée derrière Madame Samovar, avec un rôle sur mesure où elle interprète les plus mémorables chansons du film. On l'a d'ailleurs retrouvée plusieurs fois dans le monde de l'animation, en tant que Duchesse dans Anastasia ou encore en tant qu'invitée spéciale dans Fantasia 2000. Je ne lui connaissais pourtant pas son rôle d'Églantine Price, puisque n'ayant découvert L'apprentie sorcière que sur le tard. Et quel rôle ! Angela Lansbury, qui n'était pourtant pas le premier choix de la production, s'amuse avec une joie très communicative à jouer une apprentie sorcière pleine de bonne volonté mais décidément très tête en l'air. Le long métrage regorge de scènes cocasses que seule une grande actrice comme elle pouvait jouer. La voir par exemple gesticuler avec un balais quand celui-ci s'avère récalcitrant à voler, c'est du pur burlesque ! On en oublie que la scène est absolument invraisemblable, car limitée par les techniques des effets spéciaux de l'époque - ici réduit à Angela Lansbury faisant semblant de batailler avec un balais - pour en apprécier exclusivement le seul côté cocasse. L'actrice s'amuse à de très nombreuses reprises à donner plusieurs facettes à Églantine, tantôt sérieuse, tantôt rigide, tantôt blasée, tantôt amusée, allant même jusqu'à se lancer dans de folles danses. Ce qui me permet de passer outre les gros ratés du film (Argh non, pas Portobello Road !! Oups, je me répète...)
À ses côtés, Angela Lansbury côtoie du beau monde. Commençons d'ailleurs par évoquer le rôle très fugace de la star Roddy McDowall, principalement connue en France pour s'être cachée sous un masque dans la grande saga de La planète des singes. Quasiment éliminé de la version télévisée, presque autant dans la version internationale, le révérend Rowan Jelk est un étrange personnage qui semble avoir été parachuté dans le film sans que l'on comprenne vraiment pourquoi. Rowan est en effet un personnage très anecdotique mais qui prend un peu plus de consistance dans la version longue, se révélant très intéressé, non par le fait d'épouser Églantine, mais surtout par l'idée de récupérer le cottage de Miss Price à cette occasion. Un personnage anecdotique mais très amusant qui découvre, à ses dépends, que Miss Price n'est vraiment pas faite pour lui. Autre acteur britannique de talent, David Tomlinson interprète le Professeur Emelius Browne, un rôle complètement à contre-courant du rigide Monsieur Banks dans Mary Poppins, mais aussi du perfide Peter Thorndyke dans Un amour de Coccinelle. David Tomlinson propose un personnage loufoque et opportun, vivant d'embrouilles et de facéties dans les rues désertées de Londres. Sans que le film ne cherche vraiment à le dire, Emelius à tous les traits d'un déserteur de l'armée, si tant est qu'il ait été appelé sous les drapeaux. En tout cas, il est sûr que le bonhomme s'est volontairement tenu éloigné du conflit, jusqu'à ce que sa perception du monde en guerre soit chamboulée par la candeur d'Églantine. La jeune femme, un peu gauche dans son attitude, disons même "vieille fille" sur les bords, a une approche très romantique du conflit, se mettant en tête de bouter seule les allemands hors d'Angleterre de façon un peu candide. Pourtant, prenant conscience du lien émotionnel qui se lie entre eux et de la portée des objectifs d'Églantine, Emelius semble revoir peu à peu sa position jusqu'à finalement s'engager pour protéger ses semblables. Un dénouement doublement inattendu que L'apprentie sorcière ne se conclut pas non plus sur le traditionnel baiser amoureux, et encore moins sur un couple, laissant les spectateurs dans l'expectative de leur hypothétique rapprochement ou non.
Si je réussis à apprécier un peu L'apprentie sorcière aujourd'hui, c'est principalement parce que la version télévisée existe, éliminant tout ce qui était lourd et inconsistant pour ne conserver que le strict nécessaire. Bien sûr, revoir ce film sous ce format entraîne un florilège de faux raccords très disgracieux, que l'on a bien du mal à ne pas voir, mais je maintiens que le long métrage gagne à être mieux connu sous cette forme. Revoir la version longue, aujourd'hui disparue de la circulation même aux Etats-Unis, permet de se rendre compte à quel point le genre comédie musicale ne convient pas du tout à ce récit. Entre les deux, la version Internationale, unique survivante et seule version distribuée dans le monde actuellement, fait un évident choix de compromis que je n'arrive pourtant pas à accepter autant que la version télévisée, vraiment la meilleure des trois. D'autant plus qu'elle conserve toutes les scènes les plus iconiques, dont le célèbre match de foot animalier, et les plus grosses scènes à effet spéciaux dont la grande majorité sont encore aujourd'hui de grandes réussites. Évidemment, L'apprentie sorcière a depuis pris un gros coup de vieux, mais ne boudons pas pour autant notre plaisir de voir gesticuler une aussi rayonnante de malice Angela Lansbury !
Olivier J.H. Kosinski - 06 octobre 2022
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13 novembre 2018
DVD Plus de détails Acheter (Neuf ou Occasion)
12 août 2014
Blu-ray Edition Spéciale Plus de détails Acheter (Neuf ou Occasion)
1er Doublage (France - 1972)
Version Internationale (117mn)
Églantine Price : Mony Dalmès (Dialogues)
Églantine Price : Eliane Thibault (Chant)
Emelius Browne : Philippe Dumat (Dialogues)
Emelius Browne : Francis Linel (Chant)
Carrie Rawlins : Séverine Morisot
Charlie Rawlins : Fabrice Bruno
Paul Rawlins : Christophe Bruno
Mme Hobday : Lita Recio
Général Taegler : Gérard Ferrat
Colonel Heller : Jean Berger
Prêtre Jelk : Jean-Pierre Dorat
Swinburne : Georges Atlas
Le libraire : Henri Virlojeux
Capitaine Greer : Jacques Marin
Le Merlu : Jean-Henri Chambois
L'Ours : Jacques Dynam
Le Lion : Claude Bertrand
L'Oiseau : Jacques Ciron
Le vieux fermier peignant le panneau : Paul Villé
Femme au centre d'accueil : Marie Francey
Le sergent moustachu de la garde territoriale : Pierre Collet
Vendeur russe : Pierre Marret
Vendeur d'antiquités : José Germain
Vendeuse de cristaux : Anne Germain
Vendeur de bijoux : Henri Tallourd
Vendeur de tableaux : Jean Stout
Vendeuse de bijoux : Marie Francey
Le chef de gare : Fernand Fabre
Sergent allemand : Hans Verner
Voix-off Centre d'accueil : Marie Francey
Voix-off Journal : Jean Berger
Choeurs :
- Danielle Licari
- Anne Germain
- Géraldine Gogly
- Françoise Walle
- Henri Tallourd
- José Germain
- Jean Stout
Retouche 1er doublage (France - 198?)
Version Télévisée (98mn)
Plusieurs retouches et raccords ont été nécessaires
Les comédiens sont les mêmes.
2e Doublage (France - 2003)
Version longue reconstituée (139mn)
Églantine Price : Brigitte Virtudes
Emelius Browne : Bernard Alane
Carrie Rawlins : Camille Donda
Charlie Rawlins : Maxime Baudoin
Paul Rawlins : Gwenvin Sommier (Dialogues)
Paul Rawlins : Louis Pottier (Chant)
Mme Hobday : Marion Game
Général Taegler : Jean-Pierre Denys
Colonel Heller : Marc Perez
Prêtre Jelk : Eric Legrand
Swinburne : Nicolas Marié
Le libraire : Pierre Baton
Capitaine Greer : Philippe Dumat2
Le Merlu : Gérard Dessalles
L'Ours : Pascal Renwick 9
Le Lion : Richard Darbois
L'Oiseau : Jean-Claude Donda
Le vieux fermier peignant le panneau : Georges Aubert
La femme au centre d'accueil : Hélène Otternaud
M. Widdenfield : Jacques Dynam
Le sergent moustachu : Pascal Casanova
Vendeur de sculptures : Olivier Constantin
Vendeur russe : Olivier Constantin
Vendeur d'antiquités : Olivier Constantin
Vendeuse de cristaux : Francine Chantereau
Vendeur d'armes anciennes : Georges Costa
Vendeur de bijoux : Michel Costa
Vendeur de tableaux : Jacques Mercier
Vendeuse de fripes : Martine Latorre
Premier vendeur de livres : Olivier Constantin
Deuxième vendeur de livres : Daniel Beretta
Le chef de gare : Jean-Pierre Denys
Voix-off Centre d'accueil : Sylvie Genty
Voix-off journal : Bernard Alane
Voix des actualités radio : Bernard Metraux
Choeurs :
- Francine Chantereau
- Dominique Poulain
- Martine Latorre
- Magali Bonfils
- Michel Costa
- Georges Costa
- Olivier Constantin
- Jean-Marie Marrier
- Jacques Mercier
- Jean-Claude Briodin
Retouche 2e doublage (France - 2009)
Version Internationale (117mn)
Seule version exploitée partout depuis
Plusieurs retouches et raccords ont été nécessaires
Les comédiens sont les mêmes.