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Atlantide, l'empire perdu est un long métrage que j'apprécie particulièrement, trouvant d'ailleurs qu'il a tendance à se bonifier avec le temps. Pour autant, le long métrage n'a jamais vraiment été très populaire, même à l'époque de sa sortie en salle où une grande partie du public l'avait boudé, tandis qu'une autre partie lui reprochait le manque de caractérisation de personnages, l'absence de chanson, le design anguleux et tout un tas d'autres choses. C'est plus ou moins face à ce constat que lesgrandsclassiques.fr est né, afin de réhabiliter un tant soit peu l'expérience. Presque 25 ans plus tard, preuve en est que le long métrage ne semble toujours pas être devenu populaire auprès du grand public comme auprès des fans de Disney, contrairement à La planète au trésor dont le renversement de l'opinion publique à son sujet est nettement plus spectaculaire. C'est dommage, mais c'est comme ça. Toujours est-il que Atlantide, l'empire perdu reste à mes yeux une ôde à l'aventure avec pour seule vedette le continent perdu lui-même. Si les personnages sont assez peu développés, c'est principalement pour laisser toute sa place au grand mystère de la cité légendaire engloutie. Rares auront été les films d'animation Disney à avoir des décors aussi grandioses servant un propos aventureux. Le format panoramique adopté permet aux artistes de laisser libre cours à la démesure des paysages, tout comme ils se soucient du moindre détail affiché dans les recoins de l'écran. Au-delà de l'intrigue, chaque élément de l'image est souvent capable de raconter une histoire, preuve que toute une riche mythologie a été travaillée et insufflée au long métrage.
Milo : Patrice Dubois et Luq Hamet
Atlantide, l'empire perdu c'est aussi un long métrage qui bénéficie de deux doublages francophones de qualité, dont les choix des acteurs respectifs sont particulièrement pertinents. Certains choix des directeurs de plateaux sont d'ailleurs extrêmement troublants de similarité, alors que les deux régions sont pourtant séparées par des milliers de kilomètres. Formulé autrement, les deux doublages du film offrent parfois des voix aux personnages qui sont particulièrement similaires, jusque dans la façon de les interpréter. A contrario, deux comédiens sur le même personnage vont proposer quelque chose de très différent, mais qui fonctionne tout autant. Les années 1990, c'est aussi encore l'époque où le star-talent n'était pas encore devenue la norme absolue dans le milieu du cinéma d'animation, même si de grands noms de scène, non spécialisés dans le doublage, étaient déjà quelquefois conviés. Ce qui est d'ailleurs le cas de la version française qui en invite trois : Jean Reno pour Enzo, Mouss Diouf pour le Dr Gentil et Patrick Timsit pour La Taupe. Si l'on excepte Mouss Diouf, qui ne ressemble pas vraiment au personnage qu'il interprète, il faut reconnaître que Disney Character Voice France et Dubbing Brothers ont fait un choix amusant avec les deux autres comédiens qui leur ressemble assez fortement. Jean Reno s'amuse d'ailleurs beaucoup avec Enzo, en accentuant à outrance jusqu'à la caricature le mafioso italien. C'était la troisième fois à l'époque qu'il doublait des personnages animés, après Porco Rosso et Mufasa. Patrick Timsit retrouve un autre personnage excentrique pour la seconde fois pour Disney après le trublion Philoctète en 1997. Son interprétation est conforme à ce que l'on pense savoir de La Taupe.
Kida : Christine Bellier et Laura Blanc
Côté Québec, ce sont Luis De Cespedes et Sébastien Dhavernas qui assurent les deux personnages. Leurs interprétations des personnages sont très différentes, d'autant qu'elles effacent un peu les origines européennes des deux personnages. Ainsi, alors que l'on s'attend de Luis De Cespedes, de par ses origines latines, à livrer un accent hispanique à Enzo, il gomme au contraire totalement cet aspect du personnage pour un accent plutôt franchouillard du sud-ouest de la France. C'est assez cocasse, mais cela fonctionne vraiment bien. J'imagine qu'il s'agit d'un choix délibéré du directeur de plateau, pour ne pas se retrouver face à un second personnage hispanique après Audrey, tout en offrant un accent "non québécois" (relatif, vu que la majorité des doublages au québec sont proposés en français international assez lissé au niveau des intonations) au personnage. Du coup, cela conduit à effacer totalement le moindre accent français de La Taupe. Sébastien Dhavernas livrant de fait une interprétation assez similaire à celle de Patrick Timsit.
Enzo : Luis De Cespedes et Jean Reno
Un constat de similarité vocale que l'on retrouve aussi sur deux personnages assez savoureux : l'opératrice Mme Placard et le cuistot Jebidiah. Pour la première, Johanne Garneau au Québec et Laurence Badie en France se partagent le rôle. Toutes les deux s'amusent à construire un personnage désabusé, voire aigri, et qui semble vivre dans son propre microcosme. Toutes les deux sont aussi délicieusement sarcastiques avec des intonations de voix assez similaires entre elles. Pour le second, ce sont Louis-Georges Girard au Québec et Gérard Hernandez qui se partagent le rôle. Là encore, les deux hommes proposent un personnage excentrique dont l'interprétation est assez similaire. Louis-Georges Girard se démarque cependant en attribuant un accent et une attitude plutôt sud-américains, là où Gérard Hernandez est plus proche d'un Grand Schtroumpf déglingué. Au-delà de l'interprétation vocale des quatre comédiens, les deux personnages se démarquent au niveau de leurs dialogues. On retiendra par exemple le "On va tous crever" pour Mme Placard et le très osé "Serrez bien les fesses" pour Jebidiah. La version québécoise se veut généralement plus sage dans ce qu'elle propose, tandis que la version française use souvent de calembour voire de répliques plus graveleuses que d'ordinaire. Ce qui est d'ailleurs un constat sur l'intégralité du doublage français. Les intentions un peu graveleuses sont plus rares côté québécois, à quelque exceptions près comme le suave "Oh Oh Oh" de Manon Arsenault lorsque Helga Sinclair rencontre Milo pour la première fois. Curieusement, l'adaptation française n'a pas voulu assumer le côté vamp du personnage à ce moment-là, alors qu'elle se permet bien d'autres digressions ailleurs.
Gaétan : Sébastien Dhavernas et Patrick Timsit
Sur les rôles principaux, Patrice Dubois au Québec et Luq Hamet en France se partagent Milo. Assurément, Luq Hamet donne un côté plus juvénile au personnage que Patrice Dubois. Cependant, les deux réussissent à brosser vocalement un personnage qui manque de confiance en lui, souvent dans la Lune et déconnecté du monde réel, mais dont les convictions sont si profondes qu'il finit par épouser une cause juste. On a souvent reproché à Milo d'être une version édulcorée et excentrique du Professeur Daniel Jackson de la saga Stargate, particulièrement sa déclinaison dans la série télévisée, moi le premier, pour autant Milo est un personnage très intéressant dans la droite lignée des deux autres personnages masculins des films réalisés par Gary Trousdale et Kirk Wise, à savoir la Bête et Quasimodo, dans le sens où ce sont des personnages incompris et rejetés qui réussissent finalement à trouver leur place dans le monde. Patrice Dubois et Luq Hamet parviennent tous deux à retranscrire avec fidélité ce personnage tout au long du film. Pour la Princesse Kikidada... ga... euh... Kida pour les intimes, ce sont Christine Bellier au Québec et Laura Blanc qui se partagent le rôle. Si l'on rira de bon coeur sur l'explication capillotractée de la facilité avec laquelle Kida est capable de parler français (mais qui a le mérite d'avoir une explication bien plus "rationnelle" qu'un banal air du vent), les deux comédiennes donnent une tonalité différente au personnage. Pour la version française, Laura Blanc la rend plus sûre d'elle, presque à lui donner le rôle de forte tête, mais non dénué de respect pour son père. Christine Bellier préfère lui donner un caractère plus désabusé, mais qui cherche une issue heureuse à son peuple devenu décadent à travers les âges. Les deux comédiennes se rejoignent cependant sur le côté sensible du personnage et l'opportunité qu'elle voit en Milo de renouveau pour sa civilisation.
Docteur : Maka Kotto et Mouss Diouf
Autour d'eux, revenons un peu sur Helga Sinclair, évoqué un peu plus tôt. Il est indéniable que ce personnage est à la croisée des chemins entre Jessica Rabbit et Lara Croft. Dès sa toute première apparition à l'écran, on s'attend presque à la voir prononcer la phrase "J'suis pas mauvaise, je suis juste dessinée comme ça !" tout en dégainant son double pistolet pour dégommer tout ce qui l'entoure. Ce qui est presque vrai quand on voit ce qu'il advient d'elle plus loin dans le film. Au Québec, Manon Arsenault joue à fond la carte de la vamp, disons même un côté James Bond Girl qui lui convient. En France, Juliette Degenne accentue dès le début que Helga à un côté douteux, ce qui tend à effacer le twist autour du personnage, même si l'on s'attend à ce qu'elle agisse ainsi dans le film. Plus explicitement, en lui donnant ce côté ambivalent, Manon Arsenault a ainsi l'avantage de laisser planer le doute, alors que ce n'est pas le cas pour Juliette Degenne. Sur Rourke, je trouve que la voix plus caverneuse de Vincent Davy sied mieux au personnage, ce qui lui donne une plus grande prestance dans le film. En France, Jean Barney lui donne un côté plus sournois, plus froid, mais un peu trop en accord avec l'archétypique des précédents méchants Disney. Cela le rend un peu plus caricatural, alors que le personnage se démarque beaucoup d'eux, mais sans renier son grand esprit stratège que les deux comédiens parviennent à retranscrire vocalement.
Audrey : Camille Cyr-Desmarais et Ethel Houbiers
Choix particulièrement intéressant de la version française, le Roi Kashekim Nedakh est interprété par Robert Party qui prêtait déjà sa voix à Leonard *Spock* Nimoy (qui joue le personnage en version originale) dans quatre longs métrages Star Trek entre 1982 et 1991. C'est un choix très heureux pour le film, tout comme un beau clin d'oeil à l'univers de science-fiction imaginé par Gene Roddenberry et les fans de doublage. Coïncidence fortuite, ou au contraire peut-être totalement préméditée, Yves Massicotte a également donné sa voix à un personnage de Star Trek - Premier Contact dans la version québécoise en 1996, mais sur un autre rôle. Les deux hommes s'imposent bien en tant que Roi du continent perdu. Finissons à présent ce tour d'horizon avec trois personnages. Commençons par le médecin de bord dont le nom -et les blagues liées à celui-ci- change selon le doublage, y compris en version originale. Dans celle-ci, le personnage porte le nom de Joshua Strongbear Sweet, que l'on pourrait traduire en Joshua le Tendre Grosnounours en français. Jugeant sans nul doute cette appellation hasardeuse en français, le Québec le baptise Joshua Ledoux jouant sur le contraste de son nom et la scène cocasse où il emploi tout un tas d'instrument de torture quand il rencontre Milo. C'est Maka Kotto qui prête sa voix au personnage. En France, le personnage est nommé Amadou Gentil, où les adaptateurs jouent sur le côté gentil du personnage qui "amadoue" ses victimes. C'est Mouss Diouf qui lui prête sa voix. Les deux hommes font jeu égal dans ce rôle, offrant assurance et malice au docteur.
Audrey : Vincent Davy et Jean Barney
Pour Audrey Ramirez, les deux adaptations francophones font le même choix de conserver l'accent hispanique du personnage. Toutefois, la version française se démarque en conviant Ethel Houbiers, dont l'accent est naturel et à qui l'on confie souvent le doublage de personnages d'origine espagnole. Elle est notamment la voix régulière de Penélope Cruz. Au Québec, c'est Camille Cyr-Desmarais qui lui prête sa voix. Dans les deux cas, elles parviennent à la rendre attachante, quoi que en retrait de l'intrigue. Finissons enfin avec Fenton Harcourt, le millionnaire qui dépense sans compter, exibitionniste à ses heures perdues et dont les intentions paraissent un temps quelque peu douteuses, même s'il finit par n'être qu'un joyeux drille prétexte à l'aventure de Milo. En France, c'est Marc Cassot qui lui prête sa voix. Déjà âgé au moment du doublage du film, mais toujours actif, Marc Cassot a souvent joué le rôle d'un patriarche ou d'une figure paternelle durant cette période. On le reconnaît aujourd'hui plus facilement sur Albus Dumbledore ou Bilbon Saquet notamment. Il apporte un côté pétillant au personnage, déjà loufoque à la base. Au Québec, c'est André Montmorency qui joue le rôle. Là encore, le comédien lui confère à son tour un côté farfelu voire un brin provocateur.
Helga : Manon Arsenault et Juliette Degenne
En résumé, bien que l'absence totale de chanson nous prive de l'écart d'adaptation habituel des films Disney et que les interprétations sont sensiblement différentes, les deux doublages de Atlantide, l'empire perdu se valent et méritent d'être appréciés à leurs justes mesures. Notons au passage que les comédiens francophones de Kida et du Roi ont fait l'effort de parler le dialecte atlante dans les deux doublages, renforçant ainsi l'immersion qui en découle, sans avoir recours au doublage original.
Nota Bene : La liste des comédiens ayant contribué à ces doublages francophones est disponible dans la fiche dédiée du film. Merci de vous y reporter.
Olivier J.H. Kosinski - 22 juillet 2024