Analyse de l'oeuvre
Il arrive parfois que certains films sans prétention aucune deviennent instantanément attachants. On ne sait pas trop pourquoi, surtout quand ces films n'ont vraisemblablement rien de bien engageant à la base et n'arrivent même pas à briller en salle lors de leur sortie. Hocus Pocus - Les trois sorcières est un de ceux-là, un de ces films qui ont été progressivement réhabilités par des générations successives de spectateurs, jusqu'à atteindre un statut de film culte sans qu'on en comprenne tout à fait les raisons. C'était léger, sans prise de tête, quasiment sans aucun réel scénario, mais il y avait ce petit brin de folie qui rendait le tout très fascinant. Année après année, au fil des multiples rediffusions aux Etats-Unis, Hocus Pocus - Les trois sorcières va finalement obtenir son statut d'oeuvre culte. En Europe, surtout en France, où la fête d'Halloween fait presque systématiquement un flop à chaque tentative désespérée des commerçants pour l'imposer depuis le début des années 2000, Hocus Pocus - Les trois sorcières est un peu moins connu du grand public. Mais dans la grande majorité de ses fans, le constat est à peu près le même qu'aux Etats-Unis : on trouve ça finalement très puéril, disons même parfois très mauvais, mais on adore quand même le revoir sans fausse honte, comme chaque rediffusion annuelle d'un Astérix ou d'un film Louis de Funès. Un succès que l'on doit, en grande partie, au trio d'actrices irrésistibles que sont Bette Midler, Kathy Najimy et Sarah Jessica Parker.
Découvrir qu'une nouvelle aventure allait les mettre à nouveau en scène avait de quoi faire trembler d'effroi. Car Hocus Pocus 2 a longtemps été, tout autant, attendu que redouté. Trois décennies entre deux opus, cela représente une éternité dans le monde de la fiction, même si c'est loin d'être une nouveauté. La mode du "vintage", en d'autres termes de faire du neuf avec du vieux, est étonnamment cyclique. La mode du remake, prequel, reboot et autres anglicismes modernes remontent aussi loin que l'invention du cinématographe. L'enfant émerveillé d'hier par une fiction se lance dans la réalisation en espérant transmettre la même magie ou bien choisit de proposer sa version revisitée d'une histoire incitant à leur tour d'autres enfants à faire de même, dans un perpétuel recommencement. Hocus Pocus 2, c'est exactement ça, reproduire une expérience passée en l'actualisant juste un peu pour lui donner un côté plus moderne. Mais, dans l'essence même du film, finalement, rien ne change vraiment. On retrouve à peu près la même recette, qui sent fortement la naphtaline, saupoudré d'un léger message bien-pensant très pénible, propre à la décennie, qui alourdit inutilement l'ensemble. A cela s'ajoute l'inévitable conflit des générations, même si les nouveaux personnages semblent tout droit sortis d'un épisode comique de la saga Scooby Doo. Hocus Pocus - Les trois sorcières avait une approche plus sérieuse, même si l'aventure était déglinguée, ce qui n'est pas le cas de Hocus Pocus 2, beaucoup plus puéril (et où les hommes blancs sont tous des imbéciles...).
Heureusement, tout ce qui fait défaut à Hocus Pocus 2 est contrebalancé par une seule chose : la joie extrêmement communicative de Bette Midler, Kathy Najimy et Sarah Jessica Parker retrouvant leurs rôles respectifs. Il ne fait pas le moindre doute, quel que soit le moment du film, que les trois comédiennes s'éclatent autant, si ce n'est plus, qu'en 1993. Elles se glissent dans leurs costumes d'époque comme si elles ne les avaient jamais quittés, cabotinant comme des bienheureuses. Passé l'introduction rigolote, totalement dispensable mais plutôt bien jouée par les jeunes comédiennes qui incarnent leurs versions juvéniles, on s'étonne d'apprécier immédiatement le retour des trois actrices dès qu'elles apparaissent à l'écran. Se laissant à nouveau totalement duper par le monde moderne qui les entoure, on se prend tout de suite aux jeux de leurs improbables pérégrinations à Salem. Toutes les scènes cocasses fonctionnent, y compris celles qui se révèlent à la limite de l'absurde. Plus que l'intrigue globale, c'est surtout l'instant présent qui compte dans le film, peu importe comment cela est mené à l'écran. De fait, on laisse couler le choix des scénaristes - pourtant discutable - d'humaniser les trois sorcières : en 1993, elles étaient bêtes et méchantes, en 2022 elles sont juste très bébêtes. Mais, dans les faits, cette légère redéfinition fonctionne et permet d'atteindre un joli climax où Bette Midler propose une Winifred tout en délicatesse que l'on finit par prendre en pitié.
Au final, Hocus Pocus 2 s'avère être un joli prolongement, tout aussi barré que l'était son aîné, mais qui pêche par la présence de nouveaux comédiens franchement téléphonés. Mais si l'on considère leur ajout, non pas comme un passage de relais, mais bien plus comme de simples faire valoir à la gloire du seul trio, alors l'expérience en ressort bien meilleure. Les soeurs Sanderson brillent de leurs seules présence à l'écran, tandis que les nouveaux personnages sont incapables de s'émanciper sans elles. Même si le long métrage se conclut, plus ou moins, comme la transmission de leurs pouvoirs vers une nouvelle génération, leur rôle s'arrête au générique sans même donner la moindre envie de les revoir à l'avenir, tout le contraire de Winifred, Mary et Sarah, qu'on a vraiment adoré revoir à l'écran. En cela, Hocus Pocus 2 parvient parfaitement à renouer avec elles, grâce à l'énergie des trois comédiennes, faisant oublier à peu près tout le reste, y compris une réalisation finalement assez plate.
Olivier J.H. Kosinski - 08 décembre 2022
