Initialement annoncé sous le titre de Le vent se lève, puis Le vent se lève, il faut tenter de vivre, Disney France a finalement préféré revenir au titre originel. Le film est sorti en salles le 22 janvier 2014 en France et le 28 février 2014 au Québec. Le long métrage tire son titre d'un vers du poème Le cimetière marin écrit par Paul Valery en 1920. Il s'agit également d'une adapdation du manga de Hayao Miyazaki publié entre 2009 et 2010, complétée par des emprunts au roman de Tatsuo Hori publié au Japon en 1937.
Inspiré par le fameux concepteur d'avions Giovanni Caproni, Jiro rêve de voler et de dessiner de magnifiques avions. Mais sa mauvaise vue l'empêche de devenir pilote, et il se fait engager dans le département aéronautique d'une importante entreprise d'ingénierie en 1927. Son génie l'impose rapidement comme l'un des plus grands ingénieurs du monde.
Difficile. C'est bien avec ce mot que je devais commencer cette analyse, pour bien souligner la difficulté d'aborder Le vent se lève. Le long métrage cumule plusieurs faits mémorables, à commencer par ce qu'il est : le dernier film produit par Hayao Miyazaki. Cette fois, c'est sûr, il prend définitivement sa retraite de réalisateur chez Ghibli, c'est lui qui l'affirme... comme pour chacun de ses films depuis 17 ans ! Mais j'ai le sentiment que ce coup-ci, il faut le croire sur parole, car Le vent se lève est à la fois la synthèse de tout son travail et une oeuvre ambitieuse totalement unique en son genre qui surprend le spectateur. Hayao Miyazaki termine donc ici sa carrière sur un long métrage foncièrement novateur, à la fois proche et éloigné de ses oeuvres précédentes, qui se destine avant tout à un public exclusivement adulte.
Le vent se lève prend le temps d'emmener avec lui les spectateurs dans cet univers si éloigné de ce qu'on attendait normalement de Miyazaki. La première demi-heure, sur les deux heures du film, s'évertue ainsi d'être une immense rétrospective des trente dernières années du studio Ghibli. La passion pour l'aviation de Jiro Horikoshi évoque aussi bien la propre passion du réalisateur que le long métrage Porco Rosso dont il présente même un astucieux clin d'oeil. Les rêves fantastiques du personnage font écho à Mon voisin Totoro, tandis que la quête de perfection nous ramène à Kiki, la petite sorcière. La petite Kayo Horikoshi nous fait craquer autant que Ponyo, tandis que ses larmes bouleversantes une fois adulte nous remémore Chihiro. La rencontre fortuite entre Jiro et Nahoko dans le train nous rappelle Le château dans le ciel, d'autant plus quand on sait que pour eux, leur avenir est tourné vers le ciel. Leur histoire d'amour, sincère cette fois dans un film de Ghibli et non simulée, nous rapproche encore plus du tournant opéré par Miyazaki avec Le château ambulant. Enfin l'absurdité de l'être humain évoque Princesse Monoké, tandis que l'horreur de la guerre aérienne nous rappelle Nausicaa de la vallée du vent. Miyazaki aura donc mis trente années pour nous amener à Le vent se lève. La boucle est bouclée.
Soudain, la fracture est nette. Passée cette première demi-heure, Le vent se lève change de registre et adopte son propre style. Le long métrage devient troublant, parfois même dérangeant. Si la Seconde Guerre Mondiale n'est pas ouvertement montrée, elle reste éloquente. Miyazaki tente de la distiller dans un discours a priori pacifiste, il n'empêche que le personnage Jiro Horikoshi nous interpelle dans ses convictions. Certes, on comprend aisément qu'il ne veut vivre que pour concrétiser un rêve (créer le plus bel avion de son temps), il n'empêche qu'il ne peut en aucun cas ignorer à quoi servira au final sa création. De fait, Jiro devient un personnage trouble, dont on ne parvient pas à fixer véritablement ses intérêts. Le rythme du film est lent, et pourtant tout ce qui s'y passe se déroule assez vite. On brosse l'histoire de Jiro de son enfance à l'âge adulte, en cumulant quasiment toutes les étapes de sa vie. L'une des plus importantes d'entre elles étant évidemment son histoire avec Nahoko.
La première fois que j'ai vu le film, je reconnais avoir trouvé que cette relation amoureuse cassait complètement le rythme du récit. Elle l'alourdissait. Jusqu'à ce moment du film, le portrait de Jiro était net, précis, sans aucune concession. J'ai du revoir le film à deux reprises ensuite pour finalement saisir que c'était une volonté évidente de Miyazaki afin de complexifier davantage la personnalité de son héros. Tour à tour attentionné et détaché, Jiro semble désormais tiraillé entre deux choix qui s'offrent à lui. Deux possibilités, deux opportunités, deux avenirs. Malheureusement, il est incapable de prendre une décision. C'est donc Nahoko, parfaitement lucide sur sa condition et sur la passion de Jiro qui va décider pour lui. Au final, Jiro arrivera au bout d'un seul de ses rêves mais il ne pourra jamais le partager. A la fin de Le vent se lève, ne restera en lui que de profonds regrets.
Le vent se lève mélange réalité historique (Jiro Horikoshi a réellement existé), éléments fictifs (la romance entre Jiro et Nahoko) et allégorie. La plus surprenante des combinaisons de ce genre vient des bruitages mécaniques qui sont ainsi remplacés par des bruitages... « humains ». Ces sons, surréalistes, renforcent régulièrement l'angoisse ressenti dans certains situations, par exemple lorsque l'on entend les grondements terrifiants du séisme de 1923 de Kanto. Quelquefois au contraire, le film semble vouloir jouer sur l'absence de son, principalement des personnes qui parlent en arrière plan, réduit à des ombres seulement mouvantes, comme si nous étions enfermés dans les pensées de Jiro. Visuellement, Le vent se lève tente de mélanger - avec succès - un hyperréalisme au niveau des décors avec des personnages plus caricaturaux, tout du moins au niveau de leur démarche et de leur visage. Mais rien de réellement différent de ce que l'on connaissait déjà dans les autres longs métrage du réalisateur. Musicalement enfin, Le vent se lève est baigné surtout de musiques d'ambiance, accompagnées de quelques airs de mandoline évoquant la cité des doges.
Pour mieux saisir Le vent se lève, j'ai tenté de voir si les thèmes du long métrage étaient puisés dans le poème en décasyllabe (dix « syllabes » prononcées par « ligne ») de Paul Valéry Le cimetière marin dont le film tire son titre, et qui correspond au premier vers de l'ultime strophe en sizain (6 « phrases » par « paragraphe ») du poème qui en compte 24 (soit au total 144 vers). N'étant pas familier du style, j'ai eu beaucoup de mal à comprendre Le cimetière marin, si ce n'est à dégager que c'était une ode à la mort. Non, plutôt que c'était le regard d'un homme à la fin de sa vie qui fait le bilan de son existence et n'attend désormais plus que la fin de la sienne. Accepter la mort, c'est accepter de vivre. Le vers « Le vent se lève. il faut tenter de vivre », régulièrement évoquée dans le long métrage du studio Ghibli, correspond donc totalement à la symbolique du poème de Valery et prend tout son sens à la toute fin du film. Au delà de ce lien entre le poème et le film, faut-il aussi y voir une représentation allégorique de la propre vie de Hayo Miyazaki ? La question mérite d'être posée.
Complexe. Au final, c'est sans doute avec ce mot que je résumerai Le vent se lève. Oeuvre d'un maître ou oeuvre d'une vie, je ne saurais le dire. Une chose est certaine, c'est sans aucun doute la touche finale d'un homme pour le studio Ghibli qui a su chaque fois se renouveler et offrir des films uniques en leur genre. Une page se tourne, et comme le vent qui se lève, il faudra désormais apprendre à continuer de vivre... sans lui.
Olivier J.H. Kosinski - 01 novembre 2014
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05 novembre 2014
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Doublage (France - 2014)
Jiro Hirokoshi : Paolo Domingo
Mme Kurokawa : Juliette Degenne
Kayo Horikoshi : Adeline Chetail
Nahoko Satomi : Chloé Berthier
Honjo : Guillaume Lebon
Mr Kurokawa : Julien Kramer
Mr Castorp : Georges Claisse
Mr Satomi : Patrick Béthune
Mr Hattori : Michel Ruhl
Caproni : Philippe Catoire
L'épicier : Serge Bourrier
Officier allemand : Jochen Haegele
Sources :
Forum Doublage France