Présenté dans plusieurs festivals, dont celui d'Annecy en 2011, L'ours montagne sort en salle en France le 19 octobre 2011. Peut-être à cause de ses origines danoises, le long métrage n'est pas distribué, sous quelque forme que ce soit, en Amérique du Nord. Le film dispose d'un doublage français, qui n'est cependant pas proposé au Québec.
Jonathan et Sophie passent les grandes vacances chez leur grand-père à la montagne. Alors que Jonathan se dispute avec sa petite soeur, celle-ci franchit la porte du jardin, malgré les avertissements du grand-père. Soudain enlevée par un ours gigantesque, elle disparaît dans une immense et mystérieuse forêt...
Il y a de ces films dont on croise la route un peu par hasard alors qu'on n'en avait jamais entendu parler auparavant. Dans mon cas, L'ours montagne est précisément de ceux-là. J'ai mis la main sur son DVD lors d'une opération promotionnelle où une grande surface bradait un gros stock de films pour enfants pour à peine 1 euro chacun. On ne trouve plus trop ce genre d'opérations actuellement même si le DVD reste encore très populaire. Ils sont distribués à des quantités nettement plus limitées et rarement en dessous de 10 euros, car les ventes sur support physique se sont effondrées ces dernières années. Je me suis d'ailleurs demandé, surtout à ce prix là, si ces DVD étaient réellement des éditions officielles et non des versions pirates, comme l'avait été La princesse des étoiles, la pauvre version saccagée de Nausicaä de la vallée du vent. Mais finalement non, L'ours montagne était bel et bien une oeuvre distribuée de manière tout à fait légale. Son tort ? Être une oeuvre qui avait eu le malheur de passer inaperçue en 2011, au point de sortir de la mémoire du plus grand nombre. Y compris la mienne ! C'est à l'occasion d'un nouvel aménagement de mon espace vidéo que j'ai remis la main sur L'ours montagne, ainsi que quelques autres longs métrages achetés ce jour-là, que j'avais mis de côté à l'époque car le site n'abordait alors pas encore la concurrence de Disney. Bref, L'ours montagne a des airs de film d'animation pour enfants très mineur face à la déferlante de productions américaines et japonaises, ce qui est bien dommage en vérité.
L'ours montagne est un film d'animation qui nous vient tout droit du Danemark, un pays qui a souvent contribué à des oeuvres animées européennes, comme Astérix et les vikings par exemple, mais auquel on pense assez rarement sur la scène internationale pour ce qui est des longs métrages d'animation. Il faut dire que le pays n'en produit pas forcément des masses, ni qu'ils font beaucoup de bruit auprès du grand public. Peut-être peut-on citer Ronal le Barbare sorti la même année que L'ours montagne, dont le caractère comique et racoleur avait fait sensation, mais dont je ne suis pas certain que le public en ai retenu que c'était une production danoise. Indéniablement, L'ours montagne est beaucoup moins vendeur. Pourtant, par delà la technique d'animation un peu désuète, le long métrage offre une belle fable, surtout à destination du jeune public, mais qui se laisse aussi voir en tant qu'adulte. Sans en égaler l'onirisme, L'ours montagne lorgne un peu du côté des univers fantasmagoriques du studio Ghibli. Il reste en effet toujours un doute, même une fois le film achevé, que l'aventure des deux enfants n'était peut-être pas si réelle. Car, avant de rencontrer cet immense ours, les deux enfants passent à travers une sorte de porte magique cachée au fin fond du jardin de leur grand-père. Il y a un petit côté Alice au pays des merveilles où les personnages basculent dans un univers étrange qui va leur apprendre le sens de la vie.
L'ours montagne, c'est avant tout une histoire de fratrie dont le frère et la soeur se chamaillent sans cesse. Une situation qui atteint son paroxysme cet été là car, pour la toute première fois, Jonathan ne vient pas tout seul en vacances chez son grand-père. Sophie l'accompagne, ce qui va bousculer ses habitudes. Le long métrage passe totalement sous silence comment sont les parents des deux enfants, s'il s'agit d'une fratrie recomposée ou non, ce qui laisse libre toute interprétation de cette animosité que Jonathan ressent pour Sophie durant une grande partie du film. Par la suite, L'ours montagne semble vouloir faire jouer Sophie le rôle de Mei dans Mon voisin Totoro. Avec son côté candide c'est Sophie, tout comme Mei, qui fait basculer l'intrigue vers un monde onirique. A commencer par cette mystérieuse grenouille qui semble capable de faire venir la pluie. Très vite, Jonathan se trouve embrigadé par l'aventure, mais il traine vraiment les pieds et ne se sent pas à l'aise dans ce nouveau monde. En partie, Jonathan est aussi bougon que l'était Chihiro avant de pénétrer dans le monde des esprits. Il arrive à peu près la même chose à Jonathan, qui doit prendre sur lui afin de retrouver et se réconcilier avec sa soeur. Pour cela, L'ours montagne met en travers de leur route un chasseur, qui pourrait tout à fait être une version plus âgée d'un Jonathan désabusé de n'avoir jamais retrouvé sa soeur.
Le personnage de l'ours gigantesque et affublé d'une forêt sur son dos, qui n'a rien à voir avec Torterra même si tout fan de Pokémon aura vite fait de penser à lui, est également un personnage particulièrement intéressant du long métrage. Là encore, la sensation d'un emprunt au studio Ghibli est palpable, à travers l'esprit de la forêt que l'on croisait dans Princesse Mononoké. Pour autant, cet ours montagne n'a, au premier abord, rien d'une divinité omnipotente. Tout au contraire, L'ours montagne tend à dépeindre l'animal comme une victime malgré lui de son gigantisme. Cependant, de nombreux signes laissent à penser que la rencontre des deux enfants avec lui n'est pas fortuite. Bien au contraire, sans doute aussi avec la complicité du grand-père, l'ours semble avoir voulu, derrière son espièglerie, provoquer cette rencontre, fabriquée de toute pièce à partir de l'inconscient des enfants (Jonathan lit par exemple Moby Dick, dont le parallèle avec le chasseur est éloquent). Par son intermédiaire, Jonathan et Sophie parviennent ainsi à se réconcilier. A contrario, on peut aussi suivre l'intrigue de L'ours montagne comme un vrai concours de circonstances entre l'ours et les enfants. Tout au long du film, l'ours passe le plus clair de son temps à réellement fuir l'hostile chasseur, cette situation ne semble pas forcément fabriquée. Ils étaient là juste au mauvais moment. Sauf si le monde onirique caché derrière la petite porte au fond du jardin fait voir, à ceux qui la traversent, comment il doivent surmonter leur peur. Ainsi, L'ours montagne peut s'apprécier selon toute interprétation que l'on souhaite.
Si les environnements naturels et le gros ours montage sont incontestablement des réussites, le long métrage souffre beaucoup de l'animation des humains. C'était déjà le cas à l'époque de sa sortie en salle, ça l'est d'autant plus aujourd'hui. Quelque chose en eux, que je ne parviens pas vraiment à définir, ne les rends pas totalement attachants. Le doublage français, tout comme leurs actions dans le film, parviennent à nous réconcilier avec eux, mais leur design semble toujours très maladroit. Leur animation est un peu hachée, comme si l'on était devant un film en stop motion tandis que leurs visages, pourtant travaillés, n'arrivent jamais vraiment à transmettre des émotions crédibles. Cela fait d'ailleurs souvent penser aux volets 3D de Le Cygne et la Princesse dont la sous-traitance est confiée à un studio indien, potentiellement le même. Ce n'est heureusement pas le cas de l'ours qui, lui, est une vrai réussite visuelle. Hormis les bruitages, qui renforcent assez bien l'ambiance de zone inconnue quelque peu hostile pour deux jeunes enfants, L'ours montagne bénéficie d'une bande originale assez discrète. C'est la première fois que j'entends des compositions de Nicklas Schmidt, qui est prolifique dans la fiction danoise, mais visiblement inconnu dans le reste du monde. La plupart des morceaux qu'ils proposent s'accordent bien aux scènes du film, mais on n'en retient aucun une fois que le générique de fin se termine.
Au final, L'ours montagne a, à la fois, un côté éducatif et onirique qui devrait sans nul doute plaire au jeune public. Sa technique d'animation reste peut-être son seul principal défaut, particulièrement les quatre humains que compte le film, mais dont l'évolution et les actions qu'ils entreprennent finissent par les rendre attachants. Mais lorsque l'on remet le contexte de création de ce long métrage à celui d'un pays d'Europe, dont les moyens financiers sont nettement moins généreux qu'aux Etats-Unis, on finit par se dire que le long métrage n'est pas si mauvais que ça vu les moyens déployés. Mieux, la morale du film est somme toute très appréciable, tandis que l'aventure s'apprécie particulièrement grâce à cet imposant ours qui bénéficie de toute l'attention nécessaire des artistes pour captiver l'auditoire.
Olivier J.H. Kosinski - 17 janvier 2025
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Doublage (France - 2011)
Jonathan : Gabriel Bismuth
Sophie : Léopoldine Serre
Grand-Père : Denis Boileau
Chasseur : Pascal Casanova
Sources :
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