Des mamans pour Mars est le second et dernier long métrage réalisé par ImageMovers Digital, studio alors détenu par Disney, qui sort en salle le 11 mars 2011 au Québec. Il devient le plus gros échec financier de l'année, ce qui sabre la carrière internationale du film. En France, rebaptisé Milo sur Mars, il n'est proposé qu'en DVD directement le 07 décembre 2011 jusqu'à épuisement des stocks. Le film disparaît alors des radars pendant près d'une décennie en France, jusqu'à l'ouverture de Disney+.
Pour Milo, jeune garçon de 9 ans, les mamans sont des esclavagistes qui tyrannisent les enfants avec des brocolis. Pourtant elles sont adulées dans le monde entier et même dans toute la galaxie ! Un jour, les Martiens débarquent sur Terre. Mais pas pour conquérir le monde ou détruire la planète : ils veulent enlever une maman ! Lorsque celle de Milo est enlevée, il s'embarque alors dans une aventure pleine de rebondissements sur les traces de sa maman...
Parler de Milo sur Mars, c'est évoquer la grandeur et la décadence numérique de Robert Zemeckis et son studio d'animation ImageMovers Digital qui n'aura même pas existé dix ans. Alors qu'il a toujours été l'un des pionniers en matière d'effets spéciaux, particulièrement durant les années 1980 où il fut l'artisan de grands succès commerciaux comme Qui veut la peau de Roger Rabbit, la trilogie Retour vers le futur, La mort vous va si bien ou encore Forrest Gump, le tournant des années 1990, puis surtout 2000, a été beaucoup moins glorieux pour l'artiste. Cherchant à toujours repousser plus loin les limites techniques des trucages de cinéma, il était pourtant naturel et logique que Robert Zemeckis se tourne vers les technologies numériques. Il va d'ailleurs être l'un des premiers à développer et vanter les mérites de la performance capture dont il fera sa première démonstration grand public avec Le pôle express en 2004. La performance capture est une évolution notable de la motion capture. Cette dernière, très utilisée durant les années 1990 dans le milieu du cinéma mais aussi des jeux-vidéo, permet de retranscrire les mouvements du corps d'un acteur pour ainsi les transposer dans un milieu animé. La technologie fut un temps à la mode dans le milieu télévisuel français, notamment avec l'émission pour la jeunesse La Planète de Donkey Kong, dont les personnages étaient animés au préalable puis intégrés à l'enregistrement de l'émission, ou encore le jeu télévisé Le Bigdil tourné en direct avec Bill cette fois, mais dont le principe était le même, à savoir des comédiens bardés de capteurs et cachés derrière des personnages numériques à l'écran.
Robert Zemeckis a souhaité aller beaucoup plus loin en mettant au point la performance capture. En plus de capter les mouvements du corps humain, il a souhaité faire en sorte de pouvoir aussi enregistrer les subtilités du langage corporel des acteurs. Mimiques, expressions du visage, tressaillement des doigts, mouvements oculaires, rien ne devait plus échapper à l'oeil de la caméra. Sa vision était de permettre aux spectateurs de s'immerger au plus profond de la réalité mais dans un monde 100% virtuel. En d'autres termes, son approche du cinéma d'animation entre en totale opposition avec celui du monde traditionnel de l'animation 3D, notamment face à Pixar ou Disney qui s'en sont fait une spécialité. D'une certaine manière, on se retrouve face aux même choix esthétiques qui furent fait au siècle dernier entre Blanche-Neige et les sept nains et Les aventures de Gulliver. Dans les deux cas, plusieurs scènes furent tournées avec de vrais acteurs, avant d'être transposées en animation. Mais Disney et Fleischer ont cependant fait des choix différents. L'animation de Blanche-Neige repose en grande partie sur le jeu de l'actrice, mais Disney lui a apporté des codes propres au cinéma d'animation pour rendre ça fluide, ce qui rend, encore aujourd'hui, le personnage toujours très réaliste. Fleischer a plutôt choisi l'approche de la photocopie pour Gulliver, ce que Don Bluth a aussi beaucoup abusé dans ses films où il y a la présence d'humains, ce qui rend l'animation des personnages étonnamment plus brouillonne. Le problème ? Plus on tente de se rapprocher du réel dans un film d'animation, plus l'oeil humain à tendance, au contraire, à y repérer le moindre défaut. Le cinéma d'animation est un art où il faut beaucoup tricher pour rendre ça crédible.
C'est là que réside tout le paradoxe de la performance capture. En voulant coller au plus près de la nature humaine, Robert Zemeckis s'est quelque peu fourvoyé en chemin. Il est vrai que Le pôle express avait été une très belle surprise, parce que tous les signes cosmiques s'étaient parfaitement alignés en 2004. D'abord, nous en étions encore au tout début de cette technologie, ce qu'on pouvait facilement lui pardonner en tant que film expérimental. Ensuite, le scénario bâti autour de la fête de Noël lui apportait un style graphique des plus agréables au long métrage et qui fait mouche encore aujourd'hui. Enfin, le film bénéficiait d'un atout charme non négligeable, celui de Tom Hanks, jouant plusieurs rôles à la fois qui plus est. Même avec une technologie balbutiante et une mise en scène tâtonnante, Le pôle express s'en sortait vraiment avec les honneurs. Mais la suite a été bien moins heureuse pour Robert Zemeckis. La légende de Beowulf puis Le drôle de Noël de Scrooge n'ont fait que prouver que la performance capture n'était finalement pas une solution viable sans être correctement retravaillée en post-production. De fait, là où un film comme Final Fantasy - Les créatures de l'esprit, qui avait bénéficié de motion capture mais retravaillé comme du temps de Blanche-Neige et les sept nains, est encore très solide encore aujourd'hui, aucun des trois films de Robert Zemeckis cités jusqu'à présent ne peut en dire autant. Pourtant, Robert Zemeckis s'est entêté à vouloir continuer dans cette voie, produisant avec Disney Milo sur Mars qui allait devenir le plus gros crash du box office américain. Bien que le film soit nettement plus solide que La légende de Beowulf et Le drôle de Noël de Scrooge, il ne fait aucun doute que le public a été particulièrement échaudé par cette technologie 3D peu engageante, disons même très froide, au point de finir par être tourné en dérision dans de nombreuses parodies, particulièrement dans Tic et Tac, les Rangers du risque.
Il y a pourtant de bonnes idées dans Milo sur Mars, même si le film manque un peu de consistance. Mais c'est incontestable que son problème majeur est lié aux humains, principalement Milo qui est un vrai repoussoir. Je ne parviens pas exactement à mettre le doigt sur ce qui ne va pas chez lui, mais il y a quelque chose, dans son visage, dans sa gestuelle, dans son comportement, que je qualifierai d'anormal. Déjà, il y a possiblement un problème dans l'acteur qui se cache derrière le rôle. Même si j'apprécie beaucoup Seth Green, faire jouer le rôle d'un enfant à un adulte de 36 ans a de quoi laisser perplexe. Même si le comédien n'est pas très grand, il ne convient définitivement pas au personnage. C'est d'ailleurs d'autant plus troublant que Tom Hanks était beaucoup mieux parvenu que lui à jouer un jeune adolescent. Même chose en ce qui concerne Joan Cusack dont le rôle de la mère de Milo semble éteint et amorphe. Tout comme son fils, le personnage semble manquer d'âme, ce qui en fait deux coquilles vides. Gribble s'en sort un petit peu mieux que les deux autres, principalement parce que son costume masque à peu près tous ses traits physiques, ce qui lui donne une apparence un peu cartoonesque. Par contre, on a énormément de mal à reconnaître Dan Fogler, vedette de Les Animaux Fantastiques notamment. La plupart des extraterrestres du film s'avèrent en contrepartie globalement plus sympathiques. Comme leur morphologie n'a plus rien d'humain, si ce n'est les acteurs cachés derrière la performance capture, il est plus facile de sympathiser avec eux, mention spéciale pour Ki dont la passion débordante pour les humains est assez amusante.
Il y a un peu de bon aussi dans Milo sur Mars, notamment, en partie, son scénario signé par Simon Wells et son épouse Wendy. L'homme a un passif très solide dans le monde de l'animation, il a par exemple travaillé sur tous les films d'Amblimation avant de rejoindre Dreamworks par la suite où il devient co-réalisateur pour Le Prince d’Égypte. Toutefois, c'est la première fois qu'on lui confie l'écriture d'un scénario, ce qui explique sans doute un certain manque de peaufinage dans le déroulé de l'histoire. L'un des défauts de l'intrigue porte par exemple sur le caractère urgent de la mission de rescousse de la mère de Milo qui, pourtant, se heurte continuellement à des péripéties qui pourraient facilement être évitées. Les personnages, et en particulier Gribble, ont une très forte tendance à la temporisation, même si celle de Gribble se justifie. En dehors de ça, tout ou presque semble vouloir retenir les personnages dans des endroits incongrus, ce qui les pousse à prendre des décisions pas toujours très cohérentes. De fait, cela casse un peu le rythme du film qui avance en dent de scie. Pour autant, sur la durée, la ténacité de Milo pour retrouver sa mère s'avère très touchante, d'autant plus si on la met en relation avec le destin plus funeste qu'a connu la mère de Gribble.
Techniquement, hors personnages, Milo sur Mars est par contre très solide dans sa façon de présenter la célèbre planète rouge. Avec malice, le long métrage surfe sur la théorie de la planète creuse, un genre narratif fortement popularisé par Jules Verne et son célèbre roman Voyage au centre de la Terre en 1864. Cela permet d'ancrer le film dans le monde contemporain, tout en donnant une explication logique, quoique comique, à l'absence de traces extraterrestres par les scientifiques terriens. Le long métrage exploite avec habileté le format cinémascope, ce qui permet de garder le genre récit d'aventure dans lequel s'inscrit le long métrage, même si sa prédominance reste dans le registre de la science-fiction. C'est peut-être là où le bas blesse. Disney et la science-fiction n'ont quasiment jamais fait bon ménage. C'est un registre dans lequel la compagnie de Mickey s'est presque toujours cassé les dents, à de rares exceptions près, comme WALL•E par exemple. Tron, La planète au trésor, Le trou noir, À la poursuite de demain, La montagne ensorcelée, John Carter ont divisés la critique et très lourdement endetté le groupe, alors que certains ont été réhabilités avec le temps, au point de devenir cultes. C'est comme si Disney devait absolument rester cantonné dans un univers merveilleux. A croire que la malédiction avait déjà entaché le projet avant qu'il ne soit finalisé car Milo sur Mars fut le plus gros désastre de l'industrie quand il est sorti, Disney n'y croyait même pas lui-même. Ce qui a condamné définitivement le studio ImageMovers Digital, racheté par Disney quelques années auparavant et revendu illico.
Avec le recul, Milo sur Mars semble surtout avoir pâti de son côté beaucoup trop ambitieux pour ce qu'il avait à raconter. Certes, les héros humains sont sans nul doute possible le plus gros point noir du film, mais les environnements sont particulièrement soignés et inventifs. Malgré le côté repoussoir du principal protagoniste, son histoire, bien qu'un peu simpliste, reste touchante et universelle. Mais celle qui ressort vraiment du film, c'est Ki et sa bonne humeur communicative, la surprise la plus sympathique offerte par le long métrage.
Olivier J.H. Kosinski - 06 décembre 2024
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Doublage (Québec - 2011)
Milo : Vassili Schneider
Gribble : Tristan Harvey
Ki : Kim Jalabert
Mère de Milo : Pascale Montreuil
Père de Milo : Gilbert Lachance
Surveillante : Johanne Garneau
Doublage (France - 2011)
Milo : Valentin Maupin
Gribble : Xavier Fagnon
Ki : Caroline Victoria
Mère de Milo : Clara Borras
Père de Milo : Damien Boisseau
Superviseuse : Perrette Pradier
Voix additionnelles :
- Bertrand Nadler
- Patrick Delage
- Cécile Nodie
- Delphine Benko
- Garance Giachino
- Sidonie Laurens
- Pascal Gilbertt
- Pierre Margot
- Nagid Bouali
- Alain Floret
- Laurent Larcher
- Valérie Siclay