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Disney+
La belle et le clochard

La belle et le clochard est, officiellement, la toute première création originale proposée sur la plateforme de vidéo à la demande Disney+. Il est proposé dans tous les pays concernés par le lancement du 19 novembre 2019, notamment aux Etats-Unis et au Québec, puis quelques semaines plus tard en France, lors de son ouverture le 7 avril 2020. Bien que le film fut d'abord disponible d'abord au Québec, il n'est cependant proposé qu'avec une unique version franco-française. Disney+ semblant un terrain propice à l'abandon pur et simple des doublages québécois des nouveaux films, dont l'existence et l'originalité sont déjà mises à mal depuis plusieurs années.

L'intrigue

La vie est douce pour Lady qui habite dans un quartier huppé. Ses maîtres, Jim Chéri et Darling, la dorlotent. Ses voisins Jacqueline et César sont toujours à portée d'aboiement. Mais à la naissance du bébé de ses maîtres, Lady cesse d'être au centre de leur univers, et l'arrivée de Tante Sarah et de ses chats complique encore la situation. Lady se retrouve bientôt à la rue, seule, dans un quartier peu accueillant de la ville. Heureusement, le Clochard apparaît et ne tarde pas, en chien errant dégourdi, à lui apprendre les usages du vaste monde...

Analyse de l'oeuvre

Lorsque je fais traîner une analyse des semaines durant, une chose est certaine, c'est que je ne sens pas le long métrage concerné. Une appréhension anticipée qui m'arrive quelquefois, comme une sorte de signal d'alerte qui se déclenche pour m'avertir qu'il est préférable de passer mon chemin. Huit fois sur dix, cette appréhension se transforme en certitude quand je découvre le film. Une fois sur dix, je me rends compte que ce n'était pas aussi horrible qu'il n'y paraissait, même si cela reste peu mémorable. Enfin, la dernière fois sur dix, je me découvre au contraire devant une étonnante agréable surprise, même si ce cas de figure se présente vraiment très très très rarement. Cette nouvelle réinterprétation d'un grand classique du cinéma d'animation qu'est La belle et le clochard rentre malheureusement dans la première catégorie, directement dans la case des immenses déceptions sur la forme, car je n'en rejette pas forcément le fond. La belle et le clochard et moi avons une longue histoire de "Je t'aime... moi non plus". Premier film d'animation Disney que j'aurais apparemment vu en salle d'après mes parents, même si je n'en garde qu'un unique fugace souvenir (la scène des vêtements étendus durant "Bella Note" il me semble), j'ai longtemps voué une certaine affection pour lui avant de m'en éloigner petit à petit année après année. Aujourd'hui, comble de l'ironie, je le trouve trop lent et passablement ennuyeux, même la relation de ce couple canin mythique m'indiffère désormais complètement.

Dans ces conditions, il y avait peu de chances que j'apprécie la nouvelle version exclusive proposée par Disney+. Sauf que La belle et le clochard version 2019 arrive quand même à faire encore pire, un sacré exploit ! Même si cette mise en bouche n'est pas des plus heureuses, je ne suis tout de même pas en train de dire que La belle et le clochard est une catastrophe (quoi que...). Sur le fond, je reconnais même que cette adaptation "en chair et en os" reste globalement convaincante puisqu'elle retranscrit le scénario du film d'animation avec une assez grande fidélité. C'est surtout la forme que prend le long métrage qui me dérange. Deux éléments en particulier d'ailleurs : le contexte uchronique et fantaisiste qu'a adopté le scénariste Andrew Bujalski, ainsi que l'aspect fantasque et irréaliste des chiens numériques omniprésents à l'écran. A cela s'ajoute, comme c'était déjà le cas pour Dumbo, le déport des rôles majeurs principalement vers des personnages humains terriblement creux, qui se sont ici multipliés à outrance, alors qu'ils ne servaient qu'à servir le contexte au film d'animation de 1955. Dès lors, depuis les toutes premières minutes du film, La belle et le clochard perd immédiatement toute crédibilité et n'arrive plus jamais à relever la tête jusqu'au dénouement.

Car, il faut l'admettre, le long métrage échoue lamentablement à rendre tous ses chiens numériques crédibles. Pour peu que vous ayez chez vous un gentil compagnon à fourrure, peut-être remuant, voire même trop survolté, vous n'arriverez pas à me convaincre que vous trouvez leurs comportements réalistes. Disney a pourtant un passif immense dans l'humanisation du monde animalier, y compris dans les films live, le studio ayant même poussé le bouchon un peu trop loin dans le photoréalisme avec Le roi lion sorti quelques mois auparavant. Pour autant, La belle et le clochard fait le choix contestable de remplacer les vrais chiens présents lors du tournage par des homologues numériques au comportement invraisemblable sur la quasi-totalité du film, hormis dans quelques scènes très minimalistes qui s'avèrent justement les seules à se révéler authentiques car elles n'ont fait l'objet d'aucune retouche numérique. Par exemple, lors d'une scène au premier tiers du film, Clochard est allongé à l'arrière d'un véhicule avant de sauter dans la rue pour y vagabonder. La scène, peu complexe en terme de mise en scène puisqu'il s'agit juste d'un travelling, fait pourtant ressortir tous les défauts de La belle et le clochard. Dès l'instant où Clochard se lève, puis saute et marche, le toutou numérique se révèle dans toute sa disgrâce. Il semble dépourvu de masse (faut voir l'impact du chien sur le sol pour ne pas y croire) et semble carrément flotter dépourvu de gravité au dessus des pavés, même le mouvement de ses oreilles et de sa queue ne sont pas crédibles.

Plus loin, quand Lady déambule dans le jardin et converse avec le Clochard, on y croit encore moins avec leurs yeux globuleux inexpressifs. L'infamie virtuelle s'agrandit encore plus lorsqu'elle est confrontée aux deux félins durant une scène visuellement vraiment brouillonne ou lorsqu'elle se livre à des acrobaties absolument invraisemblables quand elle tente d'échapper aux véhicules en marche après avoir fuit Tante Sarah, ne parlons même pas de sa scène surréaliste où elle prétend avoir la rage. Si ce genre de fantaisie n'est pas du tout dérangeante en animation pure, transposer un comportement digne de cartoons dans un film avec acteurs détruit, en substance, toute la crédibilité de l'ensemble des scènes. Et quand on a bien droit au vrai chien conservé tel quel à l'écran, c'est alors son animation faciale, pas du tout raccord avec le reste de son corps, qui rend les personnages dérangeants, disons même anormaux. A un moment donné, je n'ai même plus suivi l'intrigue tant cela me dérangeait, je faisais plutôt le décompte, scène après scène, entre les chiens numériques et les vrais (avec une part affreusement importante des faux), d'autant plus que certains plans enchaînaient carrément les deux techniques en alternances. Bref, visuellement, La belle et le clochard c'est immonde.

Le politiquement correct passant par là, l'intrigue du film d'animation de 1955 est lissée et débarrassée de ce qui pourrait paraître indigne aux yeux des spectateurs tatillons de ce début de XXIe siècle. A cela s'ajoute une accentuation des personnages féminins, histoire de rentrer dans le rang du féminisme dominant de ces dernières années chez les américains, ainsi qu'un cadre de vie idyllique qui tente de se débarrasser des stéréotypes et considérations raciales. Si l'intention est louable en substance, elle crée toutefois un léger malaise par rapport à la réalité historique des Etats-Unis dans laquelle La belle et le clochard est censé se dérouler. Même si le film n'indique pas réellement où se situe la ville où ils vivent, ceci pour laisser libre court à l'imagination des spectateurs, le long métrage propose tout de même de nombreux codes visuels évoquant le sud, notamment la Louisiane et la Géorgie (où le film a été effectivement tourné). Or, à cette époque là, les états du sud avaient instaurés les lois ségrégationnistes très dures "Jim Crow", ce jusqu'au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le long métrage en devient alors anachronique même si, dans un recoin de notre tête, on sait pertinemment que La belle et le clochard essaie de se montrer fédérateur et volontairement uchronique sur cet aspect.

Plus gênant, cette nouvelle version de La belle et le clochard fait un choix douteux en remettant en cause le message de tolérance qu'avait pourtant le film d'animation de 1955 (hormis le cliché des chats siamois, mais c'est un autre débat) ainsi que l'aspect dramatique du destin final tragique des chiens enfermés à la fourrière, ici effacé. En 1955, Clochard était un chien libre de toute attache, qui vivait la vie comme elle venait, loin de toute considération ou attache, aussi bien envers les autres chiens qu'avec les humains. Sa rencontre avec Lady va complètement bousculer sa vie et ses principes, sans pour autant qu'il renie complètement ce qu'il était. A la fin du film, Clochard ne devenait ainsi pas un gentil bourgeois, tout comme Lady n'en devenait pas une baroudeuse non plus. Au contraire, les deux apprennaient l'un de l'autre pour renforcer leurs personnalités, découvrant chacun les côtés positifs et négatifs des deux mondes auxquels ils appartenaient. Le remake, au contraire, met tout de suite en doute le choix de vie du Clochard. Visiblement, le film ne s'en cache pas, vivre dans la rue, c'est mal et c'est forcément votre faute. Même les autres chiens vont le railler et lui dire de rentrer dans le rang fissa fissa. Ce qu'il finira évidemment par faire, grâce à Lady qui se pose en sauveuse d'un être qui était donc finalement misérable. La belle et le clochard inverse ainsi les rôles du prince charmant et de la princesse enfermée dans sa tour. Dur à accepter quand le film, qui se prétend ouvert à la tolérance, n'a aucune considération pour le Clochard.

Par rapport au film d'animation, La belle et le clochard reprend la plupart des grandes scènes mais les réarrange parfois d'une étrange manière. Ce qui cloche en particulier, c'est d'avoir légèrement décalé le focus de l'intrigue vers les nombreux humains que compte ce remake. L'un des plus importants changements réside dans la manière où est présenté pour la première fois la grossesse de Darling. En 1955, l'évènement était vécu du point de vue de Lady, car c'était avant tout un film animalier, non humain. Celle-ci ne comprenait pas pourquoi Jim et Darling avaient tant changé leur comportement envers elle. Ce n'était que l'arrivée impromptue du Clochard qui lui révélait le pot au rose. L'effet de style était particulièrement habile rendant le désarroi de Lady communicatif. Le remake évente cette subtilité narrative en dévoilant la future naissance du bébé dès le début au travers d'un traveling sans équivoque, rendant de fait le déroulement des mêmes faits bien moins pertinents. Un décalage de ton qui s'accentue avec la chanson "La la lou", entendue bien trop tôt dans le remake et que l'on associe alors spontanément à la relation entre Darling et Lady, alors qu'elle était surtout une immense réconciliation entre Lady, Darling et le bébé en 1955. Le foyer familial s'apaisait ainsi autour de cette chanson jusqu'à, évidemment, ce que Tante Sarah débarque et remette tout en cause. Ici, lorsque Darling chante à nouveau la berceuse pour son enfant, tout ce qu'on retient, c'est qu'elle a désormais renié Lady.

Du point de vue musical, La belle et le clochard reprend la plupart des airs bien connus, réarrangés de manière contemporaine pour la plupart, en abandonnant cependant la chanson des siamois pour une nouvelle chanson finalement tout aussi clichée que la précédente. A la place des chinois sournois et fourbes, tel qu'on aimait les imaginer au début de siècle dernier (pour ceux qui en doutent, relisez Tintin), on nous fourgue à la place le cliché des banlieusards manipulateurs. Joli transfuge ! Rendez-vous en 2083 pour que la scène en question soit finalement elle aussi changée à son tour ? Pour le reste, La belle et le clochard reprend quatre chansons composées autrefois par Peggy Lee et Sonny Burke : "Bella Notte", "La La Lou", "Il se traîne" et "Que la paix soit éternelle". Elles se révèlent d'ailleurs dans l'ensemble proche dans le texte à ce que l'on connaissait d'elles jusque là, sans être strictement identiques à Aladdin en début d'année 2019. De ce point de vue, ce remake n'est pas vraiment à prendre en défaut.

Même si je me suis détourné depuis longtemps de La belle et le clochard de 1955, je n'en renie pourtant pas son existence et continue d'en louer ses nombreuses qualités. Un sentiment que je suis toutefois incapable de donner à ce remake qui aseptise à peu près tout ce qui faisait la force du film d'animation. Adieu les éléments de tensions, adieu la dramaturgie, adieu la peur pour les chiens de la fourrière, cette réinterprétation se veut littéralement joviale de bout en bout, éliminant tout ce qui aurait pu être trop effrayant (à part le rat, et encore...), donnant à tous les personnages une fin heureuse, au point de finir par se dire qu'on a assisté à une aventure très puérile. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil... A cela s'ajoute des scènes comiques purement enfantines indignes d'un film d'un tel acabit, un emballage visuel à la ramasse digne d'un téléfilm, un message de tolérance qui rate sa cible et on finit par comprendre pourquoi La belle et le clochard a échoué directement sur Disney+.

Olivier J.H. Kosinski - 22 juillet 2020

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12 novembre 2019
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Disponibilité selon restriction territoriale

Voxographie Francophone

Doublage (France - 2019)

Lady : Aurelie Konate

Clochard : Boris Rehlinger

Jim Cheri : Gabriel Bismuth-Bienaime

Darling : Fily Keita

Elliot : Emmanuel Gradi

Peg : Isabelle Leprince (Dialogues)

Peg : Kristel Adams (Chant)

Jacqueline : Blanche Ravalec

Tante Sarah : Annie Milon

Cesar : Thierry Murzeau

Bull : Pascal Casanova

Tony : Bernard Alane

Maitresse de Jacqueline : Brigitte Virtudes

Docteur : Thierry Kazazian

Devon : Frantz Confiac

Rex : Guillaume Beaujolais

Choeurs :

- Georges Costa

- Olivier Constantin

- Jérôme Gallo

- Erwan Piriou

- Karine Costa

- Marielle Herve

- Brenda Della Valle

- Francine Chantereau

Sources :
Carton Générique

2.5