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Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire marque la consécration cinématographique de la stratégie mercantile de Michael Eisner à produire de multiples suites à tous les grands classiques de l'animation du groupe Disney. Avec un budget limité, une animation médiocre souvent sous-traitée dans un département plutôt spécialisé dans les séries télévisées, mais des ventes assez colossales, la rentrée d'argent fait tourner la tête des dirigeants de la compagnie. Et tant pis si le retour de flamme va s'avérer extrêmement fatal conduisant, plus ou moins, à la mort définitive de l'animation 2D d'excellence de Disney. Plusieurs suites ont déjà été commercialisées en VHS, la majorité ont été des succès. Il n'en faut guère plus pour que Disney tente de déplacer la stratégie vers le grand écran. Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire, c'est le galon d'essai pour tester le grand public. Peter Pan est un célèbre personnage Disney, connu de plusieurs générations de spectateurs, car il a traversé plusieurs décennies sans se ternir avec l'âge. C'est donc lui qui est choisi pour lancer la nouvelle fournée de suites que l'on aura désormais l'honneur de découvrir en salle. Et le succès sera au rendez-vous, pour les têtes pensantes de Disney en tout cas, ce qui conduit à la création de DisneyToon Studios qui se chargera désormais de développer exclusivement des suites aux plus grands succès animés de Disney durant quelques années avant que John Lasseter y mette un peu d'ordre.
Du fait du décalage de projection de quelques mois entre les sorties québécoise et française, Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire bénéficie aujourd'hui de deux doublages francophones distincts. Depuis Qui veut la peau de Roger Rabbit en 1988, le studio Disney s'est décidé à offrir un doublage local spécifique pour le territoire francophone canadien. C'était le tout premier à le faire à l'époque, où l'hégémonie du doublage français était alors devenue la norme. Pour ce qui est des suites en vidéo, Disney s'est généralement efforcé de reprendre les mêmes comédiens que les premiers films des deux côtés de l'Atlantique. Quelques anomalies sont cependant apparues en cours de route : La belle et la bête 2 - Le Noël enchanté et Le roi lion 2 - La fierté de Simba se sont vu offrir des doublages propres au Québec alors que les premiers ne furent doublés qu'en France à l'époque (sans que l'on sache pourquoi les 2 premiers films ont fait exception en n'étant pas doublés au Québec), bien que le second est depuis passé à la trappe, tout comme Le retour de Jafar s'est vu imposer en français au Québec, alors que Aladdin et le roi des voleurs fut bien doublé par des comédiens locaux. Peter Pan premier du nom a déjà pour particularité d'avoir été redoublé. Mais, dans les deux cas, c'est systématiquement la même version qui fut proposée partout. Celle de 1953 jusqu'au tout début des années 1990, puis le redoublage de 1992 depuis lors. Il vient donc naturellement à l'esprit que Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire allait suivre la même logique. Après tout, cela s'est déjà vu auparavant, notamment avec Dingo et Max 2 - Les sportifs de l'extrême. Dans le même ordre d'idée, afin d'assurer une continuité vocale parfaite, c'était aussi le choix fait pour Bernard et Bianca au pays des kangourous où Béatrice Delfe et Roger Carel avaient repris leurs rôles de l'époque.
Avec sa projection au cinéma, on aurait alors pu penser que Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire allait suivre le même chemin. Finalement, c'est bien un doublage réalisé au Québec qui fut proposé, malgré la surprise de certains spectateurs habitués à entendre Hervé Rey sur Peter. Pourtant, il y avait eu des précédents : La grande aventure de Winnie - A la recherche de Jean-Christophe (même si ce doublage a été retiré de la vente aujourd'hui), Le film de Tigrou, La belle et le clochard II - L'aventure de Scamp ou encore Cendrillon II - La magie des rêves. Mais tous avaient été proposés directement en vidéo, ce qui n'est pas le cas de Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire. De fait, aujourd'hui, Peter Pan a connu, dans les films tout du moins, trois voix officielles différentes. Claude Dupuy en 1953, Hervé Rey en 1992 et Sébastien Reding en 2002. Mais comme indiqué plus haut, Hervé Rey reste le comédien le plus facilement associé au personnage, le plus iconique dans tous les territoires francophones, parce qu'il continue régulièrement à l'interpréter au-delà des longs métrages, que ce soit dans des jeux-vidéos ou des séries télévisées par exemple, voire même à Disneyland Paris à l'occasion. Ce qui fait de lui une voix familière quasiment définitivement associée à Peter Pan aujourd'hui. Au Québec, c'est donc Sébastien Reding qui a la tâche de reprendre le personnage en 2002. J'avoue avoir été particulièrement perturbé par sa voix. Non pas qu'il soit mauvais dans le rôle, bien au contraire, mais surtout parce que Sébastien Reding est associé à Sacha dans sept longs métrages Pokémon doublés au Québec. Longtemps boudés en France, avant que la pokémomania ne redevienne à la mode en 2007, plusieurs longs métrages Pokémon sont longtemps restés inédits en France. Je n'ai découvert la plupart d'entre eux qu'à travers leurs doublages québécois, de fait, j'ai eu une sorte de décrochage acoustique en entendant Sébastien Reding sur Peter Pan la première fois. Pourtant, il s'en sort très bien sur le personnage. Son timbre vocal et ses intonations rappellant, parfois, celles de Claude Dupuy en 1953. Côté français, Hervé Rey reste fidèle à la même interprétation qu'il avait proposé dix ans auparavant pour le redoublage du premier film.
Si l'on excepte Clochette, qui tintille de la même façon quel que soit la version, Hervé Rey est cependant le seul comédien français repris dans cette suite sur grand écran. Le seul autre personnage qui aurait pu retrouver sa voix aurait pu être le Capitaine Crochet, mais, malheureusement, l'illustre Jean-Henri Chambois est décédé en 1997 empêchant leur retrouvaille vocale à l'écran. De fait, deux comédiens se partagent le rôle dans Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire : Philippe Catoire en France et Hubert Gagnon au Québec. Hubert Gagnon est un habitué des doublages, s'étant notamment illustré dans le rôle contemporain de Vernon Dursley, l'oncle antipathique de Harry Potter dans le doublage québécois de la saga. Il a également contribué à plusieurs films d'animation Disney comme Monstres Inc., Ratatouille, La vie sauvage, Petit Poulet ou Trouver Nemo. Je dois reconnaître que Hubert Gagnon n'est pas très à l'aise avec le trait de caractère parfois comique du personnage, mais il s'en sort un peu mieux quand il s'agit de faire des traits d'esprits ou lorsque, brièvement, Crochet laisse sortir sa colère. Philippe Catoire est aussi une voix connue en France, même si ce sont surtout des seconds rôles que l'on retient de lui, à l'exception peut-être de Lord Farquaad dans le premier Shrek. Au contraire de Hubert Gagnon, Philippe Catoire exacerbe le rôle comique de Crochet, suivant la logique du studio Disney qui a, plus ou moins, effacé son côté maléfique et sournois du premier film. De fait, la balance penche complètement de l'autre côté lorsqu'il tente de rendre Crochet méchant. On ne croit pas une seule seconde à sa férocité, pourtant visible, même si c'est fugace, lorsqu'il tente de tuer Jane. Aucun des deux n'arrive donc à égaler Jean-Henri Chambois qui avait bien mieux réussi à retransmettre l'ambivalence du personnage rien qu'avec sa voix.
Tout autour de ces deux illustres personnages gravite de nouveaux, comme d'anciens, personnages. Aucun ne retrouve les voix qu'ils avaient en 1992, quel que soit le doublage écouté. Parmi les nouveaux, intéressons-nous un moment à Jane. C'est le second enfant humain dans un film d'animation Disney, après Mélodie deux ans auparavant. Son design est cependant un peu moins travaillé que la fille d'Ariel. Celle-ci avait reçu un travail assez attentionné des artistes, combinant avec bonheur les caractéristiques physiques de ses parents, au point qu'elle reste encore très appréciée du grand public et des fans. Jane a plutôt été conçue comme un clone modernisé de Wendy, plus en accord avec les codes de l'animation des années 1990, ce qui sert d'ailleurs de prétexte au début du film à Crochet, qui pense enlever Wendy. Toutefois, elle se démarque de sa mère en étant plus terre-à-terre. Il faut dire que la Seconde Guerre Mondiale a complètement sapé le moral de la jeune fille, qui voudrait grandir plus vite. En soit, comme il est de coutume avec toutes les suites produites par Disney, Jane est le miroir inversé de Wendy. L'une lutte pour ne pas grandir, mais découvre que c'est inéluctable, tandis que l'autre veut devenir adulte, mais découvre les joies de l'enfance. De fait, je trouve que Kim Jalabert s'en sort mieux dans la version québécoise que Noémie Orphelin en France. Elle parvient à mieux capter la détresse émotionnelle de Jane, là où Noémie Orphelin est plus dans l'affront permanent avec ce qui l'entoure. Kim Jalabert parvient mieux à démontrer que Jane est une jeune fille en souffrance. Leurs interprétations sont donc assez différentes.
Les autres comédiens de la distribution ne se démarquant pas vraiment les uns par rapport aux autres, je préfère m'attarder sur les quelques chansons que compte Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire. Comme il était de coutume dans tous les films Disney doublés au Québec, jusqu'au tragique virage de WALL•E où Disney France a amalgamé les comédiens francophones, l'une des plus grandes variations des doublages était au niveau des chansons. Le Québec a toujours essayé d'être le plus fidèle possible au texte anglais original, là où la France a toujours une préférence pour la métaphore. C'est à dire retranscrire la même émotion, voire le même message, mais à travers des phrases et des mots différents, ceci afin de garder une sorte de rythmique musicale. La variation la plus notable ayant notamment été proposé dans Aladdin où "Un nouveau monde" s'est mué en un "Rêve bleu" tout aussi douteux que culte. Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire se situe encore dans cette époque bienheureuse où ces variations faisaient la force des comparatifs doublages, là où tout s'est arrêté tragiquement depuis 2009 avec Raiponce et son adaptation commune au deux territoires. Ainsi, nous avons droit à quelques chansons dont les propos ne sont pas tout à fait les mêmes sur les deux versions à commencer par la toute première. Dans la version québécoise, "La seconde étoile à droite" fait explicitement référence au Pays Imaginaire, alors que la version française "La deuxième étoile" incite plutôt Jane à la rêverie. Ce n'est pas vraiment la même chose.
Plus loin, Jane se livre à une introspection musicale, un moment où elle fait le point sur ses convictions. La version québécoise "J'essaierai" laisse entendre que Jane veut étouffer ses anciennes croyances car elle ne parvient plus à s'en émerveiller. La dure réalité du conflit mondial l'empêche de croire qu'un monde merveilleux puisse exister. Pour autant, elle tente de se convaincre d'essayer d'y croire, au moins pour faire plaisir à sa mère et ne pas détruire les maigres espoirs de son frère. La version française "Je crois" donne au contraire un sentiment complètement opposé. Jane croit toujours au merveilleux, mais elle se construit une barrière pour se protéger de la dureté de la situation. Jane remet également en question les valeurs que tente de lui inculquer sa mère. L'approche des deux chansons n'est donc pas la même. Quelques minutes plus tard, c'est Monsieur Mouche qui se lance dans une petite chanson humoristique, par Jacques Lavallée au Québec et Patrice Dozier en France. Les deux sont très rigolotes, mais j'ai une nette préférence pour la chute de la version québécoise "Qui va le bousiller, le foirer comme jamais", plutôt que la française "Et boum, badaboum, il va se ramasser" qui sent le manque d'inspiration flagrant. Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire propose ensuite une toute dernière chanson inédite, consacrée aux garçons perdus. Les deux se valent, même si le texte n'est, là encore, pas tout à fait le même. On retient toutefois des deux que ce sont de joyeux drilles, même s'ils ont une hygiène déplorable.
Pour le reste du film, c'est la reprise du premier solo de Jane qui est proposé. Enfin, ce n'est pas tout à fait exact. L'habileté de cette chanson réside dans le fait que les différents couplets ont été découpés en trois parties. Au début du film, Jane est en plein doute. Au milieu, ses convictions s'étiolent. A la fin, elle croit en ce que sa mère lui a dit. Le texte de la version québécoise "J'essaierai", qui colle assez fidèlement au texte anglais, se montre résolument supérieur à la version française "Je crois". Parce que la chanson se résume avant toute chose à avoir la foi en quelque chose, ce que Wendy tente de lui apprendre depuis le début. La version française botte un peu en touche à ce niveau, volontairement ou non, car le texte n'évoque pas la même chose. Jane est juste désabusée, elle a simplement étouffé sa petite étincelle merveilleuse, mais sans l'éteindre complètement. Elle essaie de se convaincre qu'elle a tort, que seul le réel est tangible. Ce n'est pas le cas de la version québécoise. Jane a perdu totalement sa petite étincelle enfantine, que le long métrage représente de manière métaphorique avec Clochette dont la lumière vacille. La chanson "J'essaierai" et Clochette sont intimement liés dans le film. "Je crois" casse totalement cette relation en rendant Jane un peu plus nombriliste. Pour autant, les deux chansons se rejoignent sur le côté envieux de Jane envers les merveilles que son frère et sa mère sont capables de voir et pas elle. Notons aussi que la toute dernière phrase de la chanson change aussi complètement la portée du texte. Dans "J'essaierai", Jane conclut sa prestation en étant désormais prête à s'envoler, en d'autres termes, elle se libère des chaînes qui la retenaient. "Je crois" préfère s'achever sur la seule croyance en Peter Pan, un être merveilleux certes, mais finalement très tangible. La portée du texte s'en trouve donc changée. Elle ne se libère plus de ses doutes et de ses peurs, elle croit juste en Peter, une figure externe et pas en elle-même. A mon sens, c'est un gros raté.
Globalement les deux doublages francophones de Peter Pan 2 - Retour au Pays Imaginaire s'avèrent donc très bons à écouter. On trouve quelquefois meilleur dans l'un, quelquefois meilleur dans l'autre, mais les deux se valent. J'émettrais juste une grosse réserve vis-à-vis de l'adaptation française du titre "I'll try" qui semble s'être permise un peu trop de liberté au point de changer un tantinet l'importance de la chanson dans le film.
Nota Bene : La liste des comédiens ayant contribué à ces doublages francophones est disponible dans la fiche dédiée du film. Merci de vous y reporter.
Olivier J.H. Kosinski - 05 août 2024